Radovan Karadzic, sous l'influence du TPIY, est présenté de manière unanime comme l'un des plus grands criminels de guerre de la fin du XXème siècle, coupable de génocide, en particulier à Srebrenica, et de crimes contre l'humanité. Le diable en personne. Ce qu'il est probablement, mais pas sûrement. En tout cas c'est tout de même dire que Radovan Karadzic est jugé et condamné par avance et qu'il ne reste plus qu'à déterminer la peine.
Pour bien le montrer, je prends un exemple, entre mille, tiré de l'Associated Press du 22 juillet 2008 et cité par le site serbe Orlovi.com ( ici ) : "La présidence serbe a annoncé lundi l’arrestation de Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie et artisan avec Slobodan Milosevic du "nettoyage ethnique" qui a fait 260.000 morts et 1,8 million de déplacés durant la guerre de Bosnie de 1992-95.".Quelle précision dans l'imprécision ! Je suis impressionné par l'exercice comptable journalistique...
Dans Le Temps ( ici ) du 23 juillet 2008 on peut lire un autre exemple : "La Suisse a salué l'arrestation de Radovan Karadzic, se félicitant de "l'action résolue des autorités de poursuite pénale serbes". Il s'agit d'"une victoire du droit et du principe selon lequel les crimes de guerre ne sauraient rester impunis", ont indiqué les services de Micheline Calmy-Rey". Drôle de victoire du droit qui se passe d'audiences pour condamner ! La "neutralité active" de la ministre helvétique des affaires étrangères consiste-t-elle à prendre parti, à caractériser des crimes par avance, et à hurler avec les loups ?
Je regrette de dire que dans ces conditions je ne vois pas l'intérêt qu'il y a à extrader et traduire Radovan Karadzic devant le TPIY. En effet, de deux choses l'une : ou un tribunal est nécessaire pour établir la vérité, ou la vérité est établie par avance, et dans ce cas-là il n'y a pas besoin de tribunal. Si l'on admet qu'un tribunal est nécessaire pour établir la vérité, alors, tant que l'accusé n'est pas jugé, s'appellerait-il Karadzic ou Tartempion que ce serait la même chose, il est présumé innocent. Il est triste de devoir rappeler une telle évidence.
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, TPIY, que tout le monde reconnaît comme légitime, a été créé au bénéfice d'une entorse à la Charte des Nations Unies. Il aurait dû être créé à la suite d'un vote de l'Assemblée générale de l'ONU, or il l'a été par une décision du Conseil de sécurité de cette organisation. Ne pas respecter ses propres règles n'est jamais de bon augure, surtout quand on prétend incarner le droit... La suite a prouvé que le TPIY ne traitait pas de la même manière les Serbes d'un côté, et les Croates, ou les Bosniaques, de l'autre...
Enfin il est scandaleux que l'Union européenne, une fois de plus, dicte sa loi à un gouvernement d'un pays tiers. Cette ingérence n'est rien de moins que du chantage. Je me demande d'ailleurs ce qui est le plus scandaleux : ce comportement de l'UE ou l'absence de réaction des média devant ce comportement. Je croyais naïvement que le chantage était une activité criminelle, qu'il soit le fait d'une personne ou d'un groupe de personnes, d'un Etat ou d'un groupe d'Etats. Je croyais naïvement également qu'il ne fallait jamais céder au chantage...
Toutes ces considérations me conduisent à penser que les autorités serbes n'ont certes pas eu tort d'arrêter Radovan Karadjic, ne serait-ce que pour lui donner l'occasion de se défendre contre les accusations portées contre lui, et pour tenter d'établir la vérité, mais qu'elles auront tort de le transférer à La Haye devant un tribunal douteux de par sa naissance et de par ses prestations. Enfin ce n'est pas en cédant aux chantages de l'UE qu'elles ont le plus de chance de défendre au mieux les intérêts de leur pays.
Sur le site serbe Orlovi.com, un article intitulé L'arrestation de Karadzic n'aidera pas la Serbie à adhérer à l'UE ( ici ) montre bien que de toute façon les Serbes ont du souci à se faire s'ils veulent vraiment intégrer l'UE, ce qui n'est peut-être pas pour eux souhaitable...
Francis Richard