La Pinacothèque de Paris ( ici ) a eu l'idée judicieuse d'exposer ensemble les oeuvres de Suzanne Valadon et de son
fils Maurice Utrillo (ci-contre peint par sa mère). C'était pourtant une gageure que de mettre en parallèle deux oeuvres aussi différentes. Qui sont étrangement complémentaires.
Suzanne Valadon dessine admirablement bien. C'est par des dessins d'elle que mon oeil a été accroché au tout début de l'exposition. Il s'agissait essentiellement de nus de femmes dessinés au
crayon noir, femmes aux formes parfois un peu trop avantageuses à mon goût, qui ne se porte pourtant pas vers les modèles anorexiques d'aujourd'hui. Parmi ces dessins de corps dénudés,
une sanguine se distingue, encore plus charnelle que les autres, plus humaine si c'est possible.
La peinture de Suzanne Valadon se caractérise par un dessin très affirmé, une composition sûre et surtout des couleurs crues, joyeuses, peu nuancées, mais reflétant l'exubérance et le fort
tempérament de l'artiste, qui a été le modèle et la maîtresse de très grands peintres de son temps. En mûrissant d'ailleurs elle peindra de mieux en mieux, ses premières oeuvres apparaissant
alors comme des oeuvres de jeunesse avec lesquelles elle aura cherché son style. Il y a une sacrée évolution par exemple entre les Trois nus à la campagne (1907) et le portrait de
Germaine Utter (1926). Suzanne Valadon exercera son art aussi bien dans des portraits que des paysages - j'aime particulièrement le Sous-bois (1914) - et des natures
mortes. Ce qui montre qu'elle s'est essayée, avec bonheur, dans des registres très divers, de même qu'elle a croqué la vie à pleines dents.
Les premiers tableaux de Maurice Utrillo représentent la campagne à Montmagny. C'est bien, mais ce n'est pas très original. C'est dans la peinture de rues de banlieue et de Paris qu'il
va déployer toute son originalité et ce qu'il faut bien appeler son génie. La plupart des oeuvres qui sont présentées à la Pinacothèque de Paris correspondent à ce que les critiques appellent sa
période blanche. Pendant cette période Maurice Utrillo peint essentiellement des rues où il n'y a pas âmes qui vivent, ou sinon juste esquissées au loin, silhouettées. Les rues qu'il peint sont
donc désertes, ou quasi. Les fenêtres y sont des trous noirs. Les murs des immeubles y sont blancs, mais d'un blanc obtenu curieusement en mélangeant du plâtre au blanc de zinc. Magie du pinceau,
les ciels y sont à la fois lourds et lumineux.
Il y a longtemps que je ne suis pas retourné à Montmartre - une des dernières fois c'était pour y boire un coup avec ADG, l'auteur de polars littéraires, qui était de quatre années mon
aîné - mais les tableaux de Maurice Utrillo qui montrent toutes les rues qui serpentent sur les flancs de la Butte donnent bien envie d'y refaire un saut, ce que je ne manquerai pas de faire
lorsque je serai prochainement de passage à Paris. Certes je sais qu'il me sera difficile de reconnaître les images dont je me suis rempli les yeux samedi dernier, après m'être fait tremper
comme une soupe par une giboulée... de mars. Car les rues Cortot, Norvins, du Mont-Cenis ou Saint Vincent n'auront peut-être pas beaucoup changé par rapport à l'époque où l'artiste les
arpentait - encore que - mais il me sera difficile d'y retrouver toute l'âme qu'il y a mise, en sublimant ce qu'il voyait pour le recréer selon son esprit vagabond.
Maurice Utrillo a peint aussi beaucoup d'églises. En
dehors de sa dévotion pour la dive bouteille, au point d'être affublé du sobriquet de "Litrillo", Maurice était d'une grande piété et ne se lassait pas de représenter les maisons dédiées à son
Créateur, en manière de prière, et pour lui rendre hommage. Au grand dam de sa mère qui ne comprenait rien à ces bondieuseries. Parmi ces représentations d'inspiration
religieuse j'ai un faible pour l'Eglise de Villiers-le-Bel, que Francis Carco considérait comme un chef d'oeuvre, et, bien entendu, pour la Petite communiante
(reproduite ci-contre et dont la reproduction provient d'un site russe ici ).
Pour prolonger le charme, mon livre de chevet de cette semaine est Quand j'étais Montmartrois de Roland Dorgelès, qui, à la même époque, du début XXème, y a mené une vie de
bohème. Extrait pour l'ambiance :
" Nous affections de dédaigner les femmes, qui étaient néanmoins notre préoccupation
essentielle, et nous méprisions l'argent qui nous le rendait bien. "
Francis Richard
L'exposition Valadon-Utrillo a lieu jusqu'au 15 septembre 2009 à la Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine, 75008, Paris, tous les jours de 10 heures 30 à 18 heures.
Sites chaudement recommandés :
Le blog de la Pinacothèque de Paris ( ici )
Site officiel de Maurice Utrillo V. ( ici )