Il faut reconnaître que Migros Magazine publie souvent des entretiens de qualité. Mais cette semaine l'hebdomadaire - n° 16 du 14 avril 2009 - fait très fort
puisqu'il donne la parole à Marc Bonnant ( photo ci-contre tirée de ce numéro : l'entretien est ici ). Et c'est
tout simplement jubilatoire.
Conformistes de tous poils, s'abstenir. Ils risquent à cette lecture de les voir se hérisser. Car Marc Bonnant - son blog est ici - est du
genre à les caresser à rebours, ce qui ne manque pas de créer un inconfort ... intellectuel au niveau du vécu sensoriel.
Pour une fois je me permets de faire un florilège de citations, hors contexte, parce qu'elles se suffisent à elles-mêmes. Et que l'internaute pourra toujours se reporter au dit contexte si
affinités.
Sur l'éducation sexuelle des enfants :
Voulez-vous parler d'amour aux enfants ? Parlez leur des
trouvères, des ménestrels. Ne leur parlez pas de la mécanique érectile et des tampons des jeunes filles.
Sur les techniques sexuelles :
Ma génération [ c'est également la mienne] ne savait rien des femmes techniquement. Elles étaient terra incognita , sujets de convoitise, de peur, de
mystère, d'embrasement, et je ne crois pas que nous étions de moins bons amants que la génération qui sait tout de la tuyauterie.
Sur les femmes actuelles :
La femme au fond était notre complément d'objet direct. Elle a
voulu être sujet, ce qui a créé un grand désordre dans notre grammaire. A mon sens, les femmes ont tout perdu. (...) Elles ont voulu se dépouiller de ce qui faisait d'elles ces êtres
infiniment éthérés, supérieurs. Nous convenons tous, nous les hommes, qu'elles nous sont mille fois supérieures. Pourquoi veulent-elles absurdement se contenter d'être nos égales ?
Le résultat ?
Face à la femme moderne, nous n'avons plus que quelques parades :
le sport et l'onanisme pour la plupart, la littérature et la pédérastie pour les plus raffinés d'entre nous.
Sur le pape :
Je suis athée mais je trouve le message du pape superbe, ne
méritant ni les ricanements, ni les brocards. Que dit-il ? Que dans une hiérarchie des valeurs religieuses, d'abord vient la vie, puis la liberté et très à la fin la liberté sexuelle.
Sur le secret bancaire :
Nous avons abandonné en rase campagne avant d'avoir tiré le moindre coup. Il a suffi qu'on parle de liste noire pour que nous hissions aussitôt le drapeau blanc, minés de l'intérieur par une
sorte de honte de notre condition heureuse.
Sur la fiscalité :
La tolérance psychologique aux ponctions étatiques a un seuil. Au-delà de ce seuil, l'impôt c'est le vol. Si les talents et les énergies s'expatrient, c'est en raison d'une fiscalité injuste et
frustratoire.
Sur la transparence :
Je suis très favorable au secret, notamment fiscal. Je n'ai aucune
dilection pour la société d'exhibition et de transparence.
Sur l'affaire Hannibal Kadhafi :
C'est un des honneurs de notre justice de s'appliquer de manière égale aux puissants comme à la menuaille. Et d'être indifférente aux foucades d'un bédouin
irascible.
Enfin cet homme libre aborde un sujet qui fâchera ceux qui seraient tentés de le
récupérer :
Les frontières ont vocation à être abolies. La mondialisation ne suppose pas simplement la libre circulation des
marchandises, mais aussi des personnes, donc des idées, donc des cultures. L'inévitable est que nous serons demain un peu moins occidentaux qu'aujourd'hui, un peu moins blancs, un peu moins
chrétiens.
Pour l'avocat genevois il ne faut pas livrer de combats
d'arrière-garde :
La paix sociale suppose que nous acceptions dans une large mesure la différence, avec quelques exigences.
Quelles exigences ?
Que cette différence s'intègre dans les valeurs que nous avons mis quelques millénaires à édifier. Il ne s'agit donc pas d'interdire la construction de minarets, il s'agit peut-être d'être
vigilant sur ce qui s'y prêche.
Francis Richard