Lundi prochain le député UDC Eric Bertinat déposera un projet de résolution devant le Grand Conseil genevois, qui commence, après la motion déposée au Conseil national par Dominique Baettig [voir mon article Les régions limitrophes de la Suisse rêvent d'y être rattachées... ], à faire couler pas mal d'encre.
Contrairement à ce que répètent bêtement les médias depuis hier ici et ici [d'où provient la photo ci-contre d'Eric Bertinat], il ne s'agit nullement d'annexer les régions limitrophes de la Suisse, mais de leur permettre, si elles le veulent, de se rattacher à la Suisse. Nuance.
Le texte de la proposition de résolution et son titre sont clairs à ce sujet :
"Intégrons à la Suisse les régions limitrophes qui en font la demande
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant :
– que la Suisse s’est construite au fil des siècles par l’adhésion de nouveaux cantons ;
– que les habitants des régions limitrophes à notre pays sont victimes du manque d’intérêt de la classe politique nationale et européenne dont ils dépendent ;
– que les populations des agglomérations transfrontalières, telles qu’imaginées par l’UE, n’ont pas la possibilité de se prononcer démocratiquement sur les décisions dont elles font l’objet ;
– la volonté de plus d’autonomie des habitants des régions limitrophes vis-à-vis de l’Etat central et de l’UE ;
– l’attrait des populations des régions limitrophes pour notre système de démocratie directe ;
demande à l’Assemblée fédérale de revoir le cadre constitutionnel et légal pour permettre aux régions limitrophes de rejoindre la Confédération helvétique en qualité de nouveaux cantons si une majorité de leur population le demande."
Comme on le voit il ne s'agit nullement de rattacher contre leur gré les dites régions limitrophes à la Suisse, mais de leur laisser la possibilité d'y être rattachées. Le projet de résolution se base sur le consentement des peuples, ce qui n'est pas une notion couramment appliquée en France voisine. Et je suis gentil...
Par exemple, ce n'est pas Eric Bertinat, député genevois, qui voudra rattacher un jour la Haute Savoie à la Suisse, mais celle-ci qui pourrait vouloir lui être rattachée. La nuance est de taille. Mais les médias font rarement dans la nuance...
L'intérêt de cette proposition de résolution est qu'elle constitue une véritable alternative à l'UE en perdition. En effet l'UE applique à l'envers le principe de subsidiarité dont elle se réclame, c'est-à-dire du haut vers le bas, et impose à tout le monde, sans discussion possible, ce qu'elle appelle l'acquis communautaire.
L'UE accuse un déficit démocratique abyssal. Elle n'a, par exemple, tenu aucun compte du référendum de 2005 en France, par lequel les Français disaient non au traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ou plutôt si, elle a changé le nom du traité, qui est devenu le Traité de Lisbonne, modifié la police de caractère du texte et quelques détails sans importance, sous l'influence d'un certain ... Nicolas Sarkozy.
Le président du Grand Conseil genevois Guy Mettan ne s'est pas trompé sur le problème de fond que pose le projet de résolution d'Eric Bertinat. Il déclare en effet dans 20 Minutes :
"J’ai organisé les assises transfrontalières, dont le principe repose sur la coopération entre les deux pays et non sur l’annexion. Cette idée viendrait torpiller tout ce travail."
Qu'il se rassure. Si les régions limitrophes deviennent des cantons, la coopération intercantonale se substituera avec bonheur à la coopération internationale et sera certainement facilitée.
Guy Mettan devrait se souvenir que la République de Genève n'est devenue un canton helvétique qu'en 1815, somme toute assez récemment. Est-ce bien charitable d'empêcher d'autres régions de profiter de la démocratie directe, du franc suisse, de l'indépendance et de la neutralité helvétiques ?
Francis Richard
L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.