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8 octobre 2009 4 08 /10 /octobre /2009 19:55
Trois villes de Suisse romande ont décidé d'interdire l'affiche de l'UDC, ci-contre, qui illustre la campagne pour l'initiative anti-minarets sur laquelle le peuple aura à se prononcer le 29 novembre prochain : Lausanne, Yverdon-les-Bains, Fribourg, et à ce jour une seule ville alémanique, Bâle (ici), a fait de même.

S'appuient-t-elles sur une décision de justice ? Non pas. L'affiche est parfaitement légale. Mais ces villes décident arbitrairement ce que leurs citoyens ont le droit d'avoir sous les yeux ou non. Toujours le même réflexe de les considérer comme des incapables de juger par eux-mêmes. Le peuple est souverain, mais il faut l'éclairer, si besoin par la contrainte. Les villes s'arrogent le droit d'agir pour leur bien, sans discussion.

Elles s'appuient en fait sur un avis de la Commission fédérale contre le racisme, qu'elles ont consultée, avis communiqué hier (ici) et selon lequel cette campagne d'affichage pourrait menacer la paix publique, sans indiquer d'ailleurs comment.
 
J'en reproduis le chapeau qui en est le résumé :

 

Dans sa prise de position à l’attention des villes, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) parvient à la conclusion que les affiches des auteurs de l’initiative « contre la construction de minarets » esquissent à propos de l'Islam un scénario catastrophe qui dénigre la population musulmane pacifique de Suisse. La CFR estime que cela pourrait menacer la cohésion sociale et la paix publique. Elle préconise de procéder à une pesée minutieuse des intérêts entre la liberté d’opinion, la protection contre la discrimination et la protection de la société suisse contre une agitation qui favorise de haine. 

Que représente donc cette affiche, qui pourrait, dit la commission, menacer la paix publique ? Un drapeau suisse, symbole du territoire national, sur lequel sont érigés des minarets dont la forme est on ne peut plus authentique [voir photo ci-dessous du minaret de la mosquée du roi Husssein à Amman, en Jordanie, tirée du site raingod.com
ici]. La femme en burqa, allusion directe à l'Islam, lève le dernier doute que le spectateur pourrait avoir sur le fait qu'il s'agit bien de minarets et non pas d'autre chose. Au nombre de 7, ils donnent l'impression d'être en grand nombre, vu la dimension de la croix blanche sur fond rouge. Le message est clair, et conforme à l'initiative : il faut arrêter la multiplication des constructions de minarets.  


Cette commission consultative, qui a donné cet avis téléphoné, est nommée par le Conseil fédéral et ne peut qu'en être le reflet, même si les 15 membres qui la composent sont vraisemblablement tout à fait honorables. Or le Conseil fédéral, au moment où il a réduit le nombre de membres de cette commission à 15, le 12 septembre 2007, était composé de six membres sur sept hostiles à l'UDC, considéré systématiquement, pour le diaboliser, comme un parti raciste, au mieux xénophobe, par la quasi-totalité de la classe politique et des médias. 

Il ne fallait donc pas s'attendre à ce que la commission bénisse l'affiche de l'UDC et fasse prévaloir la liberté d'expression sur ce qu'il est convenu d'appeler l'obligation de non-discrimination, inscrite dans la Constitution.

Thierry Meyer dans 24 Heures d'hier (
ici) écrit  à propos de l'interdiction :

L’affiche de l’UDC tord les valeurs que défend la Constitution suisse. Mais l’interdiction doit être réservée à des cas où la justice a tranché. L’interprétation politique ne suffit pas. Car alors l’interdiction, toute expression du pouvoir qu’elle est, devient l’arme des faibles. Ce n’est pas elle qui gagnera la bataille de l’initiative contre les minarets. Ses adversaires devront la combattre avec des arguments, et un engagement fort sur le terrain.

Petite remarque en passant, si cette affiche véritablement tord les valeurs que défend la Constitution suisse, comment se fait-il que personne n'ait porté plainte pour la faire interdire par la justice ?

Pascal Décaillet, pourtant très hostile à l'initiative, et encore plus à l'affiche, dans une chronique publiée aujourd'hui dans la Tribune de Genève (ici) ne dit pas autre chose sur l'interdiction :

Quelles affiches doit-on censurer ? Celles qui, tout simplement, sont illégales. La loi doit être le seul critère. La loi, pas la morale. La loi, pas le consensus de la pensée dominante. Si l’affiche est légale, même infâme, qu’elle se voie. Qu’on en décortique les signes, en public. Mais, désolé, l’interdire, c’est entrer totalement dans le jeu de ses auteurs. Ils sont déjà assez malins comme cela, sans qu’on leur fasse cette fleur.

De fait cette initiative pour l'interdiction des minarets ouvre le débat sur l'Islam en Suisse.

Les musulmans de Suisse (
ici) sont en nombre toujours plus grands, sans peser autant qu'en France - environ 5 millions sur une population totale de 64 millions - ou qu'en Allemagne - 3 millions sur une population totale de 82 millions. 16'000 en 1970, ils étaient 57'000 en 1980, 152'000 en 1990 et plus de 310'000 en 2000, soit 4,26% de la population helvétique de cette dernière année. Aujourd'hui  ? Je n'ai pas trouvé de chiffre récent sur le site de l'Office fédéral de la statistique.

Il y a, à ce jour, 160 mosquées en Suisse et quatre minarets au total. Il n'y en avait que deux jusqu'à récemment, à Genève et à Zürich. Puis deux ont été construits ces dernières années à Wangen et à Winterthur. Un cinquième devrait être construit prochainement à Langenthal. Ces 4 ou 5 minarets sont-ils purement décoratifs, puisqu'ils ne servent pas à l'appel à la prière ? Ils sont non seulement décoratifs, mais aussi symboliques. De quoi ?

Selon Oskar Freysinger, membre du comité d'initiative (
ici) :

Nous ne nous attaquons nullement à la pratique religieuse, car le minaret n'est pas nécessaire à cette pratique. Mais à nos yeux, le minaret est très clairement le symbole d'un islam politique qui essaie gentiment de prendre sa place en Europe et en Suisse.

Le député vert Antonio Hodgers, opposé à l'initiative, répond (
ici) :

Est-ce que les clochers sont un symbole politique du catholicisme? Je ne le crois pas. C'est juste de l'architecture qui donne un symbolisme religieux au bâtiment, qu'il s'agisse d'un clocher ou d'un minaret.

Alors symbole religieux ou symbole politique de domination - islam signifie soumission ? C'est toute la question, c'est le vrai débat.

Dans un article publié par l'Institut Religioscope (
ici), Jean-François Mayer, confirme que :

Contrairement à ce que l'on pense souvent, le minaret n'a pas toujours et partout accompagné les mosquées.

Mais il ne tranche pas la question de savoir si le minaret, symbole indéniable de l'Islam, est un symbole religieux ou politique. Or il est certain que, dans l'Islam, religieux et politique sont étroitement liés. Dans les pays où les musulmans sont largement majoritaires, c'est la Charia qui s'impose à tous et qui recouvre les trois domaines du politique, de la foi et des commandements. Il est non moins certain que dans les pays où ils sont largement minoritaires, les musulmans sont dans l'ensemble plus modérés que radicaux, peut-être justement parce qu'ils sont minoritaires. Il ne faut pas oublier toutefois que la démographie joue en leur faveur à long terme. Du moins à l'heure actuelle. 

Ce qui pourrait faire pencher la balance en faveur du symbole politique agressif que serait le minaret, c'est la parole d'un expert cité dans le flyer des initiants (
ici). Alors qu'il était encore maire d'Istanbul, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, ne déclarait-il pas, en 1997  :
 

Notre démocratie est uniquement le train dans lequel nous montons jusqu'à ce que nous ayons atteint notre objectif. Les mosquées sont nos casernes, les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques et les croyants nos soldats.

Francis Richard

Addendum du 11 octobre 2009

L'internaute aura pu constater en lisant mon article, et en voyant ses illustrations, que les minarets de l'affiche de l'UDC resssemblent tout simplement à des ... minarets, même si le premier ministre turc compare tous les minarets à des baïonnettes...  La presse romande pense autrement. Comme l'UDC est sa cible préférée, elle ne fait pas dans la dentelle.

A ma connaissance c'est Sabine Pirolt qui a, la première, comparé les minarets de l'affiche UDC à des missiles :

Des minarets ressemblant à des missiles poussant sur le drapeau suisse et l’envahissant, le tout gardé par une silhouette inquiétante en burqa: c’est l’étendard du comité pour l’initiative contre la construction de minarets (votation à la fin de novembre), dont les membres font partie de l’UDC. L'Hebdo - 01.10.09 (
ici)

Apparemment Sabine n'avait pas vu de minarets avant d'écrire son article. Son but évident était de souligner que l'affiche était agressive, guerrière, sous-entendu qu'elle menaçait donc la paix... publique, expression que devait employer la Commission fédérale contre le racisme quelques jours plus tard, par le plus grand des hasards, bien entendu.

Cette présentation, qui est de la pure désinformation, a été reprise en choeur par la plupart des autres médias, ce qui ressemble à une campagne concertée de désinformation. Exemple, entre autres, sous la plume de Renaud Michiels :

Depuis la sulfureuse affiche de l'UDC montrant des minarets-missiles trouant la Suisse, le pays ne parle que de minarets - Le Matin 9.10.2009 (ici ).

De deux choses l'une : ou ce journaliste n'a pas vu l'affiche, ou il a besoin d'une paire de lunettes. Où voit-il lui des minarets-missiles trouant la Suisse ?

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commentaires

M
<br /> Il ne peut pas y avoir de "cohésion sociale" avec l'ISLAM. Ce n'est donc pas l'affiche qui menace l'ordre public mais l'Islam lui-même qu'il faut donc interdire. Je rappelle que l'Islam n'est<br /> absolument pas une "religion", terme qui lui sert de couverture pour pénétrer l'Europe chrétienne à l'abri de la pseudo "laïcité".<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> L'Islam n'est pas seulement une religion. C'est bien le problème. C'est aussi une vision du monde - politique, économique et juridique - incompatible avec celle qui découle<br /> des valeurs judéo-chrétiennes.<br /> <br /> Tant que ces croyants sont minoritaires ils sont bien obligés de se contenter du religieux. Ce qui est bien le cas aujourd'hui en Suisse, où ils ne représentent que 4 à 5% de la<br /> population.<br /> <br /> Il serait cependant naïf de croire que, lorsque leur proportion grandit dans un pays, ils ne sont pas désireux alors d'imposer cette vision dans les autres domaines. Il est<br /> possible de le constater dans des villes européennes où l'Islam est devenu la première croyance, loin devant la Chrétienté.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Ah, les arguments tordus ne manquent pas ...<br /> <br /> "que les affiches des auteurs de l'initiative<br /> « contre la construction de minarets » esquissent à propos de l'Islam un scénario catastrophe qui dénigre la population musulmane pacifique de Suisse."<br /> <br /> Ce n'est pas l'affiche mais l'objet de l'initiative lui-même qui esquisse un scénario de catastrophe. Les autorités devraient donc interdire l'initiative elle-même. Mais l'initiative a été jugée<br /> recevable par les autorités fédérales.<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> C'est exact. Si vraiment cette initiative était anticonstitutonnelle, pourquoi avoir permis la votation ?<br /> <br /> <br />

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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