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7 octobre 2019 1 07 /10 /octobre /2019 09:45
Balthus - L'antimoderne, de Raphaël Aubert

Le livre sur Balthus de Raphaël Aubert offre une synthèse efficace sur le peintre polonais et correspond donc au but de la collection Presto des éditions Infolio.

 

En effet, dans ce court volume, l'auteur rappelle:

 

- La place qu'occupe Balthasar Klossowski de Rola, dit Balthus (1908-2001) dans la peinture du XXe siècle:

 

Il fait figure d'artiste à part, hors du temps. Son oeuvre est rare (quelque trois cents toiles), singulière. Jean Clair parle de l'inquiétante étrangeté qui en émane.

 

- Ce que l'on sait de sa vie qui se passe en Suisse et en France:

 

Il est né un 29 février et ne fête son anniversaire que tous les quatre ans... Rainer Maria Rilke fut un père de substitution après la séparation de ses parents.

 

A 18 ans il fait le voyage d'Italie et découvre notamment l'oeuvre de Piero della Francesca qui le marque notablement. Plus tard, à Paris, il se rend beaucoup au Musée du Louvre, pour y copier ses maîtres favoris.

 

Il se fait connaître par une oeuvre volontairement scandaleuse, La leçon de guitare, exposée en 1934 à la galerie des surréalistes de Pierre Loeb. L'avant-guerre est dès lors pour lui une période d'intense activité.

 

Raphaël raconte les grandes étapes de sa vie pendant et après la guerre et plus particulièrement les seize années passées à la tête de l'Académie de France à Rome, Villa Médicis, qui furent pour lui des années de plénitude.

 

- Le pourquoi de certaines de ses oeuvres qualifiées de sulfureuses:

 

Comme le souligne Raphaël Aubert, La Leçon de guitare, toile dérangeante, érotique, qui choque, vaudrait aujourd'hui à l'artiste d'être entraîné presque immanquablement devant les tribunaux.

 

La leçon de guitare n'est pas la seule toile où il fait poser une très jeune fille dans une pose équivoque, guère innocente. Cette pose est souvent celle d'une jeune fille nue aux formes rebondies, la tête rejetée en arrière, [qui] est affalée sur une chaise.

 

Ce qui frappe dans ces toiles, écrit Raphaël Aubert, en dépit de l'équilibre savant de la composition, c'est ce que l'on pourrait appeler un processus insidieux de désarticulation des corps.

 

Ces très jeunes filles, Balthus les peint en accentuant leur caractère enfantin: c'est sans doute que lui-même demeurait nostalgique du temps béni de l'enfance enfuie. Il n'est donc pas étonnant que le fait que ses modèles préférés se muent peu à peu en femmes [ait eu] le don de désoler l'artiste et de l'effrayer.

 

- Ce qui fait de lui un peintre anti-moderne:

 

Balthus est un peintre anti-moderne parce qu'il tourne le dos à ce qui constitue alors le courant dominant de l'art. Il n'est pas pour autant le continuateur des maîtres qu'il révère. Pour lui, il s'agit d'un art, à bien des égards, mort, vidé de sa substance, dont la signification nous échappe, qui ne fait plus sens.

 

Balthus est certes un peintre antimoderne, mais il est à la fois contre et avec la modernité. Pourquoi? Parce que son esthétique même, esthétique de la trace, de la disparition, l'éloigne des grands modèles du passé, vient dire l'impossibilité même de les rejoindre.

 

Francis Richard

 

PS

En 2008, pour le centenaire de la naissance de Balthus, la Fondation Pierre Gianadda a exposé une cinquantaine de ses toiles (voir mon article de l'époque ici).

 

Balthus - L'antimoderne, Raphaël Aubert, 64 pages, Infolio

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

 

Livres précédents:

 

Malraux & Picasso - Une relation manquée, 124 pages,  Infolio (2013)

Cet envers du temps - Journal 2013, 292 pages, L'Aire (2014)

Un voyage à Paris - Un carnet de Pierre Aubert, 114 pages, Art & Fiction (2017)

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22 juin 2019 6 22 /06 /juin /2019 12:15
Album Gary, de Maxime Decout

Gary est l'écrivain qui, plus que tout autre, nous amène à méditer non sur une existence qui éclaire l'oeuvre, et inversement, mais sur l'hypothèse d'une vie-oeuvre, avec tous les paradoxes vertigineux qu'elle attise.

 

(Sainte-Beuve aurait perdu son latin...)

 

Romain Gary est né le 8 mai 1914 à Wilno en Lituanie. Sous le signe des identités instables: Wilno s'appela aussi bien Wilna, Vilna que Vilnius et ce haut lieu du judaïsme fut tour à tour allemand, polonais et russe.

 

Ses histoires et romans familiaux sont tout aussi instables: il [les] aménage au gré des moments, des envies, des inspirations. Avant même d'écrire, il se met en quête d'un pseudonyme, c'est-à-dire d'une autre identité.

 

Juif, il s'appelle en réalité Roman Kacew. Quand il arrive en France à 14 ans, il devient, par commodité, Romain Kacew. En 1940, membre de l'escadrille Topic des FFL, il se fait désormais appeler Romain Gary de Kacew.

 

Après guerre, Gary change de nom en même temps qu'il naît à l'écritureil sera, pour ses lecteurs, Romain Gary. Son premier roman en français paraît d'abord chez un éditeur anglais sous le titre Forest of anger.

 

Sous le titre Éducation européenne ce roman à succès paraît en France. Mais, son deuxième roman, Tulipe, lui, déplaît par l'impertinence, le laisser-aller, les sarcasmes constants et assumés qui le caractérisent.

 

Le troisième, Les racines du ciel, déplaît cette fois parce qu'il ne ménage ni certaines constructions syntaxiques, ni la concordance des temps. Gary rivera plus tard leur clou à ses détracteurs en inventant la langue ajar.

 

Ce roman déplaît aussi parce qu'il est une parodie de l'engagement. Gary aura une défiance permanente face aux drapeaux et aux bannières et mettra en garde contre les séductions militantes, le fanatisme, le manichéisme.

 

Lady L. est écrit en anglais: c'est une nouvelle expérience radicale de l'altérité. Gary écrira certains autres textes en anglais: il les traduira dans un sens ou dans l'autre ou les réécrira à partir de traductions qu'on lui fournit...

 

Romain Gary est l'homme aux plusieurs naissances et aux multiples identités, changeant de nom comme de langue. Il a le désir de conférer à ses textes des existences plurielles selon les langues dans lesquelles ils sont diffusés.

 

Le principe moteur de son oeuvre est le désir d'ouvrir l'être à l'infini: le Je [ne lui] ai jamais suffi et [ne lui] a jamais procuré le sentiment rassurant d'exister pleinement. Il a toujours vécu son Moi comme une limite ou une geôle.

 

En fait il cherche à donner un corps, qui ne soit pas fait que de mots, à un autre Moi. Avec Shatan Bogat, il engendre ainsi un auteur à part entière et l'ensemble de son oeuvre et est enivré par le carrousel des impostures.

 

Enfin Gary se dédouble radicalement en donnant naissance à Émile Ajar. Dont le premier roman Gros-Câlin est celui des mues, mues entre homme et bête et mue de l'écriture: une langue qui égrène les maladresses délibérées...

 

Avec La vie devant soi, Émile Ajar se voit décerné le Prix Goncourt en 1975, qui avait été décerné à Romain Gary en 1956 pour Les racines du ciel:

Deux oeuvres s'écrivent en parallèle, avec deux auteurs, deux styles, et surtout deux réceptions différentes.

 

L'écrivain se sera enfin exprimé entièrement: le 2 décembre 1980, rentré chez lui après avoir déjeuné avec Claude Gallimard, l'écrivain met fin à la carrière d'Émile Ajar et de Romain Gary d'une même balle de revolver.

 

Dans Vie et mort d'Émile Ajar, son texte ultime (L'Express du 10 juillet 1981), après avoir justifié Ajar en disant qu'il était las de n'être que lui-même, il écrit cette phrase ô combien révélatrice: Je me suis toujours été autre.

 

Maxime Decout commente: à bien lire cette phrase de Vie et mort d'Émile Ajar, on devine qu'il y a l'affirmation enthousiaste d'une altérité et le constat résigné d'une permanence.

 

Francis Richard

 

Album Gary, Maxime Decout, 248 pages, Gallimard

 

Albums précédents:

Album Beauvoir, Sylvie Le Bon de Beauvoir, 248 pages, Gallimard (2018)

Album Perec, Claude Burgelin, 256 pages, Gallimard (2017)

Album Shakespeare,Denis Podalydès, 256 pages, Gallimard (2016)

Album Casanova, Michel Delon, 224 pages, Gallimard (2015)

Album Duras, Christiane Blot-Labarrère, 256 pages, Gallimard (2014)

Album Cendrars, Laurence Campa, 248 pages, Gallimard (2013)

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 17:00
Riviera française - Les bâtisseurs 1773-1815, de Pierre Abou

Pendant quatre siècles, du XIVe au XVIIIe, le comté de Nice avait été idyllique. Les habitants n'étaient pas tenus de parler la même langue. Plusieurs monnaies y avaient cours. Les produits d'importation y entraient sans taxes. Le pouvoir central se faisait discret. Tout change avec l'invasion par les troupes françaises en 1792, accompagnée d'exactions...

 

Avant d'être rattaché à la France en 1860, le Comté de Nice l'aura été pendant plus de vingt ans, du 31 janvier 1793 jusqu'au Traité de Paris, en 1815, grâce à un discret homme d'affaires suisse, Gabriel-Isaac Veillon, et à un brillant tribun niçois, Jean-Dominique Blanqui, qui vont transformer une occupation en une union bénéfique pour les deux parties.

 

Pierre Abou va enquêter sur leur improbable demande de rattachement après avoir consulté le fonds Veillon dans les archives du canton de Vaud, constitué d'une quantité importante de documents, registres, plans cadastraux, découverts en mars 2016 lors de travaux de rénovation dans une maison de Bex ayant appartenu à un autre Veillon, Jean-David.

 

Comment ils y parviennent, c'est tout l'objet de ce livre passionnant, très documenté, disposant d'un index et d'annexes, qui éclaire d'un jour nouveau cet épisode sur lequel les historiens ne s'étaient guère penchés jusque-là. C'est pourtant pendant cet épisode que, pour la première fois, l'expression d'Alpes Maritimes apparaît, inventée par les deux comparses.

 

Ce qui est surprenant, c'est que ces deux-là sont complètement à l'opposé l'un de l'autre. Une génération les sépare. L'un est issu d'une famille suisse aisée, l'autre d'une famille d'artisans locaux. L'un est l'homme de la confidentialité des affaires et de la subtilité toute diplomatique, l'autre a une expérience professorale qui l'a formé à l'art de l'éloquence.

 

Ce qui les unit, c'est qu'ils sont chacun, par nature profonde, des révolutionnaires, inspirés des Lumières, et qu'ils savent se répartir les rôles. En dépit des vicissitudes et de leurs différences, ils resteront toujours amis et sauront faire aboutir leur cause dans un contexte révolutionnaire particulièrement dangereux, mais sans trop s'embarrasser de scrupules.

 

Le terme de Riviera est réservé à l'époque au littoral génois. Lorsque la Riviera française deviendra réalité en 1860, elle consacrera l'aboutissement d'un processus politique, logistique, économique et d'image, écrit Pierre Abou en début d'ouvrage. En fin d'ouvrage, il annonce la parution d'un tome II: Riviera française - Les héritiers 1815-1871.

 

Francis Richard

 

Riviera française - Les bâtisseurs 1773-1815, Pierre Abou, 434 pages, Éditions de la Bisquine

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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 11:30
La Lune est un roman, de Fatoumata Kebe

La Lune est un roman, de Fatoumata Kebe, se lit ... comme un roman, dont la Lune est l'héroïne. Car c'est bien de l'histoire de la Lune et de son rapport aux hommes et à elle qu'il s'agit dans ce livre lumineux.

 

Dans son introduction l'auteure explique comment elle a procédé: J'ai choisi de confronter les approches scientifiques, astronomiques et physiques aux mythes qui les avaient précédées.

 

Il faut dire que cette jeune astronome sait de quoi elle parle: elle a passé des nuits entières à regarder la Lune, lui a consacré ses études et sa vie, et a toujours rêvé, de s'y promener: la Lune est le roman de sa vie.

 

Si l'auteure est savante, elle est aussi pédagogue  et - ce qui ne gâte rien - fait montre d'humour et... d'amour pour son héroïne, quelle que soit l'approche qu'elle emprunte pour la faire mieux connaître.

 

En effet elle énonce clairement le commencement de l'Univers, la naissance de la Lune, les mots qui la disent, son visage, le temps humain qu'elle rythme, son influence sur les marées, l'objectif Lune fixé par Tintin.

 

Quand le lecteur referme le livre, il a le sentiment d'avoir appris ou approfondi ce qu'il savait sur la Lune sans effort, comme si toute cette science pluridisciplinaire allait de soi, était simple comme bonjour.

 

En réalité c'est l'auteure qui s'est donné de la peine pour lui. Mais elle n'aurait pas obtenu ce résultat si elle n'avait pas eu elle-même une conception juste et bonne de ce qu'elle partage volontiers avec lui.

 

Le 21 juillet prochain sera le cinquantième anniversaire des premiers pas d'un homme sur la Lune, ceux de Neil Amstrong, commandant de la mission Appollo XI, que j'ai vu en direct comme des millions de terriens.

 

Lire le livre de Fatoumata Kebe est une manière de célébrer cet événement hors du commun dans l'histoire de l'humanité, mais c'est aussi un premier pas littéraire pour elle qui est certaine d'aller un jour dans l'espace:

 

Un jour, je partirai.

En revenant, je vous raconterai.

 

Francis Richard

 

La lune est un roman, Fatoumata Kebe, 192 pages, Slatkine & Compagnie

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23 juillet 2018 1 23 /07 /juillet /2018 22:55
Madame la Présidente - Une biographie d'Ellen Johnson Sirleaf, d'Helene Cooper

Le Libéria n'est pas seulement le pays de Charles Taylor, c'est aussi celui d'une femme hors du commun, dont il aurait été difficile de prévoir qu'elle serait un jour la première présidente élue démocratiquement du continent africain.

 

A sa naissance, en 1938, le Très Ancien lui a prédit un destin. Il l'a dit à sa mère, à la façon libérienne: Ma, cette petite chose-là l'aura facile. Ce qui voulait dire: Cette enfant va être quelqu'un d'important. Croyait-il si bien dire ?

 

Un prophète qui ne s'était pas trompé s'était donc penché sur le berceau d'Ellen Johnson, plus tard épouse Sirleaf. Ce dans un pays complexe à tous points de vue: socialement, religieusement, politiquement et ethniquement.

 

Le Libéria est en effet un pays singulier puisqu'il a été colonisé par des esclaves noirs affranchis venant des États-Unis. Ceux-ci sont la classe dirigeante, nommés par dérision les "Congos", parce que les Libériens autochtones associaient le fleuve Congo à la traite des esclaves.

 

Les Libériens autochtones appartiennent à vingt-huit groupes ethniques différents, dont les Krus, les Krahns, les Gios et les Bassas. Cette caste inférieure est tout de même liée à la caste dirigeante par la religion chrétienne que celle-ci a importée.

 

Ellen ressemble à un bébé congo tout en étant une autochtone. Sa mère a la peau claire et son père est avocat. Elle parle d'ailleurs deux langues, l'anglais et l'anglais du Libéria, et connaît des bribes de gola, la langue de ses ancêtres...

 

Elle se marie à dix-huit ans avec Doc Sirleaf. A vingt-deux ans, elle est mère de quatre fils. Deux ans plus tard, ayant obtenu une bourse, elle quitte ses quatre jeunes garçons qu'elle confie à la famille étendue pour faire des études aux États-Unis.

 

Son mari, qui fait lui aussi des études là-bas, n'apprécie guère qu'elle fasse passer ses études avant lui. Plus tard, jaloux, il la battra. Ils divorceront. Il enverra les deux aînés dans un internat, le plus jeune vivra avec son frère, Rob avec Ellen.

 

La route qui mènera Ellen au pouvoir sera longue. Quelques dates la jalonnent:

 

- en 1969, elle prend la parole à une conférence de Gustav Papanek, responsable de l'institut de Harvard pour le développement international, et dénonce la kleptocratie des fonctionnaires de son pays

- en 1971, elle obtient un master en administration publique à Harvard et occupe un poste au ministère des finances libérien

- en 1972, elle prononce le discours d'ouverture au College of West Africa où elle a fait ses études secondaires et le termine ainsi: ceux qui se contentent aujourd'hui de faire des déclarations vaines et de moraliser sur les droits ne méritent que notre profond mépris...

- en 1973, mise sur la touche, elle postule et obtient un poste à la Banque mondiale

- en 1975, elle retrouve un poste au ministère des finances libérien

- en 1979, elle devient ministre des finances en titre

- en 1980, quelques mois après le coup d'État de Samuel Doe, elle retourne à la Banque mondiale

- en 1982, elle accepte un travail auprès de la Citibank à Nairobi

- en 1985, elle cache à la Citibank que l'Equator Bank lui a proposé un poste et à cette dernière qu'elle vient de fonder le Liberian Action Party : le 25 juillet, jour de la fête nationale libérienne, elle déclare notamment, à Philadelphie, lors d'une réunion de l'Union des associations libériennes des Amériques: Je pense aux idiots qui ont le sort et l'évolution de notre nation entre les mains...

 

Peu de temps après, cette même année, quand elle retourne au Libéria, elle est arrêtée, assignée à résidence puis jetée en prison: En un clin d'oeil, Doe fit d'Ellen une cause internationale... Et ce sont les femmes du Libéria qui vont la porter au pouvoir:

 

Alors que les viols collectifs et les agressions sexuelles des soldats ivres était un mal endémique depuis le coup d'État de 1980, il aura fallu une arrestation et non un viol pour que se déchaîne la révolte des femmes.

 

Sans tomber dans l'hagiographie Helene Cooper raconte l'irrésistible ascension d'Ellen Johnson Sirleaf qui gagnera l'élection présidentielle de 2005, à soixante-sept ans, puis celle de 2011, année où elle recevra le prix Nobel de la paix, qui règne désormais au Libéria.

 

En effet la journaliste américaine originaire du Libéria ne cache pas le soutien qu'Ellen Johnson Sirleaf aura accordé au début à Charles Taylor avant de s'opposer à lui; elle ne cache pas non plus les entorses que Madame la Présidente commet pour parvenir à ses fins ou le népotisme dont elle se rend coupable...

 

Le fait de s'être fait des amitiés internationales va en tout cas permettre à celle qui devient Madame tout court de renégocier très avantageusement les dettes contractées par son pays et de lutter efficacement en 2014 contre le virus Ebola:

 

Le Libéria, l'un des pays les plus pauvres de la planète, connaîtrait encore l'adversité. En contemplant le crépuscule de son deuxième mandat de présidente, Madame savait qu'elle ne serait pas toujours là pour contribuer à le sortir d'affaire...

 

Francis Richard

 

Madame la Présidente - Une biographie d'Ellen Johnson Sirleaf, d'Helene Cooper, 448 pages, Zoé (traduit de l'anglais par Mathilde Fontanet)

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19 juillet 2018 4 19 /07 /juillet /2018 22:25
Les impôts - Histoire d'une folie française, de Jean-Marc Daniel

On connaît l'expression : ça ne durera pas autant que les impôts. Ce qui signifie que tout a une fin, sauf les impôts, qui, en France, particulièrement, sont éternels ou, comme le sphinx, renaissent de leurs cendres...

 

Dans ce livre d'Histoire d'une folie française sur Les impôts, Jean-Marc Daniel, après un petit tour du côté de l'Antiquité et de l'Ancien Régime, retrace ce qu'il appelle, à raison, 60 ans de matraquage fiscal, expression qu'il ne faut donc pas réserver au seul quinquennat Hollande.

 

Il est d'autant plus surprenant - mais peut-être est-ce de l'ironie - que l'auteur dise d'une part:

 

Nous pouvons établir le principe qu'une bonne fiscalité combine le financement d'un État efficace, la redistribution des revenus, la stabilisation de la croissance (notamment grâce aux stabilisateurs automatiques) et le maintien de l'attractivité du pays.

 

et d'autre part:

 

En revanche, une mauvaise fiscalité conforte les rentes publiques, étouffe l'économie selon le schéma de la courbe de Laffer et entretient le sentiment de confiscation et d'abus.

 

En fait la fiscalité, dans les deux cas, est un instrument du socialisme et de la servitude et ne peut qu'être néfaste, puisque les politiques et les hommes de l'État croient savoir mieux que les autres ce qui est bon pour ces derniers, et dépensent pour eux...

 

Ces hommes, tout imbus de leur prétendue science, pratiquent, au gré des circonstances une politique des revenus, une politique monétaire ou une politique budgétaire, autrement dit ils font de l'interventionnisme économique en faisant joujou avec ces manettes.

 

On connaît les conséquences de ces interventions intempestives, qui sont, au fond, l'illustration du principe des calamités énoncé par Michel de Poncins:

 

Une calamité d'origine publique conduit toujours à une autre calamité publique pour soi-disant corriger la première.

 

L'histoire des 60 dernières années de politique fiscale des hommes de l'État français en administre la preuve.

 

On remarquera surtout qu'au lieu d'employer leur créativité à favoriser la création de richesses par la protection des biens et des personnes, ces hommes l'emploient à créer des impôts pour les détruire et à apporter quelques corrections à ces impôts en multipliant les niches fiscales (que les hauts fonctionnaires des finances appellent dépenses fiscales dans leur jargon).

 

Un des bons côtés du livre, avec le feuilleton des retournements politiques, est de rappeler les grandes dates de cette exceptionnelle créativité fiscale française qui se double d'une non moins exceptionnelle créativité lexicale. D'ailleurs, ce serait plus correct de parler de contributions plutôt que d'impôts...

 

Pour qui a vécu la période, il est ainsi intéressant de remettre dans leur ordre chronologique les apparitions, disparitions ou transformations de ces nuisances qui ruinent le pays (ne serait-ce que par l'incertitude qui les caractérisent: ce que font les uns, d'autres peuvent le défaire):

 

- 1954: la création de la TVA (hors période mais généralisée en 1968...)

- 1965: la création de l'avoir fiscal

- 1975: le remplacement de la patente par la taxe professionnelle

- 1981: la création de l'impôt sur les grandes fortunes

- 1986: la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes

- 1988: la réapparition de l'impôt sur les grandes fortunes qui devient l'impôt de solidarité sur la fortune

- 1991: la création de la CSG

- 1996: la création de la CRDS

- 2003: la suppression de l'avoir fiscal

- 2009: la transformation de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale

Etc.

 

Jean-Marc Daniel parle beaucoup, à juste titre, des prélèvements obligatoires, de la dette, des déficits publics (le dernier excédent remonte à 1974...), mais peut-être pas assez des dépenses publiques. Elles sont pourtant le noeud du problème que posent le socialisme et l'État-providence qui va avec, même s'il dit à la fin:

 

Sur la décennie 1980-1990 [les dépenses publiques] représentent 49,8% du PIB, 52,8% entre 1990 et 2000, 53,7% entre 2000 et 2011, et nous en sommes désormais à 56%.

 

Manifestement, aucun des ténors de la classe politique française n'envisage de faire de l'inversion de cette courbe d'évolution la priorité absolue de son programme présidentiel ou législatif.

[...]

Pourtant, c'est en priorité par l'aspect "dépenses publiques" qu'il faut désormais prendre le problème budgétaire, en se fixant des objectifs de baisses concrets et réalistes de ces dépenses.

 

Pourquoi la classe politique ne fait-elle pas une priorité absolue de l'inversion de la courbe des dépenses publiques ? Parce que ce serait suicidaire, électoralement... alors que cela permettrait pourtant une véritable inversion d'une autre courbe, celle du chômage.

 

Francis Richard

 

Les impôts - Histoire d'une folie française, de Jean-Marc Daniel, 240 pages, Tallandier

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10 juin 2018 7 10 /06 /juin /2018 16:00
Les saboteurs de l'ombre, de Giles Milton

L'histoire que reconstitue Giles Milton dans Les saboteurs de l'ombre, se déroule pendant tout au plus sept ans, du printemps 1939 au printemps 1946.

 

Comme le titre l'indique, il s'agit d'une histoire secrète, reconstituée essentiellement à partir d'archives privées et publiques (couvertes par le Secret Défense britannique).

 

Si certains épisodes de cette histoire sont connus - La bataille de l'eau lourde en Norvège a fait très tôt l'objet d'un film - d'autres le sont moins et, surtout, certains détails de leurs dessous ne le sont pas.

 

Ce livre pose en tout cas la grande question de la conduite d'une guerre contre des ennemis tels que les nazis qui, le moins qu'on puisse dire, ne se caractérisaient pas par leurs scrupules.

 

Ceux qui ont participé à la seconde guerre mondiale dans l'ombre ont clairement choisi entre tuer et être tué, entre l'attaque et la défense.

 

A leur époque ils n'ont pas toujours été compris par les autorités britanniques et, s'ils les ont finalement convaincues par leurs succès, pendant un temps, ils le doivent à un homme, Winston Churchill.

 

Ces guerriers d'un nouveau genre, soutenus indéfectiblement par Winston Churchill, sont au début très peu nombreux. Ils seront plusieurs centaines à la fin...


S'il faut retenir un nom, c'est celui de Colin Gubbins, dont la mission, dès 1939, est de planifier des actions subversives et inventives pour mener une guerre sans dentelles contre Hitler et les nazis...

 

Comme il n'existe pas de littérature en la matière, Gubbins écrit deux manuels ad hoc : The Art of Guerilla Warfare et The Partisan Leader's Handbook.

 

Il va ensuite s'entourer petit à petit d'experts tels que:

 

- Cecil Clarke, inventeur d'armes faites à partir de trois fois rien: les matériaux de base [de la mine Limpet] étaient très bon marché: un bol de chez Woolworths, un bonbon à l'anis et un préservatif (plus la charge explosive)...

 

- Millis Jefferis (assisté par Stuart Macrae), un génie total, inventeur d'armements spécialisés pour ce type de guerre sournoise indigne de gentlemen...

 

- Peter Fleming et le colonel Beyts, entraîneurs d'unités spéciales, composées d'hommes au profil particulier: ce n'était pas un handicap d'avoir un  casier judiciaire, au contraire, c'était même souvent un critère de recrutement

 

- Eric Sykes, inventeur d'une méthode de combat appelée le "silent killing", et son laconique comparse, William Farbairn, spécialiste du combat rapproché: l'idée d'un combat à la loyale entre personnes bien élevées était contraire à leurs principes...

 

- Gustavus Henry March-Philipps et son second, Geoffrey Appleyard, formateurs de commandos pour effectuer des attaques éclair

 

Etc.

 

Les récits des exploits accomplis pendant la guerre par les saboteurs de Gubbins sont plus passionnants que n'importe quel roman, plus extraordinaires que n'importe quel film, comme le dira en substance Edward Grigg, ministre résident au Proche-Orient.

 

Mais, surtout, cette guerre, accomplie par ces gentlemen-aventuriers, pour reprendre l'expression de Grigg, était très efficace, comme le pensait Clarke:

 

Les bombardements étaient un moyen trop meurtrier de faire la guerre, qui tuait plus de civils que de militaires. Un sabotage réussi, en revanche, était d'une précision absolue.

 

C'est toujours vrai...

 

Francis Richard

 

PS

 

Je dédie cette lecture instructive à mon grand-père maternel et parrain, Arthur Van Poucke (1895-1984), héros belge des deux guerres mondiales du XXe siècle, et agent du Secret Intelligence Service pendant ces deux guerres, Distinguished Service Order (1918), dont le diplôme est signé par Winston Churchill.

 

 

Les saboteurs de l'ombre, Giles Milton, 416 pages, Les Éditions Noir sur Blanc (traduit de l'anglais par Florence Hertz)

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20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 12:00
Album Beauvoir, de Sylvie Le Bon de Beauvoir

Simonne - selon la graphie originelle - Lucie Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir naît à Paris, au matin du 9 janvier 1908, au deuxième étage d'un bel immeuble bourgeois, 103 boulevard du Montparnasse, VIe arrondissement de Paris, voisin du café La Rotonde qui ouvre en 1911.

 

La noblesse des Beauvoir est relativement récente (XVIIIe), mais ils le sont complètement. La mère de Simone est rayonnante. Son père, mi-aristocrate, mi-bourgeois, mondain, beau parleur, est nationaliste, antidreyfusard, il a le culte de la famille et, bien qu'incroyant, il respecte l'Église.

 

La Grande Guerre fait des Beauvoir des déclassés. Son père déclare à ses filles qu'elles devront gagner leur vie:

 

Ce handicap, Simone le retournera en chance: la nécessité d'assurer son indépendance économique lui ouvrira les chemins de la liberté.

 

Simone est une jolie petite fille brune, aux yeux bleus, très tôt saisie par le désir d'écrire:

 

A force de dévorer des livres, à plat ventre sur la moquette rouge, le désir lui vient d'en produire elle-même.

 

Elle est précoce puisqu'elle débute à sept ans...

 

Elle perd la foi à quatorze:

 

La contradiction entre la piété maternelle et le scepticisme paternel, coupant la vie spirituelle de la vie intellectuelle et terrestre, avait préparé cette liquidation.

 

Sylvie Le Bon de Beauvoir écrit à raison, même si on peut le regretter:

 

L'intime liaison de la perte de la foi et la vocation d'écrire colore l'ensemble du parcours de Simone de Beauvoir.

 

Quelle que soit l'opinion que l'on ait d'elle et de ses idées, elle sera de toute évidence un écrivain hors norme:

 

Son intelligence hors norme, alliée à une rare capacité de travail, lui permet d'accumuler en trois ans, de 1925 à 1928, huit certificats de licence: littérature française, latin, mathématiques générales, histoire générale de la philosophie (avec mention très bien), études grecques, philosophie générale et logique, morale et sociologie, psychologie...

 

En juin 1929, elle prépare l'oral de l'agrégation de philosophie avec le clan fermé de René Maheu, (qui est recalé à l'écrit): Paul Nizan et Jean-Paul Sartre... Les résultats sont proclamés le 30:

 

Premier, Sartre avec 87,5 points; deuxième, Simone de Beauvoir avec 85,5 points. Entre eux déjà tout s'est noué, l'existence du Castor [c'est René Maheu qui l'a métamorphosée en Castor: car "Beauvoir = Beaver" et "les castors vont en bande et ont l'esprit constructeur"] est devenue duelle: il faut dire désormais CastorSartre...

 

Sylvie Le Bon de Beauvoir, qui a été adoptée par Simone, parce que c'est le seul moyen de lui céder les droits sur son oeuvre, retrace donc le parcours du Castor dans cet album, son parcours d'écrivain hors norme et de femme tout aussi hors norme, qui aura vécu une relation de couple hors norme avec Sartre.

 

Même si la vie du Castor ne s'arrête pas avec la mort de Sartre (elle continuera jusqu'au bout d'écrire et de combattre pour ses idées), il n'empêche qu'une page se tourne pour cette femme, avant tout femme écrivain, c'est-à-dire, comme elle le définit elle-même, quelqu'un dont toute l'existence est commandée par l'écriture:

 

Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C'est ainsi; il est déjà beau que nos vies aient pu si longtemps s'accorder.

 

Francis Richard

 

Album Beauvoir, Sylvie Le Bon de Beauvoir, 248 pages, Gallimard

 

Albums précédents:

Album Perec, Claude Burgelin, 256 pages, Gallimard (2017)

Album Shakespeare,Denis Podalydès, 256 pages, Gallimard (2016)

Album Casanova, Michel Delon, 224 pages, Gallimard (2015)

Album Duras, Christiane Blot-Labarrère, 256 pages, Gallimard (2014)

Album Cendrars, Laurence Campa, 248 pages, Gallimard (2013)

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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 22:00
Moi la Malmaison - L'amie intime de Joséphine, de Françoise Deville

Il convient d'emblée de présenter l'auteur, qui, contrairement aux apparences, ne s'appelle pas Françoise Deville. C'est en effet une demeure particulière qui tient la plume, ce qui prouve que les murs peuvent avoir des oreilles et même des yeux.

 

Ce château de femmes n'a pas peur du moi qu'un Blaise Pascal disait haïssable. Il ne s'est pas gêné et a intitulé son livre: Moi la Malmaison, titre qu'il a d'ailleurs fait suivre d'un sous-titre éloquent: L'amie intime de Joséphine (pendant quinze ans).

 

Dans son prologue, la Malmaison dit: Mon nom n'est pas un appel au bonheur. Nous pensons que je fus un lieu de brigandage durant le Haut Moyen Âge. Ce nom pourrait aussi venir de l'activité première de la ville, la prise en charge des malades.

 

La Malmaison est intime avec Joséphine, mais pas seulement. Elle l'est aussi avec ses proches, à commencer par Bonaparte, puis ses enfants, Eugène et Hortense. C'est pourquoi elle ne craint pas de les tutoyer, de les rendre proches du lecteur.

 

Cette demeure est bien documentée. Elle ne s'est pas contentée d'écouter et de regarder. Elle a beaucoup lu. C'est surtout son affection pour ses protagonistes qui lui a permis de leur redonner vie: ils ne sont pas seulement proches, ils sont attachants.

 

Comme elle les aime vraiment, elle les aime comme ils sont, avec leurs qualités, leurs défauts. Ainsi les idéaux de Napoléon ne sont plus hélas ceux de Bonaparte. Ainsi Joséphine est généreuse, mais elle dépense vraiment sans compter, follement...

 

A l'origine elle ne s'appelle pas du tout Joséphine, mais Rose, pour être exact Marie Joseph Rose Tascher de la Pagerie. C'est Bonaparte qui lui a offert ce prénom, qui est en quelque sorte une déclinaison du véritable, Marie Joseph. Pourquoi?

 

Il t'a connue Rose de Beauharnais. C'est comme s'il souhaite effacer le passé et que tout recommence avec lui. Il adopte tes enfants en se comportant comme un père avec Eugène et Hortense, mais si on y regarde de plus près avec l'entrée de Bonaparte dans la famille Beauharnais, le souvenir d'Alexandre [son premier époux] est effacé.

 

S'il est question de politique, inévitablement, dans ce livre, c'est pourtant l'histoire d'un amour que le lecteur retiendra, ce qui lui évitera d'entrer dans de vaines querelles. Car, en dépit de leurs infidélités et de leurs jalousies, ils se seront toujours aimés.

 

L'infécondité de Joséphine aura raison de leur couple mais pas de leur amour-amitié. Et leur séparation sera paradoxalement la plus grande preuve d'amour qu'elle lui donnera: ce sacrifice que dicte la raison d'État ne sera pas vain puisque l'Aiglon naîtra...

 

L'année 1814 sera funeste: Tu vas mourir avec l'Empire, toi, l'étoile de Napoléon, t'éteins de tes derniers feux lors du crépuscule de l'Aigle. Mais le commencement de la fin n'était-ce pas ce jour de novembre 1809 où Joséphine et Napoléon se séparèrent?

 

Francis Richard

 

Moi la Malmaison - L'amie intime de Joséphine, Françoise Deville, 288 pages, Éditions de la Bisquine

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29 avril 2018 7 29 /04 /avril /2018 22:50
Prendre un enfant par le coeur, de Raymond Durous

Dans Prendre un enfant par le coeur, titre inspiré de la chanson d'Yves Duteil, Prendre un enfant, Raymond Durous commémore la sombre et terrible histoire des enfants placés en Suisse:

 

Dès le milieu du XIXe siècle jusqu'en 1960, cent mille enfants furent placés arbitrairement dans des familles paysannes. Et plus tard des milliers d'autres enfants furent internés, des années durant, jusqu'à la fin des années quatre-vingt, dans des institutions, des maisons d'éducation, ou plus précisément de ré-éducation, voire de redressement.

 

Placés est un terme galant pour dire des choses qui ne le sont pas du tout. Car ces enfants  étaient en fait frappés, exploités, rabaissés, brisés, humiliés, violés, comme le résume Fabio Lo Verso dans la préface.

 

Qu'avaient donc fait ces enfants pour mériter un tel sort?

 

Ils avaient eu le tort de n'être nés ni au bon endroit, ni au bon moment. Ils étaient nés le plus souvent dans des familles extrêmement pauvres, où sévissaient chômage ou alcoolisme, ou les deux. Soit leurs parents étaient divorcés, soit ils étaient morts (l'un ou l'autre, ou les deux), soit encore ils étaient jugés inaptes à s'occuper d'eux.

 

A l'époque, l'un de leurs sorts le plus douloureux était d'être des enfants du péché, c'est-à-dire des enfants illégitimes, que l'on dit naturels... comme si une vie humaine pouvait ne pas être légitime, quelle qu'elle soit. Ils n'étaient pas traités comme des êtres humains, et encore moins comme de véritables enfants qui ont besoin d'affection:

 

Les autorités administratives, sociales, tutélaires, éducatives et religieuses, tout comme les autorités locales, connaissaient l'existence de nombreuses pratiques d'exploitation et de maltraitance infligées impunément aux enfants placés. Elles savaient et ne disaient rien, s'estimant quasiment intouchables.

 

Dans son livre, Raymond Durous développe trois exemples d'enfants - Alain, Marlise et Victor - pour illustrer cette atteinte caractérisée à l'égalité en droit dont devraient bénéficier tous les êtres humains, a fortiori les plus faibles d'entre eux que sont les enfants, ici réduits en esclavage, sans que personne ou presque s'en offusque pendant des décennies.

 

Il décrit par le menu les maltraitances et les humiliations qu'ils ont subies et qui les ont marqués à vie. Il est d'autant plus extraordinaire dans ces conditions qu'Alain, Marlise et Victor (le père de l'auteur) aient réussi à renaître de leur souffrance. Mais ils y sont parvenus grâce à des rencontres providentielles et salvatrices et une volonté hors du commun.

 

Il faut donc lire ce livre, qui montre que, malheureusement, les pires infamies peuvent être commises dans un pays, qui, à d'autres titres, peut être donné en exemple:

 

- pour Alain, il est impératif que les hommes et les femmes de ce pays sachent ce qui s'est passé, combien des dizaines de milliers d'enfants ont souffert, et combien leur vie d'adulte fut bouleversée, voire saccagée. Et surtout que de telles tribulations enfantines en Suisse deviennent choses impossibles dans l'avenir.

 

- pour Marlise, les marques de respect et de confiance que lui ont prodiguées deux femmes de valeur lui ont donné le courage de s'en sortir: quel bonheur de s'entendre dire qu'on est quelqu'un, qu'on peut y arriver, alors que durant toute mon enfance j'étais méprisée, humiliée et considérée comme une moins que rien.

 

- pour Victor, en dépit de toutes les avanies qu'il a connues dans son enfance et son adolescence, comme il l'a dit à l'auteur un jour de printemps à l'heure de l'apéro: La vie, vois-tu, c'est quelque chose de formidable, la plus précieuse qui soit !, petite phrase qu'il n'oubliera jamais et qui ne peut laisser un lecteur indifférent.

 

Francis Richard

 

Prendre un enfant par le coeur, Raymons Durous, 168 pages, L'Aire

 

PS

 

Chaque partie du livre est précédée d'une phrase de la chanson Prendre un enfant d'Yves Duteil, qui en a composé les paroles et la musique et qu'il faut écouter et faire écouter, pour que jamais ne revienne le temps des enfants placés:

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 19:00
Zwingli le réformateur suisse 1484-1531, d'Aimé Richardt

Ulrich Zwingli le réformateur suisse est né en 1484 dans une famille nombreuse, à Wildhaus, dans le canton de Saint-Gall. A leurs onze enfants ses parents donnèrent une solide éducation chrétienne: plus tard il évoquera les contes de sa grand-mère et la bonté de son père qui savait mêler l'amour et la sévérité.

 

Après avoir appris à lire et à écrire, acquis des rudiments de latin avec son parrain, le curé de Weesen, et l'instituteur du village, Ulrich passe deux années dans une école latine à Bâle, puis deux autres dans une école à Berne, où il découvre avec son pédagogue humaniste les classiques de l'Antiquité.

 

A l'automne 1498 il est envoyé à Vienne. Quatre ans plus tard il retourne à Bâle. Bachelier à vingt ans, il obtient le grade de Maître-es-arts en 1506. C'est à ce moment-là que l'étude de Thomas d'Aquin lui permit d'acquérir une théologie solidement charpentée dans laquelle la raison reçoit une place d'honneur.

 

La même année il est ordonné prêtre et nommé curé à Glaris. Il entreprend alors d'expliquer l'Évangile par lui-même, puis d'en connaître l'interprétation par les Pères de l'Église et par des auteurs chrétiens médiévaux qui ne sont  pas forcément approuvés par elle: il ne veut pas s'en rapporter à la décision des autres...

 

La lecture de Jean Huss, de Guillaume d'Occam, et surtout de Wiclif, le trouble. Il se rend compte d'un éloignement des Écritures de la part de docteurs de l'Église: des cérémonies païennes ont été introduites dans le culte chrétien et la pureté de la morale chrétienne a été altérée. Il ne se prêtera pas à ces abus...

 

En 1516 il devient chapelain de l'abbaye d'Einsiedeln. Il ne se borne plus à des études livresques. Il convainc l'administrateur, Théobald de Geroldseck, d'entreprendre des réformes, et, en premier lieu, de renoncer aux cultes rendus aux reliques des saints et aux pratiques extérieures pour obtenir la rémission des péchés...

 

En 1519 il devient prédicateur de la principale église de Zurich, le Grand-Münster. Dès le premier jour, il s'éleva avec force contre la superstition et l'hypocrisie, et insista sur la nécessité de la conversion. Il dénonça l'intempérance, les excès du luxe, la paresse et enjoignit aux magistrats de rendre une justice impartiale...

 

Cohérent, Ulrich Zwingli s'oppose aux indulgences quand le moine Bernardin Samson, envoyé par le pape Léon X,  en fait commerce. Et tout ce qui n'est pas expressément fondé sur les Écritures, il ne le considère pas comme obligatoire: l'observation du carême, le célibat des prêtres (il se mariera secrètement en 1522...).

 

Dans cette logique, il va obtenir la fermeture des cloîtres dont les revenus sont affectés à la création d'hospices et d'une école de théologie, l'abolition de la messe qui, pour lui, n'est pas un sacrifice mais une commémoration: dans l'expression ceci est mon corps , le est a le sens de signifie, donc pas de présence réelle...

 

A partir de là Ulrich Swingli va remettre en cause: le pouvoir de l'Église (pour Zwingli, il faut comprendre: "Tu n'es pas Pierre en ta personne, mais à cause du message que tu apportes), les sacrements (ils n'ont aucun pouvoir...). On peut résumer ce que pense Zwingli  en disant que pour lui l'oeuvre essentielle est de croire.

 

Swingli est pour la séparation des deux pouvoirs, temporel (dont il n'est pas favorable à l'abolition) et spirituel: ils ont certes des buts communs (travailler pour la communauté et éviter l'esprit partisan ) mais emploient des moyens différents: L'État usait de la contrainte. L'Église régnait pas l'esprit. Tout en elle était volontaire.

 

Avec ses thèses, Zwingli va se faire beaucoup d'ennemis: les catholiques bien sûr, mais aussi les anabaptistes (hostiles à la propriété privée et favorables à l'abolition de l'État), Érasme (dont il a lu les écrits sur la guerre, mais qui a pris ses distances avec Luther), Luther (qui n'est pas d'accord avec lui sur le sens du est de la consécration).

 

Aimé Richardt rappelle que seuls les fanatiques emploient la prison et les supplices pour convaincre leurs adversaires. Le lecteur ne se demande pas s'il n'existe pas des fanatiques dans tous les camps de l'époque... Dans la lutte contre les anabaptistes, Zwingli ne fait malheureusement pas exception, même s'il est pour la tolérance...

 

Quoi qu'il en soit, Zwingli mourut lors de la bataille de Kappel le 11 octobre 1531. On ne sait pas s'il prit part au combat. Tout ce qu'on sait, c'est que Ferdinand d'Autriche, Érasme et Luther se félicitèrent de sa mort quand ils l'apprirent. Le jour même, quand sa dépouille fut reconnue, le combat terminé, les insultes plurent sur le pauvre corps:

 

Dès le lendemain, le cadavre fut livré au bourreau pour qu'il fût écartelé, puis les restes sanglants furent brûlés, et les cendres jetées au vent...

 

Francis Richard

 

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531, Aimé Richardt, 180 pages Artège (sortie le 17 janvier 2018)

 

Livres précédents de l'auteur :

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

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18 août 2017 5 18 /08 /août /2017 22:55
Portrait du père - Un pasteur genevois dans son siècle, d'Eric Werner

Dans Portrait du père, Eric Werner tente de brosser le "portrait" de [son] père, Alfred Werner, A.W. (1914-2005). En faisant cette tentative, il ne prétend pas faire oeuvre biographique. Plus modestement il qualifie son livre de chronologie un peu développée et, dans le premier chapitre, explicite ce qu'il entend par là:

 

Mon propos n'est pas ici de brosser le propos psychologique de mon père, mais plutôt son portrait moral. En d'autres termes, je me suis moins attaché ici à raconter sa vie intime qu'à le faire revivre tel qu'il est apparu aux autres de son vivant, en tant qu'acteur social, dans la visibilité de l'espace public.

 

Pour tenter de brosser ce portrait, il commence par un peu de généalogie: Beaucoup de choses, dans la vie d'A.W., venaient de ses ascendants: parents, grands-parents, arrière-grands-parents. Il est important par ailleurs de rappeler qu'il s'inscrivait dans une lignée de pasteurs. En même temps, il était de sa génération.

 

Ce que fait donc Eric Werner, en un sens, c'est un travail d'historien, avec les limites que cet exercice comporte quand il s'agit d'écrire sur son propre père. Mais, au-delà de la figure paternelle, apparaît celle d'Un pasteur dans son siècle, dont il veut garder la trace en la gravant dans un livre:

 

D'une manière générale, l'être humain meurt sans laisser de trace, ou alors sa trace, si trace il y a, s'efface très vite. On peut combattre cette tendance (c'est la raison d'être même de ces pages, le sens en tout cas que je leur donne), nonobstant il faut se résigner, à terme, à l'effacement.

 

A.W., en 1932, écrit dans une lettre à ses parents: Nous ne sommes rien sans Dieu. Ces derniers lui conseillent de ne pas se lancer tout de suite dans des études de théologie. Il commence donc par des études de lettres, qu'il poursuit pendant quatre ans... Et en 1936, il consacre son mémoire à Descartes moraliste.

 

Dans ce mémoire, A.W. esquisse un parallèle entre Descartes et Pascal. Descartes a choisi la voie stoïcienne, selon laquelle l'homme se suffit à lui-même. A.W. est admiratif, mais donne raison à Pascal qui, au contraire de Descartes, pense que sans Dieu, nous ne sommes rien et parle de l'inutile recherche du vrai bien.

 

Cela explique que ce pasteur va surtout s'opposer au totalitarisme en raison de son athéisme et que, pour lui, c'est le christianisme, et non pas le libéralisme, qui peut lui être véritable alternative: L'autorité, en elle-même, n'est pas un mal, ce qui, en revanche, est à rejeter, c'est l'autorité n'ayant d'autre fondement qu'elle-même.

 

Au sein du protestantisme de l'époque persiste le vieux débat entre orthodoxes et libéraux, les premiers reprochant aux seconds leurs compromissions coupables avec la modernité. Karl Barth se range du côté des orthodoxes. A.W. n'est ni d'un côté ni de l'autre: si le temporel doit être subordonné au spirituel, il existe par lui-même.

 

A.W. est très attaché à la Suisse et aux valeurs qu'elle [représente]: celles, en particulier de 1848 (fédéralisme, démocratie directe, pluralisme linguistique, etc.). Sans avoir été lui-même objecteur de conscience ni être hostile à une défense nationale, il va s'engager pour l'objection de conscience et contre l'armement atomique.

 

Dans un article de la Feuille centrale de Zofingue, A.W. a une formule qui plaît beaucoup à l'auteur et qui permet peut-être de comprendre ce double engagement: Il faut, dit-il, "avoir le courage d'assouplir et de civiliser le monolithisme de cette expression si noble: la défense nationale.". Il différera en cela des pacifistes au sens strict.

 

A un autre endroit du livre, Eric Werner cite un passage où son père emploie, en 1946, dans un article consacré à Kierkegaard, l'expression Dieu qui condamne et qui sauve. Il la commente en ces termes: S'il fallait résumer la théologie de mon père, elle se concentre bien dans cette double affirmation. Celle de la Croix et de la Résurrection, indissociables.

 

Ces quelques exemples montrent que le pasteur Alfred Werner avait des convictions et qu'elles étaient souvent (mais pas toujours) nuancées. En tout cas, il reconnaissait volontiers aux autres le droit de penser différemment: Il préférait en fait que quelqu'un ait des convictions, même contraires aux siennes, que pas de convictions du tout !

 

Le lecteur comprend que l'auteur ait eu la volonté de ne pas laisser tomber dans l'oubli la mémoire d'un tel père et se rend compte qu'en quelque sorte, même s'il a trouvé la bonne distance, il a accompli là oeuvre de piété filiale. Dans sa conclusion, il termine par cette phrase, qui le confirme: on ne peut pas tout objectiver...

 

Francis Richard

 

Portrait du père - Un pasteur genevois dans son siècle, d'Eric Werner, 144 pages, Xenia

 

Livres précédents chez le même éditeur:

Portrait d'Eric (2011)

De l'extermination (2013)

Une heure avec Proust (2013)

L'avant-guerre civile (2015)

Le temps d'Antigone (2015)

Un air de guerre (2016)

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11 août 2017 5 11 /08 /août /2017 22:55
Onassis - L'âme du Grec, de Valéry G. Coquant

Il fut le Grec le plus célèbre du XXe siècle, après avoir gagné une fortune colossale, et le coeur des plus belles femmes de son temps: de ce Grec, Valéry G. Coquant, sans omettre les zones d'ombre, fait le récit de la vie, incroyable et mythique, dans Onassis - L'âme du Grec.

 

S'il s'agissait d'un roman, le lecteur serait sceptique. Il douterait qu'un homme ait pu avoir une telle vie, qui est hors du commun des mortels. Mais son histoire, si incroyable soit-elle, est pourtant vraie. Elle prouve que rien n'est jamais impossible à condition de croire en ses rêves.

 

Aristote Onassis naît à Smyrne, en 1903. Son père, Socrate Onassoglou, qui s'est fait connaître sous le patronyme d'Onassis et dont les frères se prénomment Alexandre et Homère, a épousé en 1900 Pénélope Dologlou, qui, l'année suivante, lui a donné une fille, Artémis.

 

La population de Smyrne est largement grecque. En vertu du Traité de Sèvres, à l'issue de la Grande Guerre, cette ville d'Anatolie a été rattachée à la Grèce et occupée par les troupes grecques en 1919. Mais, en 1922, le 8 septembre, les Turcs la reprennent et font un massacre.

 

Aristote, dont le père a été emprisonné, fait partie du million et demi de personnes déplacées. En Grèce, la population augmente de 20%. Les Grecs d'Anatolie n'y sont pas les bienvenus et y sont considérés comme des étrangers, des migrants: Après tout, ce ne sont que des turkos !

 

A Athènes, Aristote comprend qu'il n'est rien, pas même grec. Avec 250 dollars en poche, il part donc seul tenter sa chance en Argentine. Le 21 septembre 1923, il débarque à Buenos Aires, la destination privilégiée pour tous ceux qui ont quelque chose à fuir dans l'ancien monde.

 

Standardiste de nuit, il spécule de jour, avant de se lancer dans l'importation de tabac, sans trop de scrupules (il escroque ainsi son assureur aux primes mirobolantes), en liaison avec sa famille restée à Athènes: Cinq ans après son arrivée en Amérique, il vaut un million de dollars...

 

Il n'en reste pas là, car il a de l'ambition et la rage de vaincre. Il fréquente le puissant armateur argentin Dodero, qui est un exemple pour lui. Il se lie d'indéfectible amitié avec un compatriote, Costa Gratsos: Tous les deux ont le même âge, apprécient les femmes, la fête et les affaires.

 

Pendant les quinze ans qui suivent, avec des hauts et des bas, Aristote, devenu armateur à son tour, se montre en affaires rusé comme Ulysse et en amours sentimental comme tout, que ce soit avec la diva Claudia Muzio, l'héritière Ingeborg Dedichen ou l'actrice Géraldine Spreckles...

 

C'est après guerre qu'Aristote Onassis bâtit un véritable empire, en faisant construire des pétroliers mastodontes, en devenant l'actionnaire majoritaire de la lucrative et prestigieuse Société des Bains de Mer monégasque, en créant Olympic Aviation, qui deviendra Olympic Airways.

 

Pendant cette période, il tombe amoureux d'Athina Livanos (qu'il épousera le 27 décembre 1946, à New-York, avec laquelle il aura deux enfants, Alexandre et Christina, et dont il divorcera en 1960), de Maria Callas et de Jacqueline Bouvier, veuve du président John Fitzgerald Kennedy...

 

Ce que le lecteur retiendra de cette histoire vraie, c'est que ce renard de la finance, cette pointure du business pouvait tenir tête à des ennemis aussi puissants que le FBI ou le clan Kennedy, qu'il s'en sortait finalement toujours, mais qu'il pouvait être bien démuni dans sa vie privée...

 

Francis Richard

 

Onassis - L'âme du Grec, Valéry G. Coquant, 248 pages L'Âge d'Homme   

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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