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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 23:45
"Le corps politique de Gérard Depardieu" de Richard Millet

Richard Millet est mort socialement. Dans un récent entretien accordé à l'hebdomadaire français Valeurs actuelles (n°4066 du 30 octobre 2014), il dit qu'il a "appris à vivre dans la réprobation vertueuse des chiens de garde" et que ses livres "sont passés sous silence par la majorité des critiques".

 

Pourtant, ne pas être en accord avec sa vision du monde ne justifie pas de le passer sous silence. Car Richard Millet écrit magnifiquement et a quelque chose à dire. Ce qui suffit pour le considérer comme digne d'intérêt, quitte à le critiquer si besoin est.

 

Dans ça s'est fait comme ça, Gérard Depardieu se livre; dans Le corps politique de Gérard Depardieu, Richard Millet, qui ne s'intéresse pas plus aux idées politiques de l'acteur qu'à sa biographie, explique l'importance de son corps double, tangible et mortel, c'est-à-dire "manifeste", immatériel et immortel, c'est-à-dire "quasi mystique".

 

Richard Millet souffre et, pour ceux qui ne prennent pas la peine de le lire, il sent le soufre. Il souffre, et sent le soufre, parce qu'il ne se remet pas de la disparition de ce qu'il appelle la France littéraire, "le littéraire en tant qu'il englobe tous les arts y compris le politique".

 

Il en rend responsables, pêle-mêle, le consumérisme, l'athéisme, le multiculturalisme d'Etat, le capitalisme mondialisé [c'est un peu court...], l'américanisation [même remarque], la social-démocratie, la tyrannie de la majorité, les solidarités coercitives, le nihilisme, le relativisme, l'eugénisme etc.

 

Richard Millet pourrait tout aussi bien résumer la plupart de ces ismes et outils collectivistes en une seule expression: servitude volontaire.

 

Au milieu du désert culturel - "le culturel est à l'art ce que le concept des "lieux de mémoire" est à l'Histoire" -, Richard Millet distingue Depardieu, "prodigieux aède de la disparition française, qui dit ce qu'est la France tout en la renvoyant à son invisibilité internationale". Son nom est, pour lui, celui de la survivance de la France, comme le songe d'une nation invisible:

 

"[Depardieu] est cependant bien plus que le miroir fantasmatique du petit-bourgeois contemporain: il est le corps français éructant, pétant, humant, vomissant, et riant aux éclats, comme on le fait dans la province française, où le rire est souvent un viatique."

 

Aux oreilles de Richard Millet, "Depardieu est un des derniers à faire entendre la langue française dans tous ses états, sa voix donnant en quelque sorte le thrène de la civilisation française. On songe à Duras, encore, qui aura été le dernier grand écrivain français à posséder une voix, un style, dans l'écriture comme au cinéma."

 

Gérard Depardieu n'est pas seulement une consolation pour ceux qui croient en la syntaxe, lieu de vérité. Il est une raison de ne pas abandonner la lutte pour sa version française: "Cette langue, Depardieu la manie mieux que d'autres, en quasi-prophète, osant être soi par-delà la "citoyenneté", et jouant de moins en moins, et disant les choses, même en silence, ce qui est une forme rare d'affirmation, de révélation."

 

Pour Richard Millet, le sujet Depardieu est inépuisable: "Une fois qu'on croit avoir tout dit sur Depardieu, on n'a encore rien dit; on ne l'a pas vraiment regardé ni entendu. Il est hors cadre: la moindre interview de lui a quelque chose de littéraire, fût-elle énoncée en ce langage populaire qui sonne bien chez lui alors qu'il est vulgaire chez les autres."

 

Francis Richard

 

Le corps politique de Gérard Depardieu, Richard Millet, 128 pages, Pierre Guillaume de Roux

 

Précédents billets sur Richard Millet:

 

La souffrance littéraire de Richard Millet (21 septembre 2012)

"Trois légendes" de Richard Millet (21 novembre 2013)

"L'Être-Boeuf" de Richard Millet (3 décembre 2013)

"Une artiste du sexe" de Richard Millet (30 décembre 2013)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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