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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 15:30
L'École Autrichienne, de Jesús Huerta de Soto

Dans cet ouvrage, paru en espagnol en 2000, Jesús Huerta de Soto, rappelle d'abord les principes essentiels de l'École Autrichienne et l'importance pour elle de la connaissance et de la fonction entrepreneuriale.

 

Ensuite, à partir de ces prémices, il rappelle tout ce que la Science Économique lui doit comme apports théoriques au cours de l'Histoire depuis ses précurseurs catholiques espagnols jusqu'à aujourd'hui.

 

Enfin, il évoque tous les domaines d'études que sa méthodologie permet d'aborder aujourd'hui depuis sa renaissance en 1975, après que, pendant trois décennies, la synthèse néoclassique-keynésienne a dominé indûment.

 

 

Les principes essentiels

 

Pour énoncer ces principes l'auteur fait appel aux différences essentielles entre l'École Autrichienne et l'École Néoclassique:

 

- Les théoriciens autrichiens conçoivent la Science Économique comme une théorie de l'action plus que de la décision : dans la réalité, l'information n'est pas donnée à l'être humain, il doit la découvrir par un processus dynamique.

 

- Les biens, marchandises, les richesses et toutes les autres notions de la conduite ne sont pas des éléments de la nature, mais des éléments de l'esprit et de la conduite humaine: les restrictions de l'économie sont imposées par défaut de connaissance.

 

- Le monde réel est toujours en déséquilibre et la fonction principale de l'entrepreneur consiste à créer et à découvrir une nouvelle information, c'est-à-dire une occasion de gain qu'il n'avait pas remarquée jusque-là pour en tirer parti.

 

- S'il méconnaît cette occasion de gain, il commet une erreur entrepreneuriale pure; il doit, pour éliminer cette erreur, découvrir et saisir l'occasion de gain méconnue et c'est alors qu'il peut en tirer un profit entrepreneurial pur.  

 

- L'information, découverte et saisie par l'entrepreneur est subjective: c'est une connaissance pratique, importante, interprétée subjectivement, possédée et utilisée par l'acteur dans le contexte d'une action concrète.

 

- Une fois découverte et saisie par l'entrepreneur cette occasion de gain disparaît: il se produit un processus spontané de coordination, qui est tendance à l'équilibre du marché réel, équilibre jamais atteint, car ce processus ne s'arrête jamais.

 

De ces principes découlent chez les autrichiens:

 

- le caractère subjectif des coûts: le coût est la valeur subjective que donne l'acteur aux fins auxquelles il renonce quand il décide d'agir

 

- le formalisme verbal: il permet de recueillir les essences (das Wesen) des phénomènes économiques, ce que ne permet pas le langage mathématique

 

- l'impossibilité de faire des prédictions de détail: on peut prévoir les désajustements et les effets de dis-coordination sociale produits par la contrainte institutionnelle sur le marché (socialisme ou interventionnisme)

 

 

Connaissance et fonction entrepreneuriale

 

Les autrichiens distinguent deux types de connaissance:

 

- la connaissance pratique, éparpillée, tacite, d'événements uniques

 

- la connaissance scientifique, centralisée, explicite, de catégories

 

Ils donnent deux définitions de la fonction entrepreneuriale:

 

- Pour les autrichiens, la fonction d'entrepreneur, au sens large, coïncide avec l'action humaine elle-même.

 

- La fonction entrepreneuriale, au sens strict, consiste essentiellement à découvrir et à apprécier (prehendo) les occasions d'atteindre un but ou, si l'on veut, d'obtenir un gain ou un profit qui se présente, en agissant de façon à les saisir.

 

Le processus de coordination sociale, vu ci-dessus et qui fait disparaître l'occasion de gain, est un processus concurrentiel: la concurrence est en effet un processus dynamique de rivalité, qui n'a rien à voir avec la concurrence parfaite, modèle dans lequel de nombreux offrants font la même chose et vendent tous au même prix, c'est-à-dire dans lequel, paradoxalement, personne ne fait de concurrence.

 

La société est donc un processus:

 

- spontané, dessiné par personne

 

- très complexe, formé:

 

. de millions de personnes présentant une variété infinie d'objectifs, de goûts, de jugements, de connaissances pratiques

 

. de millions d'interactions humaines, qui sont toutes stimulées par la force de la fonction entrepreneuriale, qui, sans cesse, crée, découvre et transmet information et connaissance, en adaptant et en coordonnant de façon concurrentielle les plans contradictoires des hommes, et en permettant leur vie en commun avec un nombre et une richesse de nuances et d'éléments toujours croissants

 

Pour les autrichiens, l'objet de l'économie consiste à étudier ce processus dynamique de découverte et de transmission d'information, continuellement stimulé par la fonction entrepreneuriale et qui tend à adapter et à coordonner les plans des hommes, rendant ainsi possible leur vie en société.   

 

 

Les précurseurs espagnols

 

Les éléments fondamentaux du libéralisme économique ont été conçus par des dominicains et des jésuites de l'École de Salamanque au cours du Siècle d'Or espagnol, c'est-à-dire:

 

- la théorie subjective de la valeur

 

- la découverte de la relation exacte entre prix et coûts

 

- la nature dynamique du marché

 

- le concept dynamique de la concurrence

 

- la distorsion introduite par l'inflation

 

- le principe de la préférence temporelle (les biens présents ont plus de valeur que les biens futurs)

 

- la critique du système bancaire de réserve fractionnaire

 

- la découverte que les dépôts bancaires font partie de l'offre

 

- l'impossibilité d'organiser la société par des ordres coercitifs

 

- la violation du droit naturel par toute intervention injustifiée sur le marché

 

 

Les autrichiens

 

Le mérite principal de Carl Menger (1840-1921) a été de redécouvrir et de favoriser cette tradition continentale espagnole.

 

Ses apports essentiels auront été sa conception subjectiviste de chaque processus d'action humaine et son explication théorique de l'apparition spontanée et évolutive des institutions sociales à partir de cette conception.

 

Eugen Böhm-Bawerk (1851-1914) a étendu l'application de cette théorie subjective au domaine de la théorie du capital et de l'intérêt:

 

- le concept de capital peut se définir comme la valeur des biens d'investissements à prix de marché

 

- le taux d'intérêt est le prix de marché des biens présents en fonction des biens futurs

 

Ludwig von Mises (1881-1973) a été capable mieux qu'aucun autre membre de l'École Autrichienne, d'extraire l'essence du paradigme créé par Menger, et de l'appliquer à une série de secteurs économiques nouveaux...

 

Il a ainsi développé:

 

- une théorie de la monnaie et du crédit basée sur la conception subjectiviste de l'économie

 

- une théorie des cycles basée sur l'analyse des effets des manipulations de la monnaie et du crédit sur la structure des biens d'investissement

 

- une théorie sur l'impossibilité du socialisme en raison de la contrainte exercée sur la liberté d'agir, qui empêche l'apparition, dans l'esprit des acteurs individuels, de l'information nécessaire pour coordonner la société 

 

- une théorie sur la fonction entrepreneuriale dont l'élément essentiel réside dans la capacité créative de l'esprit humain qui dirige l'action et la création

 

- une méthode d'économie politique à partir d'un petit nombre d'axiomes fondamentaux qui sont inclus dans le concept d'action (le plus important d'entre eux est la catégorie même d'action)

 

Friedrich Hayek (1899-1992) a été l'une des figures intellectuelles les plus importantes du XXe siècle: philosophe, multidisciplinaire, grand penseur libéral et Prix Nobel d'Économie en 1974...

 

Ses apports essentiels sont:

 

- une théorie des cycles approfondie où il explique les crises des économies capitalistes par les changements monétaires qui affectent le processus productif en modifiant la structure de prix relatifs

 

- l'idée que la société est un ordre spontané, c'est-à-dire un processus dynamique en évolution constante, et qui naît de l'interaction continuelle de millions d'êtres humains, qui n'a pas été et ne pourra jamais être dessinée consciemment ou délibérément par personne

 

- une théorie juridique et politique où il montre que le socialisme, fondé sur l'agression institutionnalisée et systématique contre l'action humaine et exercée au moyen d'une série d'ordres ou directives coercitives [il les appelle législation par opposition au concept générique de droit], implique [...] la disparition du concept traditionnel de loi en tant que série de normes générales [...] et abstraites [avec pour conséquence le discrédit du concept de loi].

 

 

Renaissance de l'École Autrichienne

 

Après que le Prix Nobel d'Économie a été décerné à Friedrich Hayek en 1974 un nouvel élan a été donné à l'École Autrichienne d'Économie, qui, en outre, a bénéficié du discrédit des théories keynésienne et interventionnistes. Deux autrichiens ont joué un rôle protagoniste dans cette renaissance: Murray Rothbard et Israël Kirzner.

 

Aujourd'hui la recherche autrichienne s'intéresse à:

 

- la théorie de la coercition institutionnelle, qui est une généralisation de l'analyse du socialisme

 

- la théorie des prix, qui explique qu'ils se forment de façon dynamique et sont le résultat d'un processus  séquentiel et évolutif animé par la force de la fonction entrepreneuriale

 

- la théorie de la concurrence, qui s'entend comme un processus de rivalité nettement entrepreneuriale et où les problèmes de monopole pris dans leur sens traditionnel sont rendus inexistants

 

- la théorie du capital et de l'intérêt, qui part d'une conception subjectiviste où les processus de coordination microéconomiques observables dans le monde réel sont pris en compte

 

- la théorie de la monnaie, du crédit et des marchés financiers, domaine dans lequel l'interventionnisme est nocif, préjudiciel et responsable des récessions économiques successives

 

- la remise en cause des théories de la croissance et du sous-développement économique, du bien-être et des biens publics, qui sont toutes élaborées dans un contexte statique (qui n'existe pas dans le monde réel) et qui ne tiennent pas compte de la perspicacité et de la capacité créative de l'être humain

 

- la théorie de la population, où sa croissance n'est ni un frein ni un obstacle au développement économique, mais au contraire le moteur et la condition nécessaire pour qu'il se réalise

 

- l'analyse théorique de la justice et de l'éthique sociale qui critique le concept de justice sociale et qui montre que tout être humain a droit aux résultats de sa créativité entrepreneuriale

 

etc.

 

Jesùs Huerta de Soto donne une longue liste des théoriciens qui participent, ou ont participé, à cette renaissance de l'École Autrichienne dans des universités américaines ou européennes.

 

Il faut mettre au crédit de cette école d'économie deux prédictions qu'elle a été seule à faire au cours du XXe siècle:

 

- la Grande Dépression de 1929, prédite par l'Institut Autrichien d'Études de la Conjoncture, dirigé par Friedrich Hayek, comme résultat inexorable des excès monétaires et de crédit des "heureuses" années vingt qui suivirent la Première Guerre mondiale

 

- la chute du socialisme réel, implicite dans l'analyse de Mises de l'impossibilité du socialisme  

 

Avec l'auteur, il faut espérer que la méthodologie réaliste, féconde, humaniste, développée par l'École Autrichienne, ait une influence de plus en plus grande dans l'avenir de l'économie.

 

Francis Richard

 

L'École Autrichienne, Jesús Huerta de Soto, 188 pages, Institut Coppet (traduit de l'espagnol par Rosine Létinier)

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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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