Yvonne, princesse de Bourgogne, est la première pièce écrite par Witold Gombrowicz, en 1938. Et ce n'est pas triste. Enfin, ce serait plutôt corrosif.
L'action se passe à la cour du roi Ignace (Julia Batinova). Son fils, le prince Philippe (José Lillo), est blasé. Il n'a plus très envie de courir les belles filles de la Cour, avec son ami Cyrille (Frédéric Lugon). Alors il jette son dévolu sur une pauvresse, doublée d'un laideron, Yvonne (Ilil Land-Boss).
Au début il s'agit pour Philippe d'une plaisanterie, pour se distraire. Pour narguer ses parents, le roi Ignace et la reine Marguerite (Greta Gratos), il va jusqu'à la présenter comme sa fiancée. Or, Yvonne ne dit pas un mot et ne respecte pas le protocole qui voudrait qu'elle fasse des courbettes à ses majestés.
Le mutisme d'Yvonne a le don d'exaspérer tout le monde, à l'exception de Philippe qui, dans un deuxième temps, en tombe amoureux. Aussi décide-t-il de l'épouser vraiment au grand dam de ses parents, qui comprendraient qu'il ait une passade avec une beauté, mais qui n'acceptent pas qu'il se soit entiché de cette "mollichonne"... qui passe son temps assise ou plantée comme un piquet
Comme Yvonne est de basse extraction, tout est permis à son égard et tout ce beau monde ne se prive pas de la malmener, d'autant plus qu'elle reste tout aussi muette qu'une carpe et ne se plaint jamais. Personne ne tient compte de ses regards énamourés ou de ses yeux de chien battu.
A la fin, cette inertie permanente d'Yvonne donne des envies de meurtre au roi, dont le chambellan (Elidan Arzoni) s'avère de bon conseil en la matière, à la reine et même en définitive à Philippe, qui s'éprend de la belle Isabelle (Olivia Seigne), autrement plus sexy que la promise qu'il s'est choisie sur un coup de tête.
Tous ces personnages ne sont guère reluisants et les circonstances créées à la Cour par l'irruption d'Yvonne, qui n'est pas de leur milieu, permettent de révéler leurs turpitudes dissimulées très hypocritement jusque-là. Le crime projeté sur la personne d'Yvonne n'est tout au plus considéré par eux que comme une extravagance.
Cette pièce mélange les genres. C'est tout à la fois une tragédie avec de longs monologues du roi, de la reine et du prince, et une comédie, voire une farce, qui en utilise tous les ressorts comiques. Le fond très grinçant démontre souvent par l'absurde la superficialité de ce monde de la Cour dont il suffit de gratter le vernis pour le mettre à nu et le tourner en dérision, ce que réussit très bien à faire cette satire, par moments déjantée. Amateurs de théâtre trop sérieux, s'abstenir...
Comme la pièce dure deux heures et quart sans interruption, le rythme soutenu de la mise en scène de Geneviève Guhl rend heureusement cette durée supportable. Il y a dix-huit personnages, et seulement neuf comédiens. C'est dire que les comédiens ne soufflent pas beaucoup et qu'il faut saluer le jeu enlevé qu'ils arrivent à conserver jusqu'au bout. Quant à celle qui joue Yvonne et qui doit prononcer trois mots, en tout et pour tout, son visage expressif parle magnifiquement à sa place.
Francis Richard
Prochaines représentations à la Grange de Dorigny:
Dimanche 2 mars à 17 heures
Mardi 4 mars à 19 heures
Mercredi 5 mars à 20 heures 30
Jeudi 6 mars à 19 heures
Vendredi 7 mars à 20 heures 30
Samedi 8 mars à 19 heures
Tournée:
Du 8 au 11 avril à la Comédie de Genève
Le 5 mai au Théâtre de Valère à Sion
Les 9 et 10 mai à La Belle Usine à Fully