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20 octobre 2014 1 20 /10 /octobre /2014 22:30
4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 1/2

Sous l'égide de l'Institut Economique Molinari, de 24h GOLD et du Groupe ESC Troyes en Champagne, du 10 au 12 octobre 2014 a eu lieu la 4ème édition de l'Université d'automne en économie autrichienne.

 

Plus de 60 participants ont assisté aux différentes conférences dans les locaux du Campus Brossolette du Groupe de l'ESC Troyes.

 

La soirée du 10 octobre 2014

 

Dans un restaurant de la ville de Troyes, l'Université d'automne commence par une intervention de Damien Theillier, professeur de philosophie et directeur de L'Institut Coppet, à propos de l'école française d'économie, antérieure à l'école autrichienne et bien méconnue aujourd'hui.

 

2014 correspond à deux anniversaires : le tricentenaire de la mort en 1714 de Pierre de Boisguilbert et le bicentenaire de la naissance en 1814 d’un journal, Le Censeur européen, fondé par Charles Comte et Charles Dunoyer, que Pierre Daunou, Pierre Cabanis et Antoine Destutt de Tracy inspirent.

 

(Les inspirateurs de Frédéric Bastiat ont été Jean-Baptiste Say, Adam Smith, mais également Destutt de Tracy et…Le Censeur européen.)

 

En 1695, Pierre de Boisguilbert, lieutenant général, magistrat, écrit Le détail de la France. Il y dresse l’état de la France, qui est piteux. En effet y sévissent famines, vagues de froid et épidémies.

 

De dire que cet état des choses est la faute à pas de chance est une analyse fausse. Pour Boisguilbert la faute en revient à la politique menée par Colbert, politique de blocage des prix et de protectionnisme, et aux guerres entreprises par Louis XIV qui ont généré des besoins d’argent démesurés, comblés par des impôts. 

 

Un deuxième sophisme, dû à Montaigne, hélas, est de dire que le commerce est un jeu à somme nulle, qu’il y a automatiquement un gagnant et un perdant. Ce qui conduit le pouvoir politique à intervenir pour réguler. Boisguilbert montre qu’au contraire, si l’échange est libre, alors les deux parties sont gagnantes et que cela conduit à un ordre meilleur.

 

La publication du Détail de la France vaut à Boisguilbert d’être exilé en Corrèze…

 

Détail en passant, Adam Smith avait un exemplaire du Détail de la France dans sa bibliothèque…

 

En 1814, la période napoléonienne s’achève. Le Censeur européen met en relief les deux classes sociales en présence, dans une perspective qui n’est pas celle de Marx:

 

  • Les commerçants et les paysans qui produisent ;
  • L’élite, qu’elle soit guerrière, cléricale ou intellectuelle, qui consomme.

 

Pour cette élite, les modèles sont l’aristocratie militaire de l’Empire romain (qui ne vivait que de la prédation), les auteurs classiques tels que Bossuet et Fénelon, Montesquieu, hélas, qui voyait la production des lois comme remède au désordre des intérêts particuliers, le rationalisme de Descartes appliqué aux lois sociales (alors que la complexité du social ne peut être appréhendée), Rousseau qui a ouvert la voie au socialisme.

 

Samedi 11 octobre, le matin

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 1/2

Renaud Fillieule, professeur de sociologie à l'Université de Lille 1, se livre à une analyse du Rapport du Gouvernement sur la pauvreté en France paru en décembre 2012.

 

Il y a deux définitions de la pauvreté : la pauvreté monétaire (relative) et la pauvreté en fonction des conditions de vie (absolue).

 

Comment est calculée la pauvreté monétaire ? Le seuil de pauvreté correspond à 60% de la médiane des niveaux de vie (des calculs se font en employant des pourcentages différents: 40%, 50% ou 70%).

 

Le niveau de vie correspond au rapport entre le revenu disponible et les unités de consommation. Le revenu disponible étant la somme du revenu et des prestations, diminuée des impôts directs. Le premier adulte d’un foyer correspond à une unité de consommation, les autres personnes âgées d’au moins 14 ans à 0.5 unité et celles âgées de moins de 14 ans à 0.3 unité.

 

Comment est calculée la pauvreté en fonction des conditions de vie ? 8 critères sur 27 doivent être remplis par une personne pour être considérée comme pauvre.

 

Ces critères sont classés par grandes rubriques : contraintes budgétaires (remboursements d’emprunt supérieurs à 1/3 du revenu, revenu inférieur aux dépenses courantes, absence d’épargne, nécessité de puiser dans les économies etc.), retards de paiement (factures d’électricité, loyers, impôts etc.),  restrictions dans la consommation (température du logement, meubles, vacances, vêtements etc.) différences dans équipement du logement (salle de bains, eau chaude, chauffage etc.).

 

En 2010 14,1% de la population et en 2012 13,9% se trouvaient en-dessous du seuil de pauvreté et en 2011 la population pauvre selon les conditions de vie représentait 12,6% de la population totale.

 

Le problème est qu’il n’y a pas de recouvrement exact de ces deux populations et qu’il y a en fait un halo de pauvreté de l’ordre de 20%, tenant compte des deux définitions.

 

Renaud Filleule relève alors les non-dits du Rapport :

 

  • Le rapport ne tient pas compte du roulement au sein de la catégorie des pauvres : il faudrait les suivre au long d’une vie, parce qu’il y a des entrées et des sorties, que ce ne sont pas les mêmes qui en font partie.
  • L’évolution de la pauvreté est inadéquate. En 1996 le seuil de pauvreté correspond à 835€ de 2011 et en 2010 à 984€ de 2011… (il n’est pas tenu compte des innovations)
  • Le rapport prétend que les prélèvements et les prestations réduisent la pauvreté : sans les uns et les autres la population de pauvres ne serait pas de 14% mais de 22%.

 

La réduction due aux prélèvements serait de 2%. Or, en déduisant les prélèvements du revenu qui les comprend, on n’obtient qu’une chose : l’abaissement de la médiane dans la même proportion. Il s’agit donc d’un tour de passe-passe.

 

La réduction due aux prestations (2% pour les allocations familiales, 2% pour les aides au logement et 2% pour les minima sociaux) ne peut avoir d’effet qu’à court terme. A moyen et long terme, l’effet ne peut qu’être négatif sur la production.

 

Le gouvernement, quel qu’il soit, rejette la responsabilité sur la crise économique et sur le gouvernement précédent…

 

En réalité, la pauvreté résulte des réglementations (35 heures, salaire minimum etc.) et les remèdes ne se trouvent pas dans l’incitation à recourir aux droits aux prestations (qui seraient méconnus du public), mais dans la libération de l’économie et, par là même, de la croissance.

 

Le Rapport du gouvernement sur la pauvreté en France pèche surtout par l’absence criante d’analyse économique…

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 1/2

Gabriel Gimenez Roche, professeur associé au Groupe ESC Troyes en Champagne, traite de l’économie sociale et solidaire, qui a les faveurs d'Emmanuel Macron, l'actuel ministre français de l'Economie, et qui rassemble "les entreprises qui cherchent à concilier activité économique et utilité sociale, donnant la primauté aux personnes sur la recherche de profits".

 

Il s’agit:

 

  • des coopératives
  • des fondations
  • des associations
  • des mutuelles

 

Quelles sont les spécificités des coopératives:

 

  • les apports sont faits par les salariés
  • le décompte des voix se fait selon le principe un homme, un vote
  • les résultats sont attribués à raison de 25% minimum aux sociétaires, de 16% minimum aux réserves

 

Quels sont les avantages ?

 

  • les distributions aux sociétaires sont déductibles fiscalement
  • les attributions aux réserves sont exonérées fiscalement
  • il y a une grande dotation en fonds propres

 

Les désavantages ?

 

  • les apports sont limités
  • le développement est limité et corrélativement l’emploi l’est aussi
  • les avantages fiscaux disparaissent en cas de développement rapide, car il suppose alors de s’endetter, ce qui n’est pas autorisé pour en bénéficier

 

Les fondations sont similaires aux coopératives, avec le handicap supplémentaire d’avoir une activité spécifique, d’intérêt général, ce qui rend la substitution aux entreprises classiques difficile voire impossible.

 

Les associations n’ont pour la plupart pas de but commercial et sont des fondations en devenir.

 

Quant aux mutuelles, la différence avec les coopératives est que la gouvernance se fait par l’assemblée générale des adhérents, au lieu que ce soit par les associés.

 

Les points communs à toutes ces formes d’entreprises sont que:

 

  • ce sont des entités solides tant qu’elles respectent les règles
  • les associés (les adhérents dans le cas des associations et des mutuelles) sont protégés, ce qui n’est pas le cas des autres salariés qu’elles emploient
  • la gouvernance est différente de celle des entreprises classiques
  • le profit est reversé aux réserves
  • leur développement économique est difficile
  • leur dépendance du marché traditionnel est grande

 

Il ne faut donc pas trop espérer d'elles des créations d’emplois, comme se prend à le rêver le gouvernement actuel.

 

L’expérience des zones franches urbaines, ZFU, est beaucoup plus probante, mais ce dispositif disparaît le 31 décembre 2014…

 

Ces zones franches urbaines – au nombre d’une centaine – se situent dans des quartiers défavorisés (taux de chômage élevé, jeunes sans formation, faible potentiel fiscal…).

 

Elles se caractérisent par des exonérations de charges et d’impôts :

 

Abattement des charges patronales dans la limite de 1,4 Smic

Durée de l'abattement

Entreprise de 0 à 4 salariés

Entreprise à partir de 5 salariés

De la 1e à la 5e année

100 %

100 %

6e année

60 %

60 %

7e année

60 %

40 %

8e année

60 %

20 %

9e et 10e années

60 %

plus d'abattement

11e et 12e années

40 %

plus d'abattement

13e et 14e années

20 %

plus d'abattement

L'exonération d'impôt sur les bénéfices (impôt sur les sociétés ou sur le revenu) est fixée à hauteur de :

 

  • 100 % pendant les 5 premières années,
  • 60 % pendant les 5 années suivantes,
  • 40 % les 2 années suivantes,
  • 20 % les 2 dernières années.

 

Les entreprises peuvent bénéficier d'une exonération temporaire de cotisation foncière des entreprises (CFE):

 

  • à 100 % pendant 5 ans,
  • à 60 % la 6e année (de la 6e à la 10e année pour les entreprises de moins de 5 salariés),
  • à 40 % la 7e année (de la 11e à la 12e année pour les entreprises de moins de 5 salariés),
  • à 20 % la 8e année (de la 13e à la 14e année pour les entreprises de moins de 5 salariés).

 

La valeur ajoutée des établissements exonérés de CFE en application de la délibération d'une commune peut être, à la demande de l'entreprise, exonérée de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) pour sa fraction taxée au profit de la commune. Si l'exonération de CFE est partielle, l'exonération de CVAE s'applique dans la même proportion.

 

Des milliers d’emplois ont été créés, dans ces ZFU, en dépit des plafonnements des exonérations et allégements, et des restrictions apportées à l'octroi des avantages, tels que:

 

  • ne pas dépasser le seuil des 50 salariés
  • n’embaucher que des résidents de la ZFU

 

Le dispositif disparaît, comme par un fait exprès, au moment où le potentiel fiscal devient consistant…

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 1/2

Marian Eabrasu, professeur d’économie et d’éthique au Groupe ESC-Troyes en Champagne, traite des ateliers de misère.

 

Sont contre : les ONG, Michael Moore, Students against Sweatshops.

 

Sont pour : les économistes Benjamin Powell et Paul Krugman, le journaliste Nicolas Kristof.

 

Quels sont les critères:

 

  • le travail forcé
  • le travail des enfants
  • le travail pénible et/ou faiblement rémunéré

 

Sont autorisés les travaux forcés suivants, décidés par l’Etat, en vertu de la Convention internationale n° 29 du 28 juin 1930:

 

  • le service militaire obligatoire
  • les obligations civiques
  • le travail pénitentiaire

 

Ne sont pas autorisés, en vertu de la Convention internationale n°105 du 25 juin 1957, les travaux, décidés par l'Etat, où sont employés des moyens de coercition ou d’éducation politique.

 

Pour ce qui concerne le travail des enfants, c’est la Convention n°138 (1973) de l’Organisation internationale du travail, qui devrait s’appliquer, mais ce n’est souvent pas le cas dans les pays pauvres...

 

Pour ce qui concerne le travail pénible et/ou faiblement rémunéré, se pose la question de la limite: quand des gens souhaitent faire un travail pénible, c’est que l’alternative est pire…

 

La mauvaise question à poser est la suivante: aimeriez-vous avoir de meilleures conditions de travail (ou un meilleur salaire)? Tout le monde peut répondre oui.

 

La bonne question à poser est la suivante: pensez-vous obtenir un autre travail dans de meilleures conditions?

 

En Afrique du Sud, l’introduction d’un salaire minimum de 57 $ s’est traduite par la destruction d’emplois (450 entreprises ont disparu et 16'700 emplois...).

 

Car, que se passe-t-il si on ferme des ateliers de misère ? On n’améliore pas nécessairement le sort des travailleurs, mais souvent on l’empire.

 

Amazon Allemagne, par exemple, a ainsi dû délocaliser en Pologne, où tout le monde a voulu y travailler…

 

Auparavant où se trouvaient les ateliers de misère ? A Singapour, Hong-Kong, Taïwan, en Corée du Sud. Ils ont disparu alors qu’aucune législation ne les a contraints à disparaître.  

 

A contrario, en Inde ou au Bengladesh, la législation, extrêmement rigide, a engendré des conflits extrêmement violents…

 

Cela ne signifie pas que les ateliers de misère soient suffisants pour faire décoller une économie. Son décollage se fait quand les entreprises peuvent bénéficier de zones franches non localisées et quand les conditions cadre leur sont favorables.

 

Un livre, celui de Dambisa Moyo, L’aide fatale, paru chez JC Lattès, en 2009, montre que l’aide au développement accordée aux pays africains leur a été fatale…

 

Il faut donc se garder de toute confusion terminologique, de succomber à des préjugés occidentaux (qui conduisent à des critiques naïves et biaisées).

 

Les ateliers de misère ne sont certes pas la panacée, a fortiori si le cadre légal ne change pas, car, alors, le décollage ne se produit pas. Mais il faut aussi se rappeler que sortir de la pauvreté ne se fait pas du jour au lendemain...

 

Francis Richard

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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