Pour la quatrième fois dans l'histoire helvétique, après les essais non transformés de 1919, de 1946 et de 2003, la gauche, qui n'a de cesse de s'en prendre aux droits de propriété, une obsession chez elle, tente de créer un impôt fédéral sur les successions.
Le 14 juin 2015, le peuple suisse vote donc sur l'initiative populaire "Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS". Comme son nom l'indique, il s'agit, du moins est-ce le principal argument avancé, de contribuer au financement du premier pilier de retraite suisse (par répartition).
L'impôt fédéral sur les successions, concocté par la gauche, impose les successions de plus de 2 millions de francs au taux unique de 20% et remplace les impôts cantonaux sur les successions et donations. Exit le principe de subsidiarité qui figure dans la Constitution. Les cantons ne sont plus que percepteurs et reçoivent à titre de compensation un tiers des recettes.
Dans la plupart des cantons, il n'y a en effet plus, ou presque, de droits de succession à payer pour le conjoint survivant et pour les descendants en ligne directe (cette disparition s'est faite, dans la plupart des cas, par le biais d'initiatives populaires, contre la volonté des gouvernements...).
Il ne faut toutefois pas se leurrer. Les autres héritiers paient à leur place. Et les droits de successions, qu'ils acquittent, sont élevés en comparaison internationale, parce que l'imposition des héritages n'y souffre pas d'autant d'exceptions que dans d'autres pays...
En vantant les mérites d'un impôt fédéral, la gauche ne cache pas qu'elle met à mal la concurrence fiscale entre les cantons. Elle ne se réjouit pas que les Etats cantonaux soient, grâce à elle, empêchés quelque peu de devenir obèses et infernaux. Non, elle déplore que ladite concurrence favorise "une répartition inégale des richesses".
L'intention de la gauche est claire: "Un impôt modéré [sic] de 20% permettra de contrecarrer cette tendance". Là, on oublie complètement le financement prétexte de l'AVS. Il faut dire que ce n'est pas cet impôt fédéral qui le résoudra. Car toute retraite par répartition est de toute façon une manière de système de Ponzi, voué à l'échec à long terme.
Dans le livret d'Explications du Conseil fédéral relatif à la votation populaire du 14 juin 2015, la gauche déclare d'emblée que l'impôt fédéral sur les successions "permettra d'imposer un patrimoine que des héritiers reçoivent sans contrepartie", c'est-à-dire, disons-le, sans mérite. Ce qui sous-entend que l'Etat et sa clientèle peuvent le recevoir à leur place sans contrepartie et qu'ils le méritent...
En réalité un héritage est constitué d'un capital qui a déjà été imposé au titre de revenu et de fortune préalablement (en Suisse les deux impositions existent). Et les héritiers vont à leur tour être imposés au titre de revenu éventuel de ce capital, s'il en génère, et de fortune que ce capital représente lui-même. Il est donc faux de dire qu'il n'y a pas de contreparties, quelque déplorables qu'elles puissent être: il y en a eu avant, il y en aura après la succession.
En fait deux conceptions s'opposent: ceux qui considèrent que les fortunes accumulées par les individus sont à la libre disposition de la collectivité et qu'elle peut donc les redistribuer à sa guise; ceux qui considèrent, au contraire, qu'elles découlent des efforts de ces mêmes individus sur de nombreuses années et que c'est à eux d'en disposer comme ils l'entendent.
La première conception s'apparente au vol légalisé, destiné à réduire
, sous le fallacieux prétexte d'égalité des chances (qui, en l'absence de privilèges, existe en fait avec l'égalité devant le droit).
La deuxième conception est conforme au respect des droits de propriété et à la liberté économique (qui sont garantis par la Constitution fédérale suisse). Elle préserve l'épargne privée, sans laquelle il n'est pas de prospérité ni d'innovation.
D'un point de vue moral, donc, à rebours de ce qui se dit sur le sujet, il faudrait même, idéalement, que le transfert de fortune soit exonéré pour tous les héritiers, en ligne directe ou pas, et que le testateur ait la liberté totale de choix de la destination de ses biens après sa mort.
D'un point de vue utilitaire, ou l'on choisit de redistribuer les richesses avec pour corollaire la paupérisation; ou l'on choisit de créer des richesses qui profitent finalement à tous par le dynamisme économique qu'elles induisent avec pour corollaire des inégalités.
Mais la gauche préfère sans doute que tous soient égaux et... pauvres.
Francis Richard
Publication commune avec lesobservateurs.ch