Le 21 décembre 2016, Maurice Chappaz aurait eu cent ans. Il s'en est allé le 15 janvier 2009, mais il est toujours présent dans les mémoires d'Ici-Bas, et notamment dans celle de Gilberte Favre, qui l'a bien connu et qui a eu la bonne idée de le faire revivre en reproduisant des Dialogues inoubliés par elle avec lui, sur la période 1971-2009.
Dans ces dialogues, Maurice Chappaz et Gilberte Favre parlent de plusieurs grands thèmes chers à l'écrivain valaisan: de l'engagement, de l'éveil à la marche, de l'angoisse, de la nature,de l'écriture, de la satire et du pamphlet, du voyage, de la mort, des livres préférés dans son oeuvre. Mais ils parlent aussi de ses deux épouses, Corinna Bille et Michène.
A la fin du volume, illustré de photos en noir et blanc et en couleur, Gilberte Favre s'est permise de faire une petite anthologie subjective. Suivant son exemple, une petite anthologie tout aussi subjective de ces dialogues inoubliables, pour elle et pour le lecteur, semble de mise, en ce centenaire de sa naissance, pour saluer Chappaz et donner envie de les lire.
L'engagement: On commence par être un marginal au milieu des notables et on finit, sous un certain angle, par être le vrai représentant d'un pays, d'une ville tandis que les hommes de célébrité superficielle et d'autorité passagère sont complètement engloutis.
L'éveil: La poésie au réveil est une nécessité, comme la nature et le silence.
La marche: Penser ou marcher, pour moi, c'est pareil. La marche accompagne mon écriture et elle peut me conduire. J'en ai besoin chaque jour.
L'angoisse: Amour, conquête, voyage: voilà l'angoisse existentielle. Car chacun sait bien comment la vie nous échappe à chaque instant.
La nature: Ici et ailleurs, il faut être attentif à la nature, à chaque brin d'herbe qui nous reste.
L'écriture: Plus on avance dans la vie, l'écriture, malgré toutes ses contradictions, ses difficultés, apporte une fraîcheur et ressuscite les instants qui se sont évanouis souvent sans que l'on s'en aperçoive...
Le Diable et le Bon Dieu: Nous sommes habités par la volonté du Diable et la grâce de Dieu. Il faut faire un choix.
Le voyage au Népal (1970): J'ai choisi d'y aller par la route car, pour m'approcher d'un pays, comme d'un être humain, il y a une caresse, une connaissance, un regard, toute une approche...
La mort: La mort a un double visage: elle est à la fois une fin de réussites provisoires et, peut-être, le commencement de choses qui les dépassent.
Le livre préféré dans son oeuvre: J'aurais envie de vous répondre: "le prochain". Car il y a une inconnue dans le prochain livre, quelque chose qui nous échappe.
Tirés de la petite anthologie subjective de Gilberte Favre, voici quelques extraits seulement, donc encore plus subjectifs:
Celui qui aime est un animal sans défense
L'âge de raison n'existe pas.
(Tendres campagnes, 2005)
J'ai un désir anarchique:
aimer Dieu une minute avec passion.
(Portraits des Valaisans en légende et en vérité, 1965)
Aimer ou croire, voilà ce qui est difficile.
J'essaierai de croire. Je parierai d'aimer.
(Evangile selon Judas, 2001)
Toute plume sincère mélange sa béatitude à sa douleur.
(Testament du Haut-Rhône, 1953)
La mort est la porte de la vie
pour entrer et sortir.
(Le roman de la Petite Fille, 2009)
Francis Richard
Dialogues inoubliés, Gilberte Favre, 112 pages Editions de l'Aire
Livres précédents:
Des étoiles sur mes chemins, L'Aire (2011)
Corinna Bille, le vrai conte de sa vie, L'Aire bleue (2012)
Guggenheim Saga, Editions Z (2016)