17 septembre 2016
Il est 8:59. Je me trouve tout seul à l'entrée de la piscine de Pully Plage. Cette piscine joue les prolongations pendant une semaine. La Piscine de Montchoisi et Bellerive Plage ont déjà fermé, depuis le 11 septembre. Tous les jours de ces prolongations, je nage mon content, mes deux kilomètres quotidiens.
Depuis la perte irréparable de ma soeur Chantal, je somatise et ne parviens pas à verser la moindre larme. Au début je suis abattu, littéralement, puis j'éprouve une terrible douleur à l'épaule gauche, qui irradie dans le haut du bras, du même côté. Curieusement, cette douleur, tenace pourtant, se fait oublier quand je nage...
Aujourd'hui il fait vraiment froid, 13°C dans l'air, tout au plus. Et il pleut, cru. Je suis seul dans ma ligne d'eau. Dans la ligne qui jouxte la mienne, une jeune trentenaire survient, nage le crawl, tout comme moi. Quand elle accélère, je fais de même et je maintiens, par jeu, la même avance que j'ai sur elle...
Une douche chaude ne suffit pas à me réchauffer. Car j'ai encore perdu du poids. C'est en perdant le peu de graisse qui me reste sur les os et en somatisant qu'en quelque sorte je fais mon deuil... Dans ma voiture je ventile à fond pour me réchauffer. Celle-ci sera ainsi prête pour mon long voyage de la journée.
A midi, bagages faits, je pars donc pour St Jean-de-Luz. Je renonce à l'itinéraire conseillé par Via Michelin. Il est vraiment trop compliqué, même s'il est nettement plus court. La route, je le sais, sera longue, mais ma 306 GTI avalera les kilomètres sans problème, en dépit de la pluie et de ma fatigue morale.
Au bout de deux heures, je m'arrête pour manger une morce, un sandwich au thon (c'est à Londres que j'ai contracté cette addiction) et une salade de fruits. Je découvre sur mon smartphone un mail très gentil d'une personne, avec laquelle je suis encore ami et qui ne peut être rien d'autre.
Ce mail va me turlupiner tout le long de la route. Il taraudera mon esprit même quand, rituel obligé, j'écouterai les Concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach, en contemplant, sur la gauche de l'autoroute, la Chaîne des Puys. Ce mail ne m'apprend rien, mais il me met bien en face de la réalité, sans détour.
Arrivé à ma maison, Etche Alegera, à 23:30, je me précipite sur mon laptop. Mais le wi-fi ne fonctionne pas. Au bout d'un peu moins de deux heures de rage, je réponds, précipitamment, au mail reçu, via mon smartphone, me dévoile complètement... et romps tout soudain une belle amitié, irréversiblement.
Bien sûr, j'aimerais ne pas avoir envoyé ce fichu mail, qui maintenant me détruit à petits feux, et revenir en arrière, mais n'y ai-je pas employé des mots aussi définitifs et irrémédiables que la mort? Comment serais-je crédible si je me déjugeais, quelque temps plus tard?
18 septembre 2016
N'ayant quasiment pas dormi, je culpabilise deux fois: d'avoir envoyé ce mail idiot (je pensais que ne plus voir la personne me ferait moins souffrir que de la voir, or c'est tout le contraire); d'avoir cassé ma liaison Internet et d'avoir accusé à tort mon fils Roland, le dernier à être venu ici.
Quand j'ai tout rebranché, la box SFR est tombée et je crois bien l'avoir détruite, par précipitation. Comme j'ai donc à peine dormi, souffrant doublement, je me force à aller faire des courses alimentaires en ce dimanche matin, parce qu'après je sais que cela ne sera plus possible.
Dans mes bagages j'ai emporté avec moi une cafetière Nespresso, commandée quelques jours plus tôt par Internet et livrée le lendemain. En la déballant je me rends compte que la prise électrique est aux normes suisses. Heureusement, en faisant mes courses, je trouve un adaptateur idoine.
Je dors un peu l'après-midi. Quand je me réveille, je me rends à la plage, pour me baigner. Mais la plage est surveillée et le drapeau rouge est mis. D'ordinaire, hors saison, la houle (ou la pollution due aux pluies) ne m'aurait pas fait reculer devant l'obstacle. Mais je ne tiens pas à être amendé...
Rentré chez moi, je consulte les horaires de la piscine de St Jean. Elle ferme à 18:00 le dimanche. Le temps de prendre ma voiture et d'y aller, j'arriverai pour la fermeture... Je peste contre le sort qui semble s'acharner contre moi et fais diversion en me rendant à l'église où Louis XIV a épousé Marie-Thérèse.
Ce soir, pas d'Internet, pas de téléphone fixe, pas de télévision, et pas le coeur de lire, pour une fois. En rangeant mes affaires, je découvre, au milieu de la véritable bibliothèque que j'ai emportée avec moi, un coffret d'une série, Les revenants, que mon fils Roland m'a offerte. Je suis sauvé...
19 septembre 2016
J'ai tout débranché de la Box SFR: la prise du téléphone fixe, la prise de la télévision et la prise d'alimentation. J'ai débranché la Box elle-même de la ligne téléphonique extérieure. Je suis prêt à me rendre dans une boutique de l'opérateur pour procéder à un échange de Box...
Au préalable, à 9:30, j'appelle la boutique SFR de Bayonne, celle de Saint Jean-de-Luz étant fermée le lundi. Je m'entends dire (expression dérivée de l'anglais?) que je dois d'abord appeler le service technique de SFR (dont je n'ai pas trouvé le numéro sur Internet avec mon smartphone...).
Au 1023, après deux fois 8 mn d'attente (jai été coupé), on me dit de tout rebrancher. Ce que je fais. D'appuyer avec un cure-dent dans le trou re-set. D'éteindre et de rallumer en actionnant le bouton power. Rien ne se passe. Ou plutôt si: après avoir clignoté indéfiniment, le voyant au lieu d'être vert fixe est orange fixe.
Je m'entends dire cette fois qu'il faut attendre que la Box se synchronise. Cela peut demander jusqu'à 8 heures (avec Sunrise, en Suisse, cela met 5 à 10 mn...). Rendez-vous téléphonique est donc pris, à 18:00... J'enrage, et peut-être est-ce un bien pour un mal, parce que j'oublie un peu mon mauvais mail...
Vu ma déconvenue d'hier, je me rends à la piscine de Saint Jean-de-Luz, qui ouvre le lundi à 12:00 en période scolaire et je nage enfin mes 2 kilomètres qui m'ont tant manqué hier... L'après-midi j'ai de toute façon rendez-vous à 15:00 à Bayonne... ce qui m'occupera, d'autant que la praticienne est charmante.
Un peu avant 18:00, je rappelle le 1023. Il y a 6 mn d'attente. Quand j'ai le technicien, il me reproche d'avoir devancé le rendez-vous...Rien n'a changé. La Box ne fonctionne toujours pas. On me propose le prêt en boutique d'un boîtier 3G, en attendant l'intervention d'un technicien sur place. On m'envoie un SMS de confirmation...
20 septembre 2016
8:00. Toujours pas de SMS. La Box est toujours à l'orange fixe. Je rappelle le 1023. Je m'entends dire cette fois qu'il n'y a pas besoin de SMS, que je peux me présenter en boutique pour retirer un boîtier 3G, moyennant le dépôt d'un chèque de caution de 60 €: on n'est jamais trop prudent avec un vieux client...
A 10:00, sept personnes attendent l'ouverture de la boutique SFR de Saint Jean-de-Luz. 20 mn plus tard je repars, tout content, avec mon boîtier 3G à la main: mon blog va pouvoir retrouver vie et moi avec (que serais-je sans l'écriture consolatrice?). Arrivé à la maison, je jette un coup d'oeil méprisant à la Box...
Je manque de faire tomber de mes mains le boîtier 3G: l'orange est passé au vert... comme par miracle. Tout fonctionne: le téléphone fixe, la télévision et toutes ces chaînes que je ne regarde pas et, surtout, Internet, qui m'est indispensable pour mon blog et pour être joignable par mon employeur...
Comme on dit, les affaires reprennent. Sauf que je vais devoir rapporter le fichu boîtier 3G à la boutique SFR... L'après-midi, je recevrai un coup de fil sur le fixe. Pour me remercier de ma fidélité, SFR me proposera gratuitement davantage de services et de chaînes de télévision... Le bonheur est dans la Box...
Le calme m'est revenu après cette tempête numérique. A midi j'ai pu nager dans la mer, une mer d'huile, revêtu de ma combinaison Tribord, made in Thaïland, de la digue aux chevaux à celle de l'entrée du port, distantes d'un peu plus de 800 mètres. Un aller-retour sublime...
Le soir, je me souviens et je frémis. Quand m'est arrivé ce que j'ai appelé l'épreuve de quatorze, pendant une semaine, du 24 mai 2014 au 1er juin 2014, mon blog est devenu inaccessible. Cela a coïncidé avec une autre rupture, dont je ne me suis d'ailleurs jamais remis et dont j'avais pris la malheureuse initiative.
Mon principal tort est d'être, à chaque fois, dans le déni de ma réalité. Il faut dire que mon esprit et mon corps (hormis peut-être mon visage qui a quelques traits un peu vieux) ne me disent pas mon âge et que mes sentiments sont toujours adolescents...
Bis repetita placent pour le recalé en amitié que je suis... et serai peut-être toujours.
Francis Richard