Les écoles d'art se dénuaient de création; la transformation des bâtiments s'en reflétait. Il fallait en effet maintenir l'atmosphère qui se dégageait de ces anciens abattoirs, les couloirs menant aux hachoirs, éviter toute esthétique laissant transparaître chaleur et convivialité en somme.
Tel est le point de départ, l'école de design Barkley, du livre de Jon Monnard, romancier magnifique, au sens de Francis Scott Fitzgerald...
La concurrence, notamment par le talent, avait pour but de les départager. Mais à force de se sentir obligés d'être différents, ils s'imprégnaient les uns des autres, empruntaient un même chemin qui finissait par se teinter de ridicule. Au final, ils se ressemblaient tous.
Tels sont les élèves de Barkley (c'est bien la première fois qu'une concurrence se traduit par une uniformité, génératrice d'ennui...).
Coska est élève dans cette école, mais justement il est différent des autres et ne se coule pas du tout dans le moule: en conséquence, ce corps et cet esprit étrangers s'en font expulser, au grand dam du professeur Boris Bataille, qui aurait préféré qu'il reste et fasse semblant...
Coska décide de vivre, de fuir et d'écrire, quitte à mourir de [ses] convictions: il ne veut surtout pas remplir un devoir d'appartenance. Alors il écrit sur des feuilles des semaines durant et apprend qu'écrire est un talent artistique qui demande du travail.
Mais à quoi bon écrire si l'on est pas lu. Il requiert donc l'avis du libraire de La Colère, qui, une fois son dos tourné, balance à la poubelle ses feuilles recouvertes d'encre, de multiples taches. Il n'a pas davantage de succès auprès des magazines à qui il envoie critiques et nouvelles.
Julia, la jolie fille de la concierge de l'immeuble où il habite, lui parle d'un concours qu'elle a relevé pour lui dans Vogue: il consiste à imaginer sur une dizaine de pages, un concept pour la prochaine collection de prêt-à-porter de luxe automne/hiver de la marque Martha Kahl.
Comme il est jeune encore et n'a rien à perdre, Bataille, à qui il est venu demander conseil, lui dit qu'il est grand temps de faire quelque chose de son talent... Et Coska est le premier surpris d'apprendre, quelque temps plus tard, qu'il est le lauréat du concours, dont le prix est remis à Berlin...
C'est ainsi que Coska est introduit dans le monde de la mode, où tout semble n'être que luxe, calme et volupté et où son talent semble être enfin reconnu. C'est ainsi qu'il est embauché à prix d'or pour la durée de la création de la collection dont l'acmé sera le défilé parisien.
Le directeur de collection lui rappelle le concept: Le livre transformé en vêtement, les mots deviennent tissus, formes et courbes! Coska sera l'auteur d'un livre édité par le célèbre éditeur Holm, qui lui verse une avance rondelette sur les droits. Les thèmes de son roman seront:
La mode, la nouvelle jeunesse jet-setteuse, noctambule et dépravée de notre époque.
Le jour du défilé, après avoir pu mener grand train pendant les préparatifs, Coska ira de surprises en surprises et comprendra, mais un peu tard, qu'il n'a pas été choisi parce qu'il était magnifique pour jouer le rôle d'un écrivain dont la fréquentation permet de paraître intelligent.
Ses yeux enfin dessillés, Coska pourra se dire: Et à la fois je savais que je n'étais pas magnifique. Mais méritait-il pour autant de subir de telles conséquences pour s'être ainsi fourvoyé en se fiant aux apparences? C'était vraiment pas la peine de s'être fait renvoyer de Barkley...
Francis Richard
Et à la fois je savais que je n'étais pas magnifique, Jon Monnard, 168 pages L'Âge d'Homme