Ce "livre", je l'ai fait au premier sens du terme. Je me suis "livré", "donné", il est pour moi une tranche de ma vie, la narration et la découverte de ma foi, foi en Dieu et foi en l'Homme, découverte de cette Puissance Douce qui relève, qui porte, qui donne et qui "par-donne" inlassablement.
La découverte de sa foi, Bernard Vincent l'opère à la suite d'une faiblesse: Marié, père de famille, et aimant profondément ma femme j'ai pourtant été infidèle.
Mais sa femme lui pardonne et ce pardon est libérateur: Il m'a permis d'écrire et de m'engager auprès de mes frères en détention.
Et il lui a permis de se rendre compte, avec humilité et en vérité, que le pécheur n'est pas d'abord l'autre, le pécheur c'est moi.
Pourquoi devient-il aumônier? Parce que, à cette occasion, il fait la rencontre de l'Amour de Dieu qui le libère en lui montrant son pardon: L'aumônier est pour moi celui qui rend l'aumône qu'il a lui-même reçue.
La priorité? La réconciliation avec notre frère, c'est-à-dire le faire, et non pas le culte, le dire.
La finalité? Prier c'est bien, mais ce n'est pas la finalité. La vraie finalité, c'est de faire le bien, d'aimer les hommes!
Il précise pour que le lecteur ne se méprenne pas: Les prières, les offices, les cérémonies sont un moment de ressourcement, de recueillement, de remerciements utiles, indispensables selon moi, qui ne sont pas une fin mais un moyen.
La pratique de la foi? Être pratiquant, c'est donc faire. Mais, pas tout seul, en collaboration avec Dieu, qui a besoin de nous comme nous avons besoin de Lui.
Il cite François Varillon: Le pardon n'est pas l'indulgence mais une re-création.
Il écrit: L'amour et le pardon sont des actes, plutôt que des croyances.
Le pardon est donc l'un des mots-clés de ce livre: L'absence du pardon que l'on ne veut pas donner ou recevoir est terrible.[...] Il est pourtant la clé de voûte du christianisme...
S'il a foi en Dieu et foi en l'Homme, c'est parce qu'il voit en tout homme une part de divinité: Dieu s'est fait homme, pour que l'homme devienne Dieu, disait Saint Irénée. Il ajoute: Espérons en Dieu car Dieu espère en nous.
Sa foi n'est pas norme, ni légalisme; elle se fonde sur la force et la liberté de l'Esprit. Aussi peut-il distinguer ainsi perfection et sainteté:
- La perfection relève du domaine de l'avoir, de la possession qui amène toujours à l'insatisfaction...
- La sainteté relève du domaine de l'être, devenir meilleur, devenir un homme nouveau, se rapprocher de Dieu et donc des hommes...
Un autre mot-clé du livre, c'est justement rencontre. Il peut dire d'expérience (le chapitre sur ses rencontres en prison en dit long, et est le plus long): Mon frère en prison m'apporte autant que je lui apporte.
Aumônier catholique, il se donne pour mission de:
- passer de la destruction à la construction,
- passer du mal à l'amour.
Mon frère en prison, écrit-il, est tout comme moi, une créature de Dieu; ainsi notre relation dans la cellule cherche à faire émerger notre part la plus humaine qui soit, c'est-à-dire la plus divine.
Il sait que la rédemption existe, il l'a rencontrée.
Mais, dans notre société, on préfère parler du détenu qui replonge ou qui ne rentre pas à l'issue d'une autorisation de sortie exceptionnelle plutôt que de ces personnes transformées, qui apportent l'amour autour d'elles et qui recréent du lien social en remettant l'homme debout...
Francis Richard
Mon frère en prison, Bernard Vincent, 284 pages, Parole et Silence