Pendant des décennies, inlassablement, Pascal Salin a écrit des articles, été interviewé pour dire ce qu'est le Vrai libéralisme et pour montrer que la droite et la gauche françaises sont unies dans l'erreur, comme l'indique le sous-titre.
Dans ce livre, l'auteur publie une somme de ces textes où le lecteur peut se convaincre, références de parution à l'appui, que le mal français n'est pas récent, qu'il perdure et qu'il perdurera tant que le bon diagnostic ne sera pas établi.
Les responsables en alternance de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le pays, de droite comme de gauche - il n'y a entre elles qu'une différence de degré dans la capacité de nuisance - illustrent l'adage romain:
Errarre humanum est, perseverare diabolicum.
Le vrai libéralisme
Pour discréditer le libéralisme et lui attribuer tous les maux dont souffre le pays, il existe un consensus idéologique qui le caricature et en détourne les esprits, alors qu'il est le seul remède à ces maux, jamais appliqué.
Ce consensus est celui de la classe politique, de l'enseignement et des médias, dont l'inculture intellectuelle n'a d'égale que la présomption à détenir la vérité et à donner des leçons à ceux qui ne se soumettent pas à la doxa.
Être libéral, par exemple, ne veut pas dire, comme ils le prétendent, en bons héritiers de Marx qui voient partout des antagonismes, être pour les riches contre les pauvres, pour les entrepreneurs contre les salariés:
Être libéral, ce n'est pas soutenir l'entreprise ou privilégier une catégorie sociale particulière [...] mais défendre la liberté individuelle et le respect des droits.
La société libérale
Si le marché existe toujours, quelque imparfait qu'il soit, ce n'est pas par le recours au marché que se définit la société libérale, contrairement à ce qui se dit communément, mais par la trilogie liberté individuelle, propriété, responsabilité.
C'est pourquoi on peut dire qu'un libéral est fondamentalement individualiste et social. Car l'individualisme libéral consiste à respecter la liberté accordée à chacun de poursuivre ses propres objectifs, mais dans le respect des droits d'autrui:
Une société libérale n'est pas une société sans règles, mais une société dans laquelle on respecte les règles [éternelles] nécessaires à la défense des libertés individuelles.
Le mot respect est bien ce qui caractérise la société libérale: respectueux des êtres humains - de tous les êtres humains, riches ou pauvres, jeunes ou âgés, etc. - [les libéraux] respectent profondément la morale universelle mais aussi toutes les morales personnelles.
La morale universelle est celle qui consiste à respecter les droits légitimes des individus, c'est-à-dire leurs droits sur leur propre personne et les droits de propriété sur les biens qu'ils possèdent légitimement.
La morale personnelle est celle qui consiste par exemple pour chacun à choisir à l'égard de qui il veut être altruiste et comment il souhaite se comporter à l'égard d'autrui.
La société collectiviste
La collectivisation est la source de tous les maux dont souffre la société française. L'État y est de plus en plus le gestionnaire de la vie de tous: le sort des individus, quels qu'ils soient, dépend de moins en moins de leurs propres efforts et de plus en plus de ce que les luttes politiques leur permettent d'obtenir.
Ainsi, via des monopoles, qui sont toujours sources de gaspillages, d'inefficacités et d'injustices, l'État gère-t-il l'enseignement, la santé, les transports; prétend-il réduire les inégalités par l'impôt; décide-t-il de la durée du travail et de l'âge de la retraite et réglemente-t-il à tout va etc.
Plutôt que de comprendre que l'économie est le résultat des processus de décisions librement mis en oeuvre par les êtres humains, les tenants de la collectivisation, qui s'inspirent largement de Keynes, raisonnent en termes de quantités globales et d'individus interchangeables.
L'économie est pour eux une mécanique où il suffirait d'actionner les bons leviers pour qu'elle fonctionne bien. Ils croient diminuer le chômage et produire de la croissance par la relance de la consommation globale, ce qui est une erreur intellectuelle majeure, dont les résultats calamiteux sont là.
Rien n'y fait, et pour cause, puisque l'économie-vaudou est une erreur idéologique et constructiviste fondamentale: ni la politique budgétaire, ni la politique monétaire, ni l'investissement public, ni les subventions, ni la fiscalité, ni la réglementation n'en peuvent mais.
Tout ce à quoi parviennent ces idéologues consensuels, en attentant aux droits légitimes des personnes, c'est à la destruction de la cohésion sociale, à l'émergence d'un individualisme anarchique et à la division en deux France:
Un nombre croissant de Français vivent du travail et des efforts d'un nombre décroissant d'autres personnes.
Défiscaliser, déréglementer, privatiser
Telles sont les trois maximes de l'État libéral.
Défiscaliser :
La seule relance possible de l'économie est de supprimer la progressivité de l'impôt sur les revenus, l'impôt sur la fortune (qu'elle soit immobilière ou plus large), les droits de succession, parce que la croissance résulte des efforts d'épargne et d'investissement privés (qui augmentent la productivité) et des incitations productives:
- il faut inciter à produire plus, à travailler plus, à innover, à épargner
- il ne faut pas confisquer une grande partie du rendement de l'effort [...] par l'impôt et les cotisations sociales
- il ne faut donc pas décourager ceux qui sont les plus productifs, les plus innovateurs, les plus courageux.
Parallèlement, il faut vigoureusement réduire les dépenses publiques.
Déréglementer :
Pour redonner l'initiative aux entreprises et permettre la concurrence, il faut vigoureusement déréglementer, parce qu'il n'y a pas meilleure régulation que celle qui est faite par des marchés libres: c'est un chantier énorme.
Pour revenir au plein-emploi, il faut libérer le marché du travail, ce qui consiste à remettre en cause:
- le salaire minimum, qui constitue une barrière à l'entrée sur le marché de l'emploi, en particulier pour les plus jeunes
- les règles visant les licenciements difficiles et coûteux, qui freinent en fait les embauches.
Et à rétablir la liberté contractuelle dans les relations de travail (comme dans celles du logement), notamment pour ce qui concerne la durée du travail.
En matière de retraites, il faut adopter un système par capitalisation, c'est-à-dire redonner aux Français cette liberté fondamentale qui consiste à faire eux-mêmes leur choix de vie (durée de leur vie active, âge de leur retraite).
Privatiser:
Il faut ouvrir à la concurrence et supprimer les monopoles publics tels que :
- la sécurité sociale : les Français ont le droit de décider du type d'assurance qu'ils préfèrent pour leurs dépenses de santé
- l'université : libérer le marché des idées
Etc.
Conclusion
S'il était appliqué, ce vaste programme, non exhaustif, dont Pascal Salin expose les grandes lignes depuis plus de quarante ans, serait la marque d'un vrai libéralisme.
Il va de soi qu'aucune d'entre ces mesures n'a jamais été adoptée (ou sinon partiellement, ou temporairement) par aucun des gouvernements qui se sont succédé pendant toute cette période. Celles qu'ils ont adoptées finalement ne ressemblent en rien à des mesures que d'aucuns, par ignorance ou par incompétence, qualifient de libérales
Les mesures libérales ci-dessus correspondent à une éthique, à une conception de l'homme et à une méthode d'analyse qui n'est pas de mise dans la France technocratique d'aujourd'hui:
On ne peut comprendre le fonctionnement d'une société qu'en ayant une vision réaliste de ce qu'est un être humain, de sa nature profonde, de son comportement.
Ce sont des mesures urgentes depuis des décennies... Pour qu'elles soient couronnées de succès, il faudrait qu'elles soient prises simultanément et rapidement...
Francis Richard
Le vrai libéralisme, Pascal Salin, 320 pages, Odile Jacob
Livres précédents:
Revenir au capitalisme pour éviter les crises, Odile Jacob (2010)
Libérons-nous, Les Belles Lettres (2014)
La tyrannie fiscale, Odile Jacob (2014)