Dans le XXIe, Régis Debray voit Le siècle vert qui aurait pris la suite du XXe, le siècle rouge, et qui serait celui d'un changement de civilisation.
Pour lui, pas de doute possible, la Terre est au saccage. C'est scientifique. C'est même chiffré par l'OMM, le GIEC et le GCP, c'est donc incontestable.
Régis Debray qualifie de faustienne l'actuelle civilisation finissante. Elle aurait commencé peu avant le Quattrocento avec Pétrarque et se terminerait maintenant.
Selon lui, l'Esprit aurait fait battre la Nature en retraite pendant toute cette période. Et maintenant l'Occident faustien découvrirait les coûts de son hubris.
Il ne veut pas être pris en défaut en sous-estimant l'ingéniosité de l'homo sapiens qui, au cours de millénaires, a survécu à nombre de calamités passées.
Mais la transition à accomplir cette fois se compte en décennies. Les grandes peurs d'aujourd'hui ont un fondement tangible et visible. Il y a urgence:
Des tonnes de déchets plastiques dérivant sur l'Océan, les hormones de croissance, les îles et rivages menacés de submersion et les migrants climatiques ne sont pas des fantasmes.
Cet inventaire montre qu'il mélange le réel et le fantasmé. De plus, accusant l'Occident, il se trompe de cible, puisque celui-ci apporte de lui-même les remèdes au réel...
Son plaidoyer pour la France, pays qui serait encore civilisé, féminisé, présentifié, revitalisé, montre qu'il reste un doux rêveur qui veut dire adieu au tragique...
Le vert lui va maintenant bien au teint: le vert s'oppose au rouge comme le passage au blocage, l'ouvert au fermé, le sourire au rictus, les zones humides aux zones sèches.
Pourtant le tour religieux que prend le vert ne laisse pas d'inquiéter le libre-penseur, qui pourrait y voir des coïncidences troublantes avec l'opium du peuple:
N'avons nous pas nos synodes oecuméniques en duplicata - les COP et One planet summits? Nos Chartes et Déclarations solennelles en guise de professions de foi sans grand effet mais réconfortantes?...
Ce qui le rassure, c'est que le catastrophisme vert n'engendre pas une montée aux extrêmes [...] du moins tant qu'Extinction Rébellion résistera à la pente insurrectionnelle...
Régis Debray ne veut pas la mort du pécheur, qui justement signifie pour d'aucuns son extinction. Il aimerait qu'il emprunte le Grand Chemin entre le khmer vert et la fleur bleue:
On est toujours deux dans l'affaire homme, la Nature et l'Esprit.
L'homme fait partie de la nature et il sait que son intérêt bien compris est de concilier son esprit avec elle. Pour cela il n'est nul besoin de changer de civilisation, mais de le lui rappeler...
Francis Richard
Le siècle vert, Régis Debray, 64 pages, Gallimard
Livres précédents:
Éloge des frontières, Gallimard (2010)
Un été avec Paul Valéry, Équateurs (2019)