La distinction que fait Blaise Pascal entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse est d'une brûlante actualité:
- Les géomètres partent de principes palpables mais éloignés de l'usage commun.
- Les esprits fins partent de principes [qui] sont dans l'usage commun et devant les yeux de tout le monde.
Les géomètres et les esprits fins raisonnent tous deux à partir de principes. Et, en cela, ils ont tous deux l'esprit juste:
Les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres.
L'idéal est d'être à la fois géomètre et fin, mais c'est rare.
Les purs géomètres ne voient pas ce qui est devant eux. Ils raisonnent progressivement à partir de définitions puis de principes qu'ils connaissent et qui sont en petit nombre.
Les purs esprits fins au contraire sont accoutumés à juger d'une seule vue à partir de principes en grand nombre et à ne pas passer par des choses spéculatives et d'imagination.
Les premiers conduisent donc des raisonnements purs avec leur esprit, tandis que les seconds conduisent des raisonnements pratiques avec leur flair.
Aujourd'hui, en matière médicale, il semble que les purs géomètres se trouvent dans le camp de la méthodologie pure et dure et les purs esprits fins dans celui de la pratique pure et dure.
Aujourd'hui, en matière médicale, il semble que les purs géomètres soient dans le camp des abstraits et des précautionneux et les purs esprits fins dans celui des concrets et des entreprenants.
Il semble qu'au-dessus de cette mêlée confuse de blouses blanches se dressent de rares esprits, également en blouses blanches, qui sont à la fois géomètres et fins et qui savent discerner le temps de la réflexion tranquille et pépère de celui de l'urgence impérative et cruciale.
L'histoire des sciences donne toujours raison à ces rares esprits qui, forts de leur savoir acquis par la méthode et l'expérience, sont les meilleurs pour le mettre en pratique le moment venu.
Francis Richard