En 1575, durant le carnaval de Venise, une série de crimes secoua la ville sans qu'on en découvrît jamais ni les auteurs ni les motifs.
Cinq siècles plus tard, à Venise, Genève et Rome, d'autres crimes sont commis, comme en écho aux précédents.
Carnaval noir de Metin Arditi commence par cette Note au lecteur. Qui est donc prévenu du contexte de l'intrigue et n'attend plus qu'une chose, que l'auteur la lui raconte par le menu pour comprendre pourquoi cette note liminaire.
Parallèlement est sans doute l'adverbe qui convient le mieux pour qualifier le déroulement de cette histoire qui se passe dans les six premiers mois de 2016 et qui semble une réplique de ce qui s'est passé fin 1574, début 1575, à Venise.
Parallèlement, au XXIe, il y a d'une part les recherches effectuées par des érudits sur la série de crimes, qui a eu lieu au XVIe siècle à Venise et que l'on a baptisée alors Carnaval noir, d'autre part des comploteurs catholiques excités.
Les seconds veulent empêcher que les premiers ne fassent un rapprochement entre ce qu'ils sont en train de préparer et ce qui s'est produit cinq siècles plus tôt, parce que leurs buts sont les mêmes que leurs mystérieux prédécesseurs.
Les comploteurs du XXIe sont inquiets parce que, à la tête de l'Église, le pape, au lieu de défendre la chrétienté, par ses déclarations en faveur des migrants arabo-musulmans, joue le jeu de ses ennemis, comme un autre pape au XVIe.
Au XVIe, les ennemis de l'Église se trouvaient dans les rangs de la Réforme. A l'époque une rumeur voulait que le Christ revienne et que le signe auquel on le reconnaîtrait serait sa polydactylie: il aurait six doigts à chaque main.
Peintre, Paolo il Nano s'en empare pour défendre l'Église et fait un tableau symbolique où il représente, lors d'une noce, le Christ avec ses douze doigts et, au-dessus, les douze signes du zodiaque, et des convives habillés en rabbins.
Les érudits, ce sont une étudiante vénitienne, Donatella, dont la thèse porte sur la Scuola Grande del San Sepolcro et le lien qu'elle a avec Copernic; Bénédict Hugues, professeur de latin médiéval à la faculté de lettres des Bastions à Genève.
Les comploteurs, ce sont Bartolomeo San Benedetto, qui a six doigts à chaque main..., son patron, Maurizio Zaccaria, un cardinal, Alfonso Fernandez-Diaz. Leur fondation est dans la lignée d'une congrégation du XVIe, avec même devise:
Delendi sint haeritici!
Que les hérétiques soient éliminés!
Dans ce récit passionnant, pour les comploteurs la fin justifie les moyens; pour les érudits in latino veritas... Mais, il faut reconnaître, que, dans la vraie vie, tous les moyens ne sont pas bons; personne n'est innocent; tout le monde a des failles...
Francis Richard
Carnaval noir, Metin Arditi, 400 pages, Grasset
Romans précédents:
Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud (2011)
Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)
La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)
Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)
L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)