Ce qui m'a le plus sidéré, ce n'est pas la pandémie.
Car cette sorte de désastre a toujours existé.
[...]
Non, le plus saisissant c'est la façon très étrange dont on a, cette fois-ci, réagi.
Et c'est l'épidémie, non seulement de Covid, mais de peur qui s'est abattue sur le monde.
Cette épidémie s'est caractérisée par la montée inquiétante du pouvoir médical. Pourquoi inquiétante? Parce que la vérité scientifique n'est jamais qu'une erreur rectifiée, comme le disait Gaston Bachelard, que ceux qui savent ne sont pas d'accord entre eux et que le souci de l'hygiène, quand il devient hygiénisme, ne peut avoir que des effets pervers.
Cette épidémie s'est caractérisée par des considérations morales. Le virus possédait une vertu cachée, il était une punition pour la déraison du monde, il était un avertissement ou un ultimatum de la nature, il s'accompagnait d'une catastrophe sociale, saluée par les jvouslavaisbiendistes de la gauche de la gauche aussi bien que de la droite de la droite.
Cette épidémie s'est caractérisée par le confinement heureux des repentis du divertissement. Pour ces confits en confinement, il était en effet le moment ou jamais de faire le ménage en soi et de retrouver cette relation de soi à soi qui est, sic, la plus riche des relations humaines, tout cela était l'exact contraire de ce que le métier d'homme a d'honorable.
Cette épidémie s'est caractérisée par la réduction de la vie aux seuls corps à laquelle nous avons volontiers consenti, sous l'empire du pouvoir médical, ou du pouvoir tout court s'emparant du pouvoir médical, ou de notre propre assujettissement aux deux. Ce qui explique pourquoi les livres ne furent pas comptés au nombre des produits de première nécessité.
L'épidémie s'est caractérisée par le fait que rien ne se passait plus à part le coronavirus: Alors, évidemment, ce rien était un leurre. La planète avait continué, et continue, de tourner de plus belle. La Chine continue d'avancer ses pions. Le reste du monde, bénéficiaire de la mondialisation, se détourne d'un Occident qui s'est autoverrouillé et s'y résigne.
Car celui qui revient de ces régions du monde, où brillent les moissonneurs de la mort, que trouve-t-il en Occident?
Un monde de maîtres-chiens, c'est-à-dire de maîtres qui sont des chiens et qui dressent comme des chiens une humanité qui n'a le droit que d'aboyer quand on lui rappelle qu'elle est faite d'hommes, de gémir quand elle attrape un virus et de japper quand Monsieur Corona, notre roi, vient lui donner sa leçon comme on donne une pâtée, au double sens de pitance et de raclée.
Francis Richard
Ce virus qui rend fou, Bernard-Henri Lévy, 112 pages, Grasset
Livre précédent:
L'esprit du judaïsme (2016)