Il m'a violée. Et il m'abuse depuis ma petite enfance, toutes les semaines, deux à trois fois par semaine. Chaque fois pire. Jusqu'à ce que...
Jusqu'à ce que Berthe Ruffieux tombe enceinte. À seize ans. Le géniteur sera un secret de famille, bien gardé par elle (on ne dira rien), pour ne pas être frappée d'opprobre, ce qui ne l'empêchera pas de l'être, parce que Berthe a tout fait jusque-là pour être considérée comme une coureuse.
Son violeur est en effet son oncle Ernest Money, époux d'Albertine, la soeur de son père, Samuel Ruffieux. L'enfant, née des suites de ce crime répété impunément, sera Louisette, que Berthe abandonnera à sa famille, parce qu'elle représente une plaie vivante de ce qu'elle a enduré.
Comment se remet-on de telles flétrissures? On ne s'en remet pas. D'autant moins que le criminel, démasqué lors d'une réunion de famille, honteux, se pend, et que, à Hermanens, ce petit village du canton de Fribourg, les langues de vipères se déchaînent alors et en font une victime...
Grâce à sa cousine Marceline, fille d'Ernest, Berthe quitte la ferme familiale, trouve un emploi et un logement en ville de Lausanne. Pour oublier le passé et pour se donner la chance d'une vie nouvelle, elle ment à tout le monde sur sa vie antérieure, comme si cela pouvait suffire à l'effacer.
Philippe Erard raconte sa longue vie solitaire, car il ne sera jamais possible pour Berthe d'avoir une quelconque relation avec un homme. La seule compensation qu'elle ait, peu instruite, mais courageuse, est sa réussite professionnelle, sans que, restée paysanne, elle soit dépensière.
Mais on n'échappe pas à ses blessures. Son passé, douloureux, finit par la rattraper sans qu'elle le fuie vraiment. L'auteur communique au lecteur l'émotion qu'il ressent en racontant la vraie fin de cette histoire inventée... pour combler les lacunes des années d'enfance et de jeunesse.
Francis Richard
Berthe Ruffieux, Philippe Erard, 220 pages, Éditions de l'Aire
Livres précédents: