Le Valais a toujours connu des personnalités qui ont fortement marqué son histoire et il en tire une grande fierté. Ainsi commence la préface que consacre Christophe Darbellay, Conseiller d'État valaisan à ce livre très documenté et illustré de nombreuses photographies de jadis, naguère et aujourd'hui.
À propos des sept personnalités dans les pas desquelles Brigitte Glutz-Ruedin, née à Sierre, a décidé de mettre les siens, il parle d'équipe magique, de bande fameuse formée d'un stratège militaire et d'un saint, d'un peintre et d'un faux-monnayeur, d'une philosophe, d'un homme politique, d'un acteur.
Pourquoi s'est-elle intéressée aux sept? Son grand-père maternel lisait les mémoires de Winston Churchill; Charlie Chaplin était pendant les vacances un voisin du chalet familial; son père lui avait parlé en fin connaisseur du Valais d'Hannibal, de Farinet, de Courbet; le hasard lui avait fait connaître la présence de saint Mayeul et de Simone Weil en Valais.
La méthode de l'auteure en quête de ces sept personnages s'apparente à celle d'un détective. Pour chacun d'entre eux l'appareil de notes et la bibliographie sont impressionnants et ne sont que les signes extérieurs de la richesse des connaissances qu'elle a accumulées minutieusement sur eux.
Le livre comporte sept chapitres, qui sont rangés dans l'ordre alphabétique des patronymes: après avoir offert en première partie leurs biographies complètes et synthétiques, dans une deuxième, elle propose au lecteur des itinéraires de promenades et de randonnées pour lui permettre à sa suite de mettre ses pas dans les leurs.
Charlie Chaplin est donc la première des personnalités qui apparaît dans le livre. Lui et sa famille passèrent de nombreuses vacances à Crans-Montana, qui s'appelait à l'époque Crans-sur-Sierre. André Bonvin se souvient du premier cours de ski qu'il avait donné à cet homme très sérieux dans la vie courante:
En Anglais, il m'a demandé de skier derrière lui dans la descente pour l'aider au cas où il tomberait...
À la fin de son existence, Winston Churchill, grand fumeur de havanes et grand buveur de whisky, lorsqu'un journaliste lui demandait quel était le secret de sa bonne santé, répondait: C'est le sport... je n'en fais jamais. Il omettait de dire que, durant sa jeunesse, il avait été bon nageur, bon joueur de polo et alpiniste endurant:
Churchill avait dix-neuf ans quand il parvint, au prix d'intenses efforts, à atteindre le sommet de la plus haute montagne suisse, le Mont-Rose qui culmine à 4634 m.
Natif de Franche-Comté, à la suite de la Commune, Courbet se réfugie en Suisse, où il peint beaucoup. Après s'être installé à demeure à la Tour-de-Peilz, il fait des incursions en Valais (il joue au casino de Saxon, qui est alors l'unique casino de Suisse...). Que peint-il? Des paysages. Il écrit à son ami Castagnary:
Nous avons fait beaucoup de paysages, on ne peut rien faire autre chose en Suisse.
Né côté italien, Farinet fait de la contrebande en Valais, mais surtout il y fait de la fausse-monnaie. Ce qui lui vaudra d'être plusieurs fois condamné. À chaque fois qu'il est mis en prison, il parvient à s'évader. C'est un éternel fugitif jusqu'au jour où il meurt soit en tombant sur des rochers, soit tué par une balle tirée par les gendarmes:
Voilà un personnage auquel les Valaisans sont très attachés: provocateur, généreux, irrespectueux de l'ordre et de ses gardiens, homme libre... mais qui a son côté sombre, comme le révèle l'auteure...
Hannibal est-il passé par les Alpes? Rien n'est moins sûr, même si quelques éléments troublants pourraient l'accréditer comme ce mur d'Hannibal dont le père de l'auteure lui apprit l'existence en lui racontant ses souvenirs militaires. Toujours est-il que ses recherches l'ont conduite à trouver d'autres traces de passage, plus anciennes puisqu'elles remontent à la préhistoire:
Au XIXe siècle, on pensait que les mégalithes avaient été dressés par les Celtes. Aujourd'hui, on sait avec certitude qu'ils sont plus anciens. Ce sont les hommes du Néolithique [...] qui érigèrent menhirs [...], dolmens [...] et cromlechs.
Au retour de Rome, où il a assisté au mariage de l'empereur Otton II, l'abbé Mayeul, qui dirige l'abbaye de Cluny et qui est considéré comme le deuxième personnage le plus puissant de l'Eglise, se fait attaquer par un groupe d'hommes, des Sarrasins, alors qu'il s'apprête à franchir un pont sur la Dranse. Lui et ses compagnons sont faits prisonniers et une énorme rançon de mille livres d'argent est exigée pour leur libération, qui sera réunie, entre autres, par les seigneurs de Provence:
Cluny mettra cent ans pour se remettre de cette dette.
La philosophe Simone Weil, de santé fragile, avait séjourné avec sa famille à Saas Fee quand elle avait vingt ans. Elle est retournée deux fois en Valais, à Montana, en février 1935 et au printemps 1937, pour être soignée. C'est lors de ce deuxième séjour qu'elle fit la connaissance d'un patient de la clinique de La Moubra, Jean Posternak, étudiant en médecine, qui décide, pendant cet arrêt forcé de ses études, de lire un traité de philosophie en plusieurs volumes:
Les voyant à mon chevet et sur une table de ma chambre, Simone Weil [...] me déclara que ce n'était pas des traités qu'il fallait lire pour se former en philosophie mais les philosophes eux-mêmes et me proposa de venir régulièrement m'initier aux dialogues de Platon.
Il va sans dire que ce magnifique livre est à lire par ceux qui aiment le Valais ou par ceux qui ne le connaissent pas. Il est de toute façon destiné à un large public: habitant ou amoureux du canton, touriste de passage, promeneur ou randonneur, amateur d'histoire locale ou spécialiste de la grande histoire du monde, simple curieux...
Francis Richard
Publication commune avec lesobservateurs.ch
Sept personnalités en Valais, Brigitte Glutz-Ruedin, 352 pages, Slatkine