Douze auteurs helvétiques ont décidé de faire une anthologie du chocolat, ce qui est la moindre des choses quand on vit dans un pays qui s'enorgueillit à juste titre d'en faire d'excellents.
Ces douze appartiennent à un groupe, le GAHELiG (Groupe des Auteurs Helvétiques de Littérature de Genre), où Genre n'est pas employé dans le même sens que les scènes picturales homonymes.
Sur leur site ils expliquent en effet ce qu'il faut entendre par là: fantasy, fantastique, science-fiction, polar, romance, historique, qui étaient jadis considérés comme des mauvais genres littéraires.
Les douze nouvelles appartiennent peu ou prou à l'une ou l'autre, voire à plusieurs, de ces catégories d'oeuvres de fiction. Et le chocolat y tient toujours une place, quoique plus ou moins ténue.
Dans sa postface, Pierre-Yves Lador en fait une analyse, qu'il ne faut bien sûr lire qu'une fois le recueil lu, relu et achevé, parce qu'elle en donne un éclairage exhaustif, subtil et détaillé.
Dans ces conditions, des Éclats de chocolat sont préférables à tout commentaire. Aucun ordre ne semblant s'imposer, pourquoi ne pas les faire briller dans celui où ils apparaissent dans l'ouvrage?
- Je m'imaginais déjà vautrée dans mon canapé, un bon chocolat chaud entre les mains. Enfin"bon" était un bien grand mot. Quand on avait été élevée au chocolat suisse, les ersatz locaux étaient aussi tentants que des croquettes pour chat.
(Le chocolat de Maître Herrlyn, Florence Cochet)
- Ce qu'il faut que vous compreniez, c'est qu'il y a beaucoup de choses que vous ignorez au sujet du cacao. Vous pensez qu'il pousse sous les tropiques? Que c'est le produit d'une fève? Pas étonnant, dans la mesure où nous nous sommes arrangés pour que tout le monde le croie. Mais, en réalité, le cacao est produit ici, en Suisse...
(La Suisse d'en bas, Julien Hirt)
- Outre la douleur et la fièvre, dans son ultime phase, la rugosite atteint le cerveau. La démence devient alors la seule compagne des mourants. Cependant, les scientifiques remarquèrent que les Suisses souffraient moins de cette dernière phase que les peuples voisins. On arriva à la conclusion que leur grande consommation de chocolat en était la cause.
(Nouvel eden, Déborah Perez)
- J'ai trouvé l'amour ainsi qu'une révélation sur ma vie professionnelle grâce à une boîte qui contenait quatre pralinés. Imagine ce que ta dulcinée pourrait faire avec un paquet qui en contient le double.
(Parle-moi d'hier, Tiffany Schneuwly)
- Le Commandant montra sur la table une boîte vide ne contenant plus qu'un seul chocolat.
- Selon vous laquelle de ces trois femmes devrait l'avoir?
- Quoi, ce chocolat?
- Oui, ce chocolat.
Alex crut d'abord qu'il s'agissait d'une plaisanterie, mais l'air agacé des femmes et la lassitude du Commandant Médéon l'en dissuadèrent.
(Le dernier chocolat, Amélie Hanser)
- Ma femme s'est levée en même temps, alors j'ai pu lui raconter le coup du chocolat, qu'on avait retrouvé sur les lieux du crime. Une boule praliné-noisette, dans un papier doré. Déposée dans la bouche du Frouze. T'imagines, que je lui ai dit, un Ferrero tout emballé, c'est peut-être la marque du tueur.
(Grebitche, Lucien Vuille)
- Un sourire m'échappa.
- Vous savez quelle douceur j'aime le plus au monde? C'est mordre dans du chocolat et du nougat en même temps et laisser les saveurs se mêler et fondre sur ma langue...
Monsieur Tobler écarquilla les yeux, semblant soudain frappé d'une illumination céleste.
(Le triangle d'or, Marylin Stellini)
- La géante sourit.
- Bon! On se fait cette dernière barre de chocko? proposa-t-elle en se redressant.
- Va pour la dernière barre! abonda le magicien. C'est fou comme on devient accro, hein?
- Il y a des vertus, là-dedans, c'est certain. Ça améliore l'humeur. Un vrai remède contre la dépression.
(Duo de choc, Fabrice Pittet)
- Il examina sur ses doigts la brisure de chocolat qui commençait à se dissoudre en une petite flaque brunâtre, puis la lapa d'un coup de langue noire, histoire de ne plus reculer le moment fatidique.
[...]
Une douceur avait pris place sur sa langue, coulait le long de sa gorge, gagnait peu à peu tout son être. Son cerveau expérimentait un plaisir ignoré.
(Maraudage émotionnel, K. Sangil)
- Durant la nuit entière, il transporte des seaux jusqu'à la cuve: cacao, graisse, sucre, lait, poudre d'amande. Chaque fois qu'il verse un ingrédient dans le mélange, il songe aux petites capsules blanches qui s'y cachent, comme autant de graines de vengeance en dormance qui n'attendent qu'un environnement propice pour se développer.
(Une vengeance douce-amère, Sara Schneider)
- Pensif, je savoure une cuillerée de chantilly que j'ai préalablement plongée dans le chocolat.
Karine reprend:
- Crème et chocolat, onctuosité et goût, ça forme un couple idéal, vous ne trouvez pas?
- Oui, c'est terrible. C'est addictif même.
- A vous voir, on ne dirait pas...
(Dérive, Gilles de Montmollin)
- Le mélange s'était solidifié en une pâte compacte. Après une dernière hésitation, elle en saisit une part qui lui poissa les doigts. Elle avait oublié de demander s'il fallait l'avaler tel quel, ou avec de l'eau. Vu la taille de la pièce, elle fut contrainte de mastiquer. Un goût inconnu lui sauta aux papilles, âpre et sucré à la fois. Elle refoula une vague angoisse. Il était de toute manière trop tard pour reculer.
(Effets secondaires, Marlène Charine)
Avec cette anthologie, le lecteur n'est pas chocolat. L'eau ne peut que lui monter à la bouche pour peu, évidemment, qu'il aime cette friandise, car les mots pour la dire sont bien évocateurs...
Francis Richard
Éclats de chocolat, Collectif, 288 pages, Hélice Hélas