Qu'il existe, au sein de la mouvance écologiste, des nuances, je ne le conteste pas, mais ce sont des nuances précisément, et celles-ci ne modifient rien sur le fond , écrit Bérénice Levet dans le prologue de L'écologie ou l'ivresse de la table rase, dont le titre indique bien le propos.
Quel est le fond de cette idéologie, qui, sans conteste, a gagné la bataille des idées et des esprits, au nom de laquelle la révolution verte s'accomplit ou entend s'accomplir et dont des tenants, grâce à une forte abstention, ont pu conquérir huit grandes villes françaises en juin 2020?
Les écologistes, qui ont programmé l'obsolescence du modèle français, se présentent comme ceux qui savent et, en conséquence, cherchent à imposer, par exemple, un mode de vie ascétique et frugal, la disparition de la voiture, emblème du machisme, ou la trottinette pour tous.
Leur esprit de géométrie s'oppose à l'esprit de finesse des Français qui ont la faiblesse d'être attachés à leur paysage, à leur gastronomie, à une certaine idée pas seulement de la France, mais d'une vie digne d'être vécue, ce qui ne signifie pas qu'ils soient indifférents à leurs causes.
Sur le terrain, les écologistes se heurtent à des résistances, notamment quand, avec l'implantation obstinée d'éoliennes, ils se livrent sans vergogne à un dérèglement esthétique ou quand ils s'adonnent à une sacralisation de la nature où l'homme n'est plus qu'un vivant parmi les vivants.
Pour eux, aucun doute, les responsables de tous les maux écologiques sont l'homme blanc occidental hétérosexuel, chrétien et juif, son capitalisme, son libéralisme. Pour en finir avec lui, ils font cause commune avec ses soi-disant victimes, telles que les femmes, les diverses minorités.
Pour en finir avec son monde, ils s'en prennent à sa langue, son vocabulaire, sa syntaxe - en français, ils favorisent la langue inclusive; à son universalisme et à son âme - à chacun son identité; à sa discrétion - à chacun sa visibilité; et promeuvent les droits culturels - à chacun sa culture.
Pour le remplacer, ils se [tiennent instruits] du Bien, du Juste, et [s'autorisent] de cette instruction pour régler la vie des hommes, ce qui est potentiellement totalitaire: ils veulent régénérer l'humaine nature au lieu de la prendre telle qu'elle est, aux prises avec les vicissitudes de l'existence.
Comme dit plus haut, l'homme n'est plus qu'un vivant parmi les vivants, qui plus est, s'il est occidental, il est haïssable. Or l'objet de l'écologie est l'habitat, l'oikos, non le vivant, non l'animal: Le coeur de l'écologie doit bien demeurer l'homme et la nature et non l'homme dans la nature.
À l'évidence l'homme est une exception; il a une spécificité; et la civilisation occidentale est une grande et noble chose, les facultés que nous avons postulées, formées, cultivées, la passion d'interroger, l'étonnement, le questionnement, l'attention doivent être plus que jamais aiguillonnées.
Aussi l'auteure souhaite-t-elle que l'homme, renonçant à l'utilitarisme qui lui fait perdre ses facultés les plus élevées, se fixe lui-même ses propres limites et redevienne responsable face à l'inquiétude écologique: ce serait possible notamment si la qualité reprenait le dessus sur la quantité...
Francis Richard
L'écologie ou l'ivresse de la table rase, Bérénice Levet, 224 pages, Éditions de l'Observatoire
Publication commune avec lesobservateurs.ch