S'il est un thème éternel, c'est bien celui du temps. Ce n'est pas seulement le fait des poètes, mais aussi celui de chacun et... des astronomes.
Depuis toujours l'homme - dans le sens de l'humanité (de nos jours, il vaut mieux préciser) - essaie du moins de le mesurer et de le maîtriser.
S'il en croit le titre de ce recueil de poèmes, Chronomètres, ce serait dans le sens de la mesure que le lecteur serait invité par Vincent Gilloz.
Eh bien, le titre est trompeur, comme le temps d'ailleurs, qui ne se laisse pas saisir par une acception ou par une autre, imprévisible qu'il est.
De fait le poète ne trompe pas le lecteur. Le sous-titre qui ne figure pas sur la couverture mais sur la page de garde, est on ne peut plus honnête:
Poèmes pour mesurer sans règle le temps qui passe.
Si le lecteur averti n'est pas trompé, ce sous-titre l'intrigue. Comment peut-on donc mesurer le temps sans norme ou sans instrument?
Le recueil est divisé en trois parties, qui ne sont pas tout-à-fait conformes au développement qu'aurait un exposé classique sur le temps:
- Tenter
- Bégayer
- Embrasser
La poésie française se prête à cette partition, à laquelle se livre l'auteur, qui avait déjà montré des dispositions, quand il commit un roman.
Pour éclairer notre lanterne sur ce sujet traité par son recueil, le mieux est encore d'en donner un aperçu en en extrayant quelques passages:
Tenter
Inutile d'attendre demain
Le jour est toujours là même en pleine nuit
[...]
Le temps libre
ça n'existe pas véritablement
c'est juste du temps
pris autrement
[...]
Le temps n'est jamais perdu en vérité
il est toujours là
indifféremment
ce n'est pas une chose qu'on gagne
ni qu'on dépense
Bégayer
Le temps le temps le temps
depuis le temps que je tente
cela tend à me rendre
fou
d'attendre tant
[...]
Encore encore
non pas maintenant
oui maintenant
attends attends
il faut saisir
l'instant
Embrasser
J'aime quand tout s'arrête
et que la lecture
fixe son rythme
son air
sans fêlure
on croirait même
que quelque chose
perdure.
[...]
J'aimerais être lent
vraiment
en avoir rien à faire
[...]
le temps est le diapason
des relations humaines
qui s'affirment ou se délitent
selon le moment
être amis c'est vouloir
la même chose en même temps
un peu comme être amants
mais le couple c'est aussi
ne pas parvenir à vouloir la même chose
en même temps
tout en le voulant.
[...]
Et je crois qu'il faudrait
faire du temps un allié
lui donner rien qu'un
léger infléchissement
du bout de l'index
une petite inclinaison
pour lui indiquer discrètement
le chemin à suivre
le laisser faire
lui faire confiance
pour que ça passe
rien ne sert de courir
Francis Richard
Chronomètres, Vincent Gilloz, 80 pages, Éditions des Sables
Livre précédent:
L'écorce du réverbère (2022)