Les lois de la physique nous le disent chaque jour à travers la feuille qui tombe et se décompose: nous sommes des êtres biodégradables, de sublimes fictions compostables.
Et c'est magnifique.
Telle est l'épigraphe aux trois parties poétiques de ce recueil. C'est une autre façon de dire que nous sommes poussière et que nous retournerons à la poussière.
Ce ne sont donc pas seulement les lois physiques qui le disent, comme elle le proclame, mais la loi divine, qui se situe au-delà de celles-là et qui introduit à la métaphysique.
La première partie s'intitule Scarabée bousier (qui est un insecte coprophage...).
La poétesse ne cache pas d'emblée que les lois physiques suppriment la loi divine, qu'elle s'en tient, au fond, au visible et rejette l'invisible:
Et le gosse, lui, voit le ciel. Et l'oiseau.
Alors il cherche, il cherche ce dieu
le père dans le ciel et dans l'oiseau, mais
il ne voit rien. Si, il voit le ciel, et l'oiseau.
Et c'est déjà beau.
Car c'est là que meurt le psaume,
et que naît le poème.
Pour elle la nature est parfaite et l'homme, imparfait (c'est un hommage involontaire au Créateur et une allusion à la chute...). Et son scarabée de dire:
J'ai jamais capté l'interrupteur
de la langue de bois
du networking en smoking
du sauvetage de l'espèce
à but non lucratif
du mot châtié/biaisé/couché sur pâture lexicale
L'imperfection est conforme au prisme noir avec lequel, elle voit les choses:
Plus qu'imparfaits
Ex.: "Pour l'instant, nous aurions dû vivre"
Ce qui rappelle le carpe diem d'Horace...
À l'instar d'un Alan Jackson, assise comme lui sur un rocher, elle confirme qu'il faut vivre:
Ma peau burinée dilatera ses pores
pour laisser entrer le requiem des vivants
et la symphonie des morts.
Qu'à la suite du Magnifique, elle doit se dire:
Je décide de devenir mien
Ou qu'à celle de la jeune pousse paysanne, elle doit s'entendre dire:
"Toi, grandis et pars, grandis et pars.
Va étudier, va voir le monde, voyage.
Toi, ma fille aux yeux rosses, va et pars
Et ne te marie jamais, à un paysan."
La deuxième partie s'intitule Kosmos & Coquelicot, certifiée bio.
Le lecteur retrouve l'incroyance de l'auteure:
Il n'y a rien au-delà de ce qui nous échappe.
ou:
Il est ILLUSOIRE de croire
quand observer
suffit à concevoir
Et son impérieux appétit de vie:
J'entends le clac du sécateur
Mon Tendre étête les roses fanées
Dans l'avion j'ai eu peur
Mordu son épaule gauche
Anodin si, vivre n'était pas urgent.
La troisième partie s'intitule Psoèmes , une contraction sans doute de psaume et de poème.
Cette fois l'auteure fait allusion à François Villon:
Poésie & Science
"qui après nous vivez"
Guidez profane trinité
Bonté
Beauté
Pensée
Il s'agit bien d'un hymne humain, trop humain, qui refuse définitivement le sacré, avec pour antienne: décréons, et ce dernier mot, définitif:
Et l'oiseau, lui, voit le gosse. Et la mer.
Francis Richard
Bio dégradable, Sonia Menoud, 96 pages, Éditions de l'Aire