Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 septembre 2024 3 25 /09 /septembre /2024 20:30
Ozanges, de Richard Millet

Pourquoi avoir accepté ce qui était moins une invitation qu'une suggestion? La beauté de la jeune femme? Curiosité? Ennui? Remords de négliger ma terre natale? Ou bien pour le seul nom du château, Ozanges [...]?

 

Pascal Bugeaud est écrivain. Il n'a pas d'autre corde à son arc. S'il retourne dans le haut Limousin, c'est moins pour lire des extraits de son dernier livre, La Place forte, devant des lecteurs à présent peu nombreux que pour donner suite à la suggestion de la belle jeune femme.

 

Cette dernière, tchèque, se prénomme Milanka. Elle est venue, avec un enfant, le chercher en voiture à la gare d'Ussel où il est arrivé par l'autorail. Ozanges est le château où elle a vécu avec son mari et où leur enfant a grandi. Elle s'y rend de temps à autre par piété envers lui.

 

Après avoir franchi la grille, le château fut soudain là - le passé simple répondant à la solennité du moment à quoi les éléments participaient, puisqu'il avait cessé de neiger et que la lune entrouvrait les nuages: l'ancienne langue a encore son mot à dire, aurait-il pu susurrer ... 

 

Ozanges est le récit de la nuit que le narrateur passe seul dans ce château, afin d'être à pied d'oeuvre pour la séance de lecture prévue le lendemain à la librairie Tintignac à Uxeilles, non sans avoir pris préalablement un repas avec l'enfant et Milanka, fidèle lectrice de ses livres.

 

En fait il n'a pas osé dire à Milanka qu'il aurait préféré dormir ailleurs et qu'il appréhendait d'y être seul. Aussi l'a-t-il rassurée quand elle lui a demandé en partant si ça irait. Il lui aurait bien répondu qu'il était venu pour ça, sans préciser quoi, ne le sachant pas bien, ni Milanka:

 

Elle devait être tout simplement heureuse de [lui] offrir l'hospitalité dans un cadre hors du commun et aussi révolu que les mondes d'où [ils venaient], les derniers paysans, pour [lui], tout comme, pour elle, le communisme soviétique.

 

Il retrouve une solitude dont [il a] cessé de croire qu'elle est essentielle à l'écrivain. Il passe une mauvaise nuit, entendant des bruits, auxquels succède un silence qu'il n'ose pas troubler, épuisé, sans défense devant le sommeil comme dans la veille, murmurant des prières.

 

Puis il visite le château, pièce par pièce: [il partait] du principe [qu'il aurait] moins peur en questionnant respectueusement le château qu'en demeurant dans [sa] chambre. Peut-être aurait-il mieux fait de rester sur son lit... mais ne doit-il pas achever ce qu'il a entrepris?

 

Hanté cette nuit-là par des musiques et des livres, il va jusqu'au bout de sa visite et tâche d'écrire correctement, comme le lui recommandait sa mère, qui s'affligeait que, dans un monde presque déchristianisé, la langue était abandonnée à l'impiété et aux hérésies syntaxiques...

 

Francis Richard

 

Ozanges, Richard Millet, 128 pages, Samuel Tastet Éditeur

 

Précédents billets sur des livres de Richard Millet:

 

Fatigue du sens (17 décembre 2011)

La souffrance littéraire de Richard Millet (21 septembre 2012) :

- Langue fantôme, suivi de, Éloge littéraire d'Anders Breivik

- Intérieur avec deux femmes

- De l'antiracisme comme terreur littéraire

Trois légendes (21 novembre 2013)

L'Être-Boeuf (3 décembre 2013)

Une artiste du sexe (30 décembre 2013)

Le corps politique de Gérard Depardieu (25 novembre 2014)

Solitude du témoin (3 mai 2015)

Province (28 juin 2017)

Étude pour un homme seul (17 mai 2019)

Français langue morte suivie de l'Anti-Millet (30 juillet 2020)

Paris bas-ventre, suivi de, Éloge du coronavirus (22 juillet 2021)

Nouveaux lieux communs (8 juin 2024)

Partager cet article
Repost0

commentaires

R
Merci d'avoir parlé de ce livre de Richard Millet, un écrivain ignominieusement mis à l'écart par la clique littéraire gauchiste avec à sa tête l'ignoble Annie Ernaux. Richard Millet est un écrivain merveilleux, l'un des rares maîtres de notre langue aujourd'hui si souvent réduite à rien par nos petits romanciers progressistes. Bravo pour votre chronique !
Répondre

Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
  • Contact

Profil

  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

Références

Recherche

Pages

Liens