Ce recueil de poèmes comporte trois parties.
Dans la première, le poète s'adresse Au rétroviseur de son Vieux billou - son vélo brinquebalant - comme la reine de Blanche Neige à son miroir.
Il lui demande, après avoir percuté un pare-choc, s'il y a un frein sur cet archaïque engin?
Si fait, mon maître.
Hélas debout sur la pédale du torpédo
ta nomenclature de gamin n'en tire guère
qu'un grincement plus éraillé qu'âne qui brait.
Que fait-il sur cette bécane? Il livre les pâtisseries-confiseries de son père. Et il ne sait trop s'il est rouge de honte de n'avoir pas anticipé le choc ou de colère contre son père de l'avoir gratifié d'une bécane si rustique.
Mais son bon fond lui fait préférer se souvenir des notes heureuses plutôt que des orages, de sa grand-mère qui s'inquiétait du sort de son petit-fils et ne baissait pas pavillon:
Je me souviens des promenades autour d'Aubonne, des casse-lunettes le long du ruisseau, des chiens de garde qui nous assaillent
toutes canines dehors. Armée d'un bâton tu aurais fracassé le museau du premier qui aurait osé. Qu'as-tu vu dans tes rêves, Mémé, pour avoir ce courage?
Il se souvient de la camarde, à laquelle il échappe et qui l'a mauvaise. Il ne se réjouit pas trop parce qu'il sait qu'elle aura le dernier mot.
Son miroir se moque de lui, parce qu'il culpabilise pour des fredaines, alors que ses aïeux ne s'embarrassaient guère de cérémonies:
Tu voudrais avoir été un enfant de choeur?
Raté. Mais n'as-tu pas absous tes aïeux? Pourquoi ne pas invoquer le retour d'une atavique âpreté? Prends garde seulement que ta plume ne s'émousse
à force de triturer la métrique.
Dans la deuxième partie, il rend hommage à ses morts.
À son père:
À mon arrivée, il ne respirait plus. Les mâchoires écartelées
creusaient un indécent trou de colère, coup de gueule mutique
à l'image de sa vie. J'ai longtemps scruté le masque mortuaire.
Quand j'ai cru entrevoir mon visage, j'ai allumé des bougies mexicaines.
À sa mère, qui a fini ses jours en EMS:
À chaque fois mes départs se font plus pressés,
plus effarés, plus coupables quand
je te vois attendre un signe
à la fenêtre. Est-ce qu'il reviendra le fils
qui habille de mots les nuages?
Dans la troisième partie, il rassemble trois poèmes de circonstances atténuantes. Le troisième commence ainsi:
Pourquoi j'aime la poésie?
Parce que dans ce monde où tout se disperse,
elle cherche à rassembler les êtres et les choses.
Parce que dans le brouhaha des siècles,
elle avance à pas feutrés.
Parce qu'elle est le grain de sable
qui grippe toute dictature.
Son miroir avait tort de s'inquiéter. Sa plume ne s'est pas émoussée.
Francis Richard
Au rétroviseur, Olivier Beetschen, 56 pages, Editions Empreintes
Livres précédents à L'Âge d'Homme:
La Dame Rousse (2016)
L'oracle des loups (2019)
Livre précédent chez Bernard Campiche Editeur:
La nuit montre le chemin (2024)