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5 octobre 2024 6 05 /10 /octobre /2024 22:25
Le Lotus jaune, d'Hélène Jacobé

On m'appelait la sainte mère du Lotus jaune. J'ai eu un autre nom aussi, Lotus d'or, lorsque j'étais prostituée, mais ces années de boue ne sont pas celles que je préfère. Longtemps, j'ai été Lin Hei'er.

 

L'histoire se passe en Chine à la fin du XIXe siècle. La narratrice d'Hélène Jacobé est née en 1870. Elle est la fille du batelier Lin li. Sa mère est morte quand elle était si jeune qu'elle ne se souvient pas d'en avoir souffert.

 

À la suite d'une famine, son père s'adressa à une société d'entraide. Ayant été surpris à piocher dans les marchandises qui lui étaient confiées pour vivre lui et sa fille, il dut choisir entre la prison et un commerce illicite.

 

Ayant été remarqués au festival des chrysanthèmes, où, habitués à grimper aux mâts, ils participèrent au concours d'agilité, Li et Hei'er se firent embaucher l'hiver par un maître qui dirigeait une troupe de cirque ambulant:

 

Mon père resterait batelier pendant la belle saison.

 

Son père meurt lors d'une représentation, après avoir fait une chute de quatre mètres. Hei'er a quatorze ans et, pour lui donner une sépulture honorable, accepte d'emprunter une fortune à ce maître, de loin pas philanthrope:

 

Combien de temps mettrai-je à le rembourser? Probablement toute ma vie.

 

Un soir, la troupe donne une représentation privée chez un riche marchand de Tianjin. Seulement son public se réduit à ce concupiscent, à son maître et à un domestique. Elle n'est pas naïve et sait le sort qui l'attend:

 

J'étais en danger, pas seulement parce que j'allais de toute évidence être violée, mais parce que dans ce monde où les jeunes ont besoin de la protection des adultes, on trichait.

 

Submergée par l'émotion, prise de colère, elle envoie la lampe au visage de l'esclave et l'instrument de musique à celui du maître, et, parce que le gros monsieur rit, elle lui plante une épingle de son chignon dans la gorge.

 

Devenue criminelle, elle s'enfuit, trouve refuge dans un bordel, dont la maîtresse, qu'elle avait un jour éconduite, lui offre protection et ne la retient pas si elle veut s'en aller. C'est ainsi qu'elle prend le nom de Lotus d'or.

 

Cette maîtresse fait venir, à chaque nouvelle lune, une guérisseuse. Bien que, s'attendant à quelque chose de spectaculaire quand elle la rencontre, elle ne tarde pas à avoir une relation privilégiée avec Shi, qui lui révèle:

 

- Tu es médium.

- Médium?

- Tu peux parler aux esprits.

 

Dès lors, elles se voient tous les mois. Hei'er lui apporte à chaque fois une somme importante, cinq taëls, qui sont dans ses moyens. À partir de ce moment l'argent pleut sur Lotus d'or, ses prix ne décourageant pas ses clients:

 

Cinq taëls, c'est beaucoup, c'est ce que tu vaux et c'est le prix à payer pour racheter le contrat que tu as passé avec le destin.

 

Quand elle aura racheté ce contrat, elle quittera le bordel à vingt ans, sera guérisseuse à son tour et soignera les affligés de son temps, riches et pauvres, créera un refuge pour femmes, pour celles dont personne ne s'occupait.

 

Ce lieu, recevant des aumônes et de la nourriture de ses consultants, sera Le Lotus jaune, une école où ces femmes jardinent, préparent des nouilles, lavent le linge, font le ménage, cousent des vêtements, apprennent à boxer.

 

Pendant les années 1890, la Chine est en proie à de terribles convulsions entre rebelles, étrangers des huit nations, convertis au christianisme, armée chinoise, triades. Ce ne sont que trahisons, défenses de ses seuls intérêts.

 

Pour vaincre, ceux qui l'appellent désormais sainte mère, aimeraient qu'elle les fasse profiter de sa voyance, de ses facultés, de ses pouvoirs. Mais elle ne possède aucun de ces dons, pas davantage que celui de l'invincibilité:

 

La seule faculté utile à faire la guerre est le courage.

 

Car le surnaturel n'a pas sa place dans le monde. Hei'er aura délivré un enseignement millénaire, apporté un soutien, offert une protection, développé l'ouverture et les aptitudes. Aussi ce qu'elle a accompli ne disparaîtra pas:

 

Mon existence n'est qu'un souffle dans l'univers, mais ce souffle a fait de la place. À Tianjin, des filles ont appris la boxe et bien d'autres choses. Elles s'en souviendront. Elles seront habitées d'or et de souffle.

 

Francis Richard

 

Le Lotus jaune, Hélène Jacobé, 368 pages, Éditions Héloïse d'Ormesson & Favre

 

N.B.

Ce roman a été sélectionné pour Le prix du livre de la ville de Lausanne. Une rencontre avec son auteure aura lieu le 9 novembre 2024 à l'Auditorium MCBA (Musée cantonal des beaux-arts), Plateforme 10, à 11h. Entrée libre sur inscription.

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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