C'est cela, la malédiction du vainqueur: endosser le rôle de porteur d'espoir. Rappeler par sa seule présence qu'il existe un endroit - qui ne demande qu'à s'étendre - où l'homme est son seul maître et la quête du bonheur son unique salut.
Le sous-titre souligne le propos du livre de Pierre Bentata:
Pourquoi croyons-nous que l'Occident est décadent?
LE TRIOMPHE DE L'OCCIDENT
L'auteur commence par définir ce qu'est l'Occident: c'est une société dont la liberté individuelle est la clé de voûte.
La liberté individuelle? La liberté d'entreprendre, de croire, de s'exprimer, de découvrir pour soi la voie d'un salut, hic et nunc, et tout cela, au sein d'hommes et de femmes bénéficiant des mêmes privilèges.
Comment peut-elle s'exercer? Par des institutions bien spécifiques, c'est-à-dire par un gouvernement des hommes et un droit qui s'applique à tous, universel et libéré de l'arbitraire.
L'Occident serait-il en déclin? Le revenu moyen d'un Européen, en parité de pouvoir d'achat, est trois fois plus élevé que la moyenne mondiale.
Le secret, qui n'en est pas un, est que liberté et prospérité vont de pair. Comment? Grâce à la promotion de la liberté individuelle à tous les niveaux de décision.
Ainsi, pour distinguer les bonnes créations des mauvaises, rien de tel que le recours au marché: chacun votant avec ce qui lui est le plus cher, son porte-monnaie, la sanction est aussi immédiate que radicale.
LES RÉSULTATS
L'auteur argumente:
- Au cours des cinq dernières générations les revenus n'ont cessé d'augmenter.
- Certes la démographie recule, mais cela n'impactera pas la croissance (la numérisation permet déjà, et permettra, d'immenses gains de productivité) ni les retraites si le système est réformé (par la capitalisation).
- Sans le recul du temps, il est difficile de savoir si des chefs-d'oeuvre sont produits compte tenu de la véritable explosion de créations artistiques, sur tous supports.
Il concède toutefois que la démocratie s'enlise: certes elle n'avance plus, mais il ajoute: sans pour autant sombrer.
POURQUOI TOUT IRAIT MAL ?
Réponses:
- Parce que l'être humain, ayant lutté pour sa survie est sensible à la moindre menace: c'est le biais de négativité.
- Parce que l'être humain a tendance à penser que c'était mieux avant: c'est le biais de positivité mnésique.
- Parce que l'être humain, parvenu au bien-être, a une sensibilité accrue au moindre déplaisir.
De plus, il est plus louable d'être victime que bourreau.
La conséquence? La passion pour l'égalité, avec pour corollaire que tout ce qui est hérité ou déterminé doit disparaître.
Alors que, selon l'auteur, la démocratie libérale permet de concilier le fait que l'homme a un monde en lui mais ne peut vivre sans les autres, l'Occidental ne peut se résoudre à la subsistance du moindre défaut:
La perfection est pour maintenant, pense-t-il. Aussi, dès que son idéal se heurte à la réalité, s'accroche-t-il à la première et renie-t-il la seconde.
Pourtant, précise l'auteur, frustration et impatience sont les carburants du progrès occidental.
LA SUPÉRIORITÉ DE L'OCCIDENT
Ce qui fait, paradoxalement, la supériorité des démocraties libérales sur les nations autoritaires, c'est l'existence de multiples organes de décision, leur recherche par petites touches d'un consensus entre une myriade d'intérêts contradictoires, lequel est finalement obtenu grâce à quelques principes:
- état de droit,
- équilibre des pouvoirs,
- autonomie,
- liberté.
En réalité, par rapport aux états autoritaires, les démocraties libérales ne sont pas moins réactives, elles sont plus soucieuses de liberté. Elles ne sont pas moins agiles, elles sont plus stables. Les dirigeants n'y ont pas moins de poigne, ils sont tenus. Etc.
C'est pourquoi l'auteur demande qu'elles assument:
[La] valeur cardinale [de l'Occident] n'est ni la tolérance, ni l'hospitalité, mais la dignité humaine.
CONCLUSION
Pour jouir du progrès, de la prospérité et de la santé, il faut prendre tout le paquet: liberté, égalité, fraternité, soit une démocratie et un marché.
Francis Richard
PS
Ce qui nuit quelque peu à la démonstration de l'auteur, c'est quand il dit du président Macron, incidemment (à propos de la punition qui lui a été infligée par le résultat des élections législatives de 2024), contre les faits (la démocratie française est de moins en moins libérale depuis qu'il la préside...), qu'en matière de pouvoir d'achat et d'économie aucun président n'a eu un bilan aussi bon que lui...
La malédiction du vainqueur, Pierre Bentata, 240 pages, Éditions de l'Observatoire