Tu portes le prénom de ton père. Comme une peau. Il t'a reconnu. Avant ta naissance. On ne peut déconnaître ce que l'on a connu. On peut le nier, le renier. Ce n'est pas le cas. Il t'a reconnu officiellement.
L'auteure s'adresse à Abel Tiborvartok, le personnage d'Accordez-moi, à la deuxième personne. Celui-ci est l'homonyme de son père, comme le fut le grand musicien Béla Bartók.
Tous deux sont hongrois et tous deux sont musiciens, justement. Tous deux ont pris un jour le chemin de l'exil. Béla, celui des États-Unis, Abel, celui de la Suisse, puis de la France.
Car, si le père de Béla meurt quand il a sept ans, celui d'Abel quitte le foyer familial pour en fonder un autre. Aussi lui et sa mère Märta partent-ils un jour, par le train, pour Genève.
À ce moment-là, Abel père écrit un opéra, Le voyage d'Agar, musique dans l'air du temps, concordant avec l'histoire d'Abel fils: est-elle le fait du hasard ou de l'absolution du père?
Huit ans après, Abel fils, orphelin de mère, s'en ira de Genève, ville trop exigeante et trop calfeutrée. Il quittera leur appartement pour la maison que sa tante Elza possède à Chaley.
Petit, Abel fils avait noté en marge de son cahier de musique: La forme viendra quand il y aura de la matière! Mais, déconcerté, il s'interroge encore sur le bien-fondé de la sienne:
Les Suisses mangent la musique avec leurs neurones. Les slaves se laissent manger par elle.
Ce n'est, hélas, pas son père, quand, enfin, il le joindra au téléphone, selon une des volontés de sa mère, qui lui permettra de le conforter dans la voie qu'il avait en tête finalement.
Francis Richard
Accordez-moi, Leyla Tatzber, 216 pages, Bernard Campiche Editeur