L’ensemble des commentateurs se sont réjouis de la « défaite » électorale subie par l’UDC le 1er juin. Enfin l’UDC en prenait plein la figure et c’était le mot de gifle qui revenait à la une de la plupart des journaux de Suisse romande et qui s’échappait de toutes les lèvres. Un seul journaliste à ma connaissance faisait exception et c’était Pascal Décaillet qui, sur Lausanne FM, relativisait ce qui n’était après tout qu’un revers comme les autres partis en connaissent et donnait rendez-vous en 2011.
Pour cet ensemble de commentateurs, décidément l’opposition ne réussissait pas à l’UDC. Oubliés les derniers succès électoraux dans les cantons, obtenus au détriment des radicaux et des PDC.
Oubliés les 36% des suffrages tout de même recueillis par l’initiative « pour des naturalisations démocratiques ». L’UDC enfin amorçait son déclin. Alain Rebetez sur la TSR1 n’avait pas
de mots assez cruels à l’égard de Christoph Blocher qui s’était éclipsé et avait refusé de se livrer à la meute de journalistes qui l’attendaient au tournant de l’hôtel Mariott.
Le même Alain Rebetez se réjouissait des scissions annoncées au sein de l’UDC bernoise après l’exclusion de l’UDC grisonne. Il tirait des plans sur la comète. Un nouveau parti allait naître,
soi-disant bourgeois et libéral. Il allait être rejoint par tous ceux qui, au sein de l’actuelle UDC, ne se reconnaissent pas dans la ligne blochérienne du parti. Il allait représenter un pôle
d’attraction terrible et mettre un frein à l’irrésistible ascension de l’UDC depuis quinze ans.
D’ailleurs Samuel Schmid lui-même sortait du bois. Avec son courage légendaire il quittait le navire au moment où celui-ci allait sombrer. C’était le signe imparable que l’on vivait le
commencement de la fin d’une UDC arrogante et triomphante, qui allait maintenant amorcer son reflux dans les urnes. Bref l’ensemble des commentateurs prenaient ses désirs pour des réalités.
Pascal Décaillet lui-même hier matin se prenait à rêver à la reconstruction d’une droite qu’il appelle depuis longtemps de ses vœux et qui serait idéalement composée des radicaux, des libéraux,
du PDC et du nouveau parti en gestation.
Je ne suis pas sûr que l’exclusion de l’UDC grisonne par l’UDC suisse réponde à une stratégie délibérée. Mais, au contraire de l’ensemble des commentateurs, j’y vois une chance fantastique pour
l’UDC. L’ensemble des commentateurs oublient un peu vite que l’exclusion de l’UDC grisonne par le Comité directeur de l’UDC Suisse s’est faite par 84 voix contre 5. Ce qui signifie que la très
grande majorité du parti approuve cette décision douloureuse. L’UDC va y gagner en cohérence et pouvoir parler d’une seule voix, ce qui est nécessaire quand on se veut un grand parti
d’opposition.
Les apprentis-sorciers du 12 décembre 2007 nous avaient répété que la concordance était respectée puisque l’UDC était représentée par deux membres au Conseil fédéral. Certes ce n’était pas des
membres que l’UDC avait choisis, mais ils étaient membres de l’UDC. Tout le monde savait bien pourtant que la concordance obtenue n’était qu’une concordance de façade.
Ladite façade a volé en éclats. Avec l’exclusion d’Eveline Widmer-Schlumpf pour faits de trahison et la désertion de Samuel Schmid, il n’y a plus de
représentant de l’UDC au Conseil fédéral. C’est un véritable cadeau fait à l’UDC qui peut légitimement proclamer que la concordance n’existe plus au Conseil fédéral et que le plus grand parti du
pays en a été exclu, contrairement à une tradition non écrite et néanmoins démocratique. En 2011 l’UDC, parée des vertus d’une opposition cohérente, pourra revendiquer deux membres pur jus au
Conseil fédéral, alors que deux sièges auront été occupés par deux membres d’un petit parti surreprésenté.
Francis Richard