Le 12 décembre 2007 Christoph Blocher n’était pas réélu conseiller fédéral. C’était hier. Depuis il semble que, dans le camp bourgeois, les gagnants d’hier soient devenus les perdants d’aujourd’hui. Car quels ont été, en apparence du moins, les grands gagnants, dans le camp bourgeois, de cette journée fatidique du 12 décembre ?
Le terne Samuel Schmid, réélu brillamment conseiller fédéral, avec les voix de l’UDC et des autres partis, a eu la chance ce fameux 12 décembre que son élection ait lieu fort opportunément avant celle de Christoph Blocher.
L’ambitieuse Eveline Widmer-Schlumpf, a été élue à la place de Christoph Blocher, le même 12 décembre, sans les voix de l’UDC, mais avec les voix du PDC et de la gauche. Son ego était comblé. Une telle place valait bien une trahison.
Le sémillant Christophe Darbellay (voir photo ci-dessus), président du PDC suisse, sans le ralliement duquel le succès du complot rose-vert-rouge, visant à la non-réélection de Christoph Blocher, n’aurait pas été possible, a du mal, plus le temps passe, à assumer une telle responsabilité. Dans le film de Hansjürg Zumstein projeté d’abord en Suisse allemande, il s’en vante impudemment. Lors de la projection du même film, au cours de l’émission Infrarouge du 4 mai dernier, sur la télévision suisse romande, il fait profil bas et minimise son rôle pourtant éminent.
Qu’est-il advenu de ces heureux gagnants au cours des six mois qui viennent de s’écouler ?
Eveline Widmer-Schlumpf a été exclue de son propre parti, dont elle ne défend d’ailleurs aucune des positions phares, bien au contraire. On l’a bien vu notamment lors des votations du 1er juin, ce qui suffirait à soi seul à justifier son exclusion. Elle ne représente plus qu’une poignée de dissidents grisons de son ex-parti, qui aimeraient en créer un autre, sans doute voué à l’échec.
Samuel Schmid s’est discrédité un peu plus en se livrant ces derniers temps à une valse-hésitation entre une dissidence bernoise qu’il appelle de ses vœux et un soutien à une ligne politique « bourgeoise » au sein de l’UDC qu’il appelle également de ses vœux. Après avoir été le demi-conseiller fédéral de l’UDC, il s’apprête à l’être d’un nouveau parti bernois, bourgeois et libéral, sans doute voué à l’échec, même s’il s’unit à son épigone grison.
Christophe Darbellay est désavoué par son propre parti, ce dans son propre fief. Il ne sera pas l’un des deux candidats PDC au conseil d’état du bas Valais en mars 2009. Les délégués du PDC Valais en ont décidé ainsi le 6 juin dernier lors de leur congrès qui se tenait à Conthey.
C’est à se demander si Christoph Blocher ne rend pas nuls ceux qu’il veut perdre.
« L’Hebdo » du 12 juin est d’ailleurs très chagrin de ce qui arrive à Christophe Darbellay. Car ce dernier est son chouchou. Il l’est depuis que l’on connaît le rôle déterminant qu’il a joué – en divisant le camp bourgeois – dans l’éviction de Christoph Blocher du conseil fédéral. Il emploie même des gros mots. Ainsi parle-t-il de « démocratie confisquée » à propos de l’éviction de son chouchou de la course au conseil d’état valaisan l’année prochaine.
Certes cette éviction, comme l’autre, celle de Blocher, s’est faite dans les règles, des règles librement consenties. Mais l’autre, celle de Blocher, était démocratique et celle-là, celle de Darbellay ne l’est pas. Dans ce dernier cas 2% de l’électorat a refusé son investiture à un candidat médiatique, dans l’autre des parlementaires ont refusé que le courant majoritaire d'un parti obtenant près de 30% d’électeurs soit représenté au gouvernement par un candidat non médiatique. Comprenne qui pourra. La raison journalistique a des raisons que je ne connais pas.
Francis Richard