Son partenaire du double, Stanislas Wawrinka, lui avait dit, après sa désillusion en simple aux Jeux Olympiques, et avant de jouer avec lui un match en double aux mêmes JO: « Ce n’est pas la fin du monde ». Cette seule petite phrase avait eu pour effet de galvaniser celui qui fut, en simple messieurs, roi des courts de tennis pendant 237 semaines consécutives , et de lui faire décrocher avec son partenaire helvétique la médaille d’or en double.
Je ne sais plus lors de quel match Federer avait suscité de la part du commentateur télé une réflexion dont voici la teneur, en substance : « On a l’impression qu’il se rend au bureau et qu’il n’y va pas de gaieté de cœur ». C’est dire l’enthousiasme avec lequel il semblait jouer ces derniers temps, du moins avant cette révélation de l’or en double aux Jeux Olympiques.
Dans mon édito du 18 août ( La chute du roi Federer est toute relative ) je constatais que Federer n’avait pas eu jusque là une aussi mauvaise saison que cela, « la pire des meilleures saisons » selon Franck Ramella dans L’Equipe ( ici ) d’hier. Certes il avait perdu sa couronne de premier joueur mondial, mais il avait obtenu des résultats dont bien d’autres joueurs auraient aimé pouvoir se targuer.
Dans les quelques matchs perdus par lui qu’il m’a été donné de regarder je voyais bien qu’il avait conservé toute sa suprématie technique, mais que mystérieusement il semblait soudain incapable de l’employer. Il semblait surtout qu’il n’avait pas le même plaisir de jouer que naguère, qu’il s’ennuyait, et que, tout d’un coup, au milieu d’une partie, il baissait les bras et qu’il n’avait plus même envie de se battre.
Fallait-il donc attribuer ces sautes d’envie aux séquelles de sa mononucléose ? En partie peut-être. Mais pas uniquement. Puisqu’il a fallu cette petite phrase toute simple de Wawrinka pour lui redonner du cœur à l’ouvrage. La suite a montré que ce n’était en effet pas la fin du monde pour « Rodgeur ».
Peut-être aussi la pression exercée sur vous quand vous êtes premier joueur mondial était-elle un plus lourd fardeau qu’on ne pouvait l’imaginer et que « Rodgeur » lui-même ne pouvait supporter, à la longue. Il fallait entendre d’ailleurs les commentaires qui ont été faits sur lui quand il est devenu certain qu’il perdrait sa couronne et la céderait à Rafael Nadal.
Parmi ces commentaires il y avait celui de Mats Wilander, après Wimbledon, qui avait dit que Roger Federer ne gagnerait peut-être plus de Grand Chelem. Dans L’Equipe d’hier il écrit : « Aujourd’hui, il m’a fait changer d’avis car il m’a montré autre chose. S’il joue comme ça, il peut gagner dix Grands Chelems de plus ». Ce qui prouve que Federer, joueur sympathique s’il en est, ne laisse pas indifférent et peut susciter des avis successifs contradictoires et peut-être excessifs.
Je terminerai par cette citation de « Rodgeur » après l’US Open que Franck Ramella reproduit dans L’Equipe d’hier: « Avant, je n’aimais pas les gens qui me battaient. Maintenant, je suis à l’aise avec tout le monde. J’apprécie vraiment la vie sur le circuit qui est relax ». Ce qui prouve que le roi, provisoirement déchu, a surtout réussi à vaincre son pire ennemi, c’est-à-dire lui-même.
Francis Richard