Le sauvetage des deux géants du crédit hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, par le Trésor américain, et qui va coûter cher aux contribuables – certains parlent d’au moins 200 milliards de dollars, voire plus si affinités – est le résultat inévitable de l’intervention de l’Etat américain sur le marché du crédit hypothécaire.
Dans une chronique publiée dans Le Figaro d’hier ( ici ), Vincent Bénard, président de l’Institut Hayek de Bruxelles ( ici ), remet les pendules à l’heure. Car que sont Fannie Mae et Freddie Mac ? Deux purs produits de l’interventionnisme de l’Etat américain.
Vincent Bénard fait d’abord un peu d’histoire : « (Fannie Mae) fut tout d’abord une agence gouvernementale, créée en 1938 par l’Administration Roosevelt, pour émettre des obligations à bas taux du fait de leur garantie fédérale, lesquelles alimentaient de liquidités un marché de prêts immobiliers à taux réduits accessibles aux familles les moins aisées ».
En 1968 l’Administration Johnson a privatisé Fannie Mae pour ne pas obérer davantage la capacité d’emprunt du Trésor confronté au financement de la guerre du Vietnam. En 1970, l’Administration Nixon a cru bon de lui donner un concurrent en créant Freddie Mac, oubliant que la concurrence ne se décrète pas et qu’elle n’existe que dans la mesure où un nouvel acteur économique peut entrer sur le marché et y trouve son intérêt.
Vincent Bénard rappelle que ces deux organismes étaient de curieuses entreprises privées. Elles étaient « légalement tenues de s’occuper exclusivement de refinancement de prêts immobiliers sous contrôle de l’Etat fédéral, en contrepartie d’avantages fiscaux ». Ces entreprises n’avaient donc pas le choix de leur activité et n’étaient pas davantage libres de leurs stratégies.
A partir de 1992 « la tutelle de ces deux entreprises fut transférée au Département américain du logement (HUD) » lequel les a obligées à viser un objectif purement politique et démagogique, au mépris de l’économie, à savoir « l’augmentation du taux de propriétaires de logement parmi les populations à faible revenu, et notamment les minorités ».
De cette première intervention publique est résulté une augmentation du volume et de la proportion de crédits subprime, conséquemment une augmentation de la prise de risques des deux établissements, prise de risques camouflée par l’exemption « en toute légalité de dévoiler trop en détail leurs expositions ».
Ce manque de transparence a encouragé les banques émettrices des crédits subprime « à ne pas se montrer trop regardantes sur les prêts qu’elles consentaient puisqu’il y avait deux refinanceurs à la bourse grande ouverte derrière ».
Cette analyse rejoint celle de Guido Hülsmann sur la bouée étatique, publiée par l’Institut Constant de Rebecque au début du mois de juin dernier (voir mon article La bouée étatique à l'origine de la crise financière ). Quand vous avez la certitude que l’on viendra à votre secours si les choses tournent mal vous finissez par prendre des risques que vous n’auriez pas pris autrement.
Une deuxième intervention publique a perverti le marché. Des études ont montré que les refus de prêts étaient plus nombreux chez les Noirs et les Hispaniques que chez les Blancs et les Asiatiques. Au lieu d’attribuer ces refus à une moindre richesse, donc à une moindre capacité d’emprunt, des lobbies y ont vu « un prétendu racisme financier ».
Du coup la loi antidiscriminatoire de 1977 a été modifiée en 1995 « pour rendre plus ardu le refus de crédit aux minorités par les banques, sous peine de sanctions renforcées ». Ces dernières ont donc accordé davantage de prêts à des personnes peu solvables, ce pour le plus grand malheur de ces personnes.
L’Etat a certes permis par ses interventions à un plus grand nombre un accès plus rapide à la propriété, mais il « a poussé à l’irresponsabilité les acteurs de la chaîne de crédit ». Il a alors suffi que la conjoncture économique se retourne pour multiplier les défaillances d’emprunteurs, pour les acculer à la faillite et, par contagion, pour mettre en péril tous les investisseurs institutionnels.
La perversion du marché s’est résumée par ce cocktail détonnant : bénéfices privatisés, pertes collectivisées. C’est-à-dire par le règne de l’irresponsabilité. Tout le contraire de la libre économie.
Francis Richard