Après l’élection du 4 novembre l’obamania dans les journaux suisses n’a pas faibli. Pas
encore.
Il faut dire que les journalistes suisses ont tous, depuis des années, à de rares exceptions près, fustiger sans distinction tout ce que faisait, ou disait, George W. Bush, même quand il
avait parfois raison. Il était devenu le diable blanc que l’ange noir Obama - tous l’espéraient - allait remplacer pour rêver un peu, ne serait-ce que le temps d’une élection. On a les
plaisirs artificiels que l'on peut...
C’est ce terme de rêve que l’on retrouve dans tous les éditoriaux helvétiques du lendemain et du surlendemain de l’élection.
Dans La Tribune de Genève du 6 novembre, Pierre Ruetschi écrit ( ici ) : « Un Noir à la Maison-Blanche, pesons nos mots, constitue une authentique révolution alors que la ségrégation raciale demeure un souvenir encore vivace chez des dizaines de millions d’Américains qui l’ont vécue dans leur chair. Le président et l’Etat qu’il dirige partagent désormais un même ADN, celui du métissage (sic)(...) Le rêve de Martin Luther King est en train de se réaliser ».
Sur son site Commentaires.com Philippe Barraud, écrit ( ici ) : « On peut être conservateur et se réjouir de l’élection de M. Obama à la présidence des Etats-Unis. Parce que ce pays se trouve dans une impasse dramatique ». Il ajoute : « Personne ne peut dire ce que fera Barack Obama, mais une chose est sûre : tout est ouvert. Et honnêtement, il y a longtemps que ce n’était pas arrivé. Il a l’opportunité de rendre à ses compatriotes et au monde l’Amérique vraie, celle qui a fait rêver des générations de par le monde, cette Amérique de tous les possibles, et que le système Bush avait confisquée pour en faire une nation paranoïde, revêche, suspicieuse et xénophobe ».
Alain Jeannet, l’éditorialiste de L’Hebdo de ce jour, entonne d’abord le chant hystérique anti-Républicain ( ici ) : « Un mauvais rêve, le cauchemar : John McCain l’emporte, et nous sommes repartis pour quatre ans d’infamie va-t-en-guerre et pour l’enfer du crétinisme palinien ».
Puis il tombe à genoux aux pieds de Barack Obama, qui est pour lui, je cite : « l’intelligence et l’éloquence à l’état pur, le pouvoir d’une formule « Yes We Can », sa détermination à reconstruire une nation ». Plus obamanique que lui tu meurs…
Louis Ruffieux termine son édito du 6 novembre dans La Liberté ( ici ), le quotidien de Fribourg, par ces lignes : « (Barack Obama) peut réconcilier le monde avec son pays, et en devenir une source d’inspiration renouvelée. Son élection en autorise l’espoir ; elle réhabilite le rêve. C’est déjà énorme ». Ce que dit Louis Ruffieux est également énorme…
Dans Le Temps de ce jour, 6 novembre, Jean-Jacques Roth écrit au tout début de son édito ( ici ) : « Par le seul fait de son élection, voici Obama devenu l’icône du monde global et métissé dont il est lui-même l’enfant ».
Dans une première version de cet édito, parue à l’aube du 5 novembre, à 7:18, il avait écrit cette énormité : « La présidence de Barack Obama pourrait s’arrêter là qu’il en aurait peut-être accompli l’essentiel »
Il s’est repris et a jugé bon de ne pas reprendre cette phrase dans la version définitive.
Sa conclusion, à un mot près reste la même : « Le visage de l’Amérique est aujourd’hui changé. L’élection de Barack Obama rétablit de manière spectaculaire son crédit et son rayonnement. (…) Dans l’immédiat, c’est donc la joie. Une joie qui n’est pas dans l’adhésion à un programme, ni dans l’adoration béate du charisme d’un homme – à la place d’adoration il avait employé le mot de croyance -, mais celle d’une revanche contre le pire de l’Histoire et contre les désenchantements de la politique. « Yes, we can ! » Prenons-en le pari. Le rêve américain s’est rallumé ce 4 novembre, au moment où il nous était le plus nécessaire. »
Jean-Jacques Roth avait pris la précaution de dire
dans la version du 5, comme dans celle du 6 novembre : « Le temps des épreuves viendra, oui, et celui des désillusions, bien sûr. Personne n’est dupe ». Ah bon ! Tout le
restant de l'article est la preuve du contraire. En tout cas félicitons l’éditorialiste du Temps pour cet éclair de lucidité au milieu de toutes ces
rêveries.
Quand la réalité les douchera, il sera bon de rappeler à tous ces journalistes, surpris en plein trip, ce qu'ils écrivaient après avoir fumé la moquette de leur bureau.
Francis Richard