Par curiosité - les arguments du Conseil fédéral étant largement convaincants pour voter NON - je suis allé sur le site des partisans de l' « initiative pour un âge flexible de l'AVS » ( ici ) et je suis tombé en page d'accueil sur une démonstration du prétendu « mensonge de la démographie », avec ce sous-titre aguichant : « A première vue, ça a l'air logique. Mais tout n'est pas si simple. »
Dans ce petit diaporama les partisans de l'initiative aligne quelques chiffres, destinés à appuyer leur démonstration que "mensonge de la démographie" il y a. Les chiffres sont les suivants : en 1950 il y avait 6 cotisants pour un retraité, 4,3 en 1970 et 3,7 en 2006. Ils s'arrêtent en 2006 : ouf ! A l'horizon d'une génération le rapport devrait être de 2 cotisants pour 1 retraité. Un vrai cauchemar qu'il ne s'agit même pas d'évoquer !
Ce qui est important nous disent nos comptables du site, ce sont les salaires soumis à l'AVS, autrement dit ce que gagnent vraiment les actifs. Ce qui n'est pas faux. En 1950, il y avait 11,5 milliards de francs de revenus AVS, en 1970 il y en avait 50 milliards et 290 milliards en 2006. Conclusion du site : « 3,7 actifs pour 1 retraité ont un revenu soumis aux cotisations AVS 25 fois supérieur à celui que gagnaient 6 actifs pour un retraité en 1950 ».
Ce facteur de 25 résulterait de la formidable productivité enregistrée en un demi-siècle. Permettre à des personnes de 62 ans, dont le revenu annuel est inférieur à 119'340 francs, de prendre leur retraite AVS à 100% ne devrait donc pas poser de problème, du moins au regard de la démographie.
Comme disent ces comptables : « A première vue, ça a l'air logique. Mais tout n'est pas si simple ». Tout d'abord nos comptables ne tiennent pas compte de l'inflation. L'indice des prix était de 97,7 en 1950, de 156,3 en 1970 et de 442,9 en 2006. Pour comparer les revenus AVS il faut donc au préalable les établir en francs constants. Si on les établit en francs de 1950, lesdits revenus ne sont plus que 31,25 milliards en 1970 et de 62,56 milliards en 2006, contre 11,5 en 1950.
Il est intéressant pour pousser la comparaison de manière plus fine d'introduire le nombre de cotisants. En milliers il y en avait 2'309 en 1950, 3'443 en 1970 et 4'304 en 2006. Ces chiffres nous permettent de déterminer le montant des cotisations AVS acquitté par cotisant, en divisant les revenus AVS par le nombre des cotisants. Cela donne 4'980 francs en 1950, 9'076 en 1970 et 14'535 en 2006.
Pour faire une comparaison encore plus fine, il faut maintenant calculer le montant annuel mis de côté pour un retraité en multipliant le montant des cotisations d'un actif par le nombre d'actifs par retraité. Cela donne 29'880 francs en 1950, 39'027 francs en 1970 et 53'779 francs en 2006.
On peut constater que le facteur de progression des revenus AVS est de 5.4 entre 1950 et 2006 (62,56 divisé par 11.50), alors que la somme amassée pour un retraité n'a progressé que d'un facteur 1,8 (53'779 divisé par 29'880), soit 3 fois moins ! Il résulte de la différence de ces deux progressions que la démographie, contrairement au raisonnement simpliste de nos comptables de pacotille, ne peut qu'avoir un effet négatif sur les rentes.
Il n'était pas besoin pour quelqu'un de bon sens de faire tous ces calculs, mais quand on les fait on ne peut être qu'être conforté dans son appréciation des choses : la faible démographie et la longévité ne peuvent que ruiner les retraites par répartition, sauf à travailler plus longtemps, ou à cotiser davantage, ou encore à diminuer les rentes. Mais nos initiants n'en ont cure. Ils vivent sur un petit nuage.
Francis Richard
PS
Tous les chiffres utilisés dans cet article se trouvent dans un tableau excel publié par l'OFS (l'Office fédéral de la statistique) et intitulé Données démographiques et économiques générales
1948-2007 ( ici )
Résultat de la votation du 30 novembre sur l'initiative "Pour un âge de l'AVS flexible" : l'initiative est
rejetée par 58, 6% des voix ( ici ).