L'initiative « Droit de recours des organisations: Assez d'obstructionnisme - plus de croissance pour la Suisse! » aura au moins eu le mérite d'attirer mon attention sur un point auquel je n'avais pas prêté attention jusque là. En effet, il existe en Suisse une anomalie juridique non négligeable : une trentaine d'organisations ont droit de recours - depuis 1967 ! - en matière de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire ( ici ).
Le problème est que ces organisations jouent, en ces matières, un rôle de surveillance qui devrait revenir à l'Etat, qui se mêle de beaucoup choses qui ne le regardent pas, comme de vouloir
stabiliser l'économie ( ici ) et ne s'occupe pas de ce qui est de son ressort,
comme la justice. L'Etat l'avoue d'ailleurs candidement dans la brochure explicative adressée aux citoyens avant la votation ( ici ) : « Si on supprimait le droit de recours des organisations, les autorités fédérales risqueraient de devoir
plus souvent recourir elles-mêmes contre de telles décisions (populaire ou parlementaire) ». Sous-entendu elles seraient contraintes de faire leur boulot, ce qu'elles ne font
pas.
Or l'initiative ne demande même pas que le droit de recours des organisations soit supprimé, ce qui, à mon sens, ne serait pas plus mal. En effet la plupart de ces organisations sont animées par
une idéologie totalitaire, qui, pour être de couleur verte, n'en est pas moins redoutable. A ce sujet, sur le papillon du non à l'initiative, qui m'a été distribué en ville samedi
dernier, c'est bien la couleur verte qui domine, de même que le mensonge, et cela sous deux formes : par parole et par omission.
Il est tout d'abord faux de dire que l'initiative vise à supprimer le droit de recours. Elle cherche à le limiter. La brochure explicative du gouvernement dit au moins la vérité ( ici ) : « L'initiative entend limiter le droit de recours des organisations en matière de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire en l'excluant lorsqu'il vise des actes législatifs, arrêtés et décisions qui se fondent sur une votation populaire ou qui émanent de parlements au niveau fédéral, cantonal ou communal »(c'est moi qui souligne).
Sur le site des opposants le papillon ( ici ) a été modifié : Le slogan "Non à l'initiative contre
la nature et le patrimoine" a été substitué au slogan qui m'a été distribué et que je reproduis ci-dessus...Quel aveu !
Il est inexact ensuite de dire que « le paysage naturel du Lavaux - (a été) également protégé grâce au droit de recours ». Cette protection est le résultat d'une initiative populaire, lancée par Franz Weber, et qui a abouti, en 1977. Le droit de recours ne s'est exercé que sur des décisions administratives, comme le rappelle Jacques Nantermod ( ici ).
Il est volontairement incomplet de relever « que 99% des recours contre les projets de construction proviennent des privés et non pas des organisations environnementales ».
Implicitement cela signifie que 1% des recours est le fait des organisations. Comme il s'agit de gros projets, ce sont en fait des milliards de francs d'investissements qui ont été bloqués
et de nombreuses places de travail qui ont été mises en péril. C'est-à-dire que l'effet de levier de ce malheureux 1% est plus important que les 99 autres.
De même est-il volontairement incomplet de dire que « dans plus de 70% des cas (le droit de recours) conduit à des améliorations en faveur de la nature et du patrimoine » puisque, compte tenu du poids de ces organisations, qui sont en réalité des groupes de pression servant des intérêts particuliers, même très particuliers, le droit de recours ne s'exerce pas dans tous les cas, loin de là, devant les tribunaux : auparavant les projets sont soit retirés, soit modifiés. Et quand le droit de recours s'exerce quand même devant les tribunaux, les organisations n'ont pas toujours gain de cause, sinon parfois partiellement seulement.
Le papillon du non à l'initiative reprend la fable selon laquelle c'est la section cantonale zurichoise du parti radical qui est à l'origine de l'initiative contre le droit de
recours. Les opposants ne peuvent ignorer que c'est le jeune valaisan Jacques Nantermod, coordinateur romand du comité d'initiative, qui a proposé aux radicaux de son canton de « lancer
une offensive contre le droit de recours des associations »... en 2003 (voir L'Hebdo du 6 novembre ( ici ).
En dernière page du papillon du non à l'initiative il est fait référence aux organisations qui « s'opposent à la suppression du droit de recours » - on a vu que le terme de suppression est mensonger. Toutes les organisations citées, à l'exception de Suisse Rando, c'est-à-dire 22 associations sur 23, font partie des 30 organisations habilitées à recourir. Il n'est pas inimaginable de penser qu'elles défendent leur fromage...
Enfin le papillon du non à l'initiative affirme que le Conseil fédéral approuve le NON. Les auteurs du papillon font décidément dans l'à-peu-près - et je suis
gentil. En effet que lit-on dans la brochure d'explication du Conseil fédéral ? Ce passage savoureux à propos de l'initiative : « Le 13 septembre 2006, le Conseil fédéral a décidé de
recommander son rejet sans contre-projet. Le 2 mai 2007, il a modifié sa position et décidé de soutenir l'initiative. Les nouvelles dispositions de la loi sur les droits politiques
exigent que le Conseil fédéral ne défende pas de recommandation de vote différente de celle formulée par l'Assemblée fédérale. Le Parlement a rejeté l'initiative. Le Conseil fédéral se rallie au
vote du Parlement » . Parce qu'il ne peut pas faire autrement...Quelle référence !
Cette initiative est une occasion pour les citoyens de montrer qui commande : le peuple ou les organisations.
Francis Richard
Résultat de la votation du 30 novembre sur le "Droit de recours des organisations : Asssez
d'obstructionnisme - Plus de croissance pour la Suisse" : l'initiative est rejetée par 66% des voix ( ici ).