Le 16 février l'UDC tenait une conférence de presse sur le sort des
grandes banques suisses, UBS et Credit Suisse, au milieu des turbulences de la crise financière (voir l'article de 24 heures du 17 février ici et photo ci-contre publiée dans le quotidien lausannois).
Deux conceptions sont apparues une fois "sauvée" l'UBS par l'Etat. Je mets sauvée entre guillemets pour deux raisons : je ne suis pas sûr que l'UBS soit hors de danger,
je ne suis pas sûr que l'intervention de l'Etat était la meilleure solution. Mais c'est aujourd'hui un fait sur lequel il faut bien réfléchir.
LA PREMIERE CONCEPTION au sein de l'UDC est celle de Christoph Blocher ( ici ). Ce dernier reste convaincu
que "l'Etat n'a pas à s'immiscer dans les activités des entreprises" et que "les entreprises mal gérées ne doivent pas pouvoir compter sur l'aide de l'Etat pour continuer
d'exister".
Cependant Christoph Blocher considère que "les grandes banques que sont UBS et le Credit Suisse sont en contradiction complète avec les principes de l'économie de
marché". Ces deux banques ont pris une telle importance dans l'économie qu'elles représentent un risque pour le pays qu'il n'aurait pas fallu leur permettre
de représenter.
A ses yeux il faut donc que cette concentration des risques soit réduite : "Il convient d'édicter une loi qui prescrive pour les banques une structure, dans laquelle différentes filiales
autonomes et indépendantes les unes des autres gèrent les activités dans le pays et à l'étranger".
Les deux banques jouissent d'une garantie de l'Etat. A ce jour seule l'UBS l'a fait jouer. Pour Christoph Blocher cela implique que l'Etat doit avoir un droit de regard et de contrôle sur
elles. Il va plus loin. Ces deux banques, du fait de cette garantie de l'Etat, sont apparentées au secteur public : "le système salarial pour [leur] direction [doit être] calqué sur celui des
entreprises fédérales" telles que les CFF, la Poste, Swisscom ou la Banque Nationale.
Enfin, si la Confédération devait prendre "une participation de 10% dans UBS, elle doit exiger, pour la durée de son engagement dans l'entreprise, d'avoir un
représentant indépendant et expérimenté".
LA SECONDE CONCEPTION au sein de l'UDC est celle de Hans Kaufmann (ici ). Hans Kaufmann est d'accord avec
Christoph Blocher sur le fait que l'Etat ne doit pas intervenir "dans les affaires opérationnelles courantes d'entreprises privées".
Il approuve lui aussi que l'Etat soit intervenu en octobre dernier pour sauver UBS : le programme de mesures
étatiques "était une réaction aux diverses interventions étatiques lancées en Europe et aux Etats-Unis à la suite du krach bancaire Lehman Brothers. Faute de ce soutien public, le départ de
liquidités et les turbulences des marchés financiers auraient contraint l'UBS à réduire substantiellement ses actifs, ce qui se serait traduit par la résiliation de crédits ou la vente de
composantes saines de l'entreprise".
Les conséquences auraient été extrêmement graves pour toute l'économie suisse du fait de "la perte de la source de crédit pour 100'000 PME suisses", du "blocage des comptes-salaires,
des crédits à l'exportation et du trafic des paiements".
Mais, pour Hans Kaufmann, "il ne s'agit cependant pas d'une participation permanente, mais uniquement d'un moyen de gagner du temps pour permettre à la banque de se stabiliser et de se
réorienter". "La future politique de la Confédération doit viser un retrait aussi rapide que possible de l'Etat de l'UBS".
Hans Kaufmann est en effet hostile au bétonnage de la participation de l'Etat dans les grandes banques : "Si on exige qu'il n'existe plus d'entreprises qui représentent un risque
pour l'économie nationale en raison de leur taille, il faut commencer par identifier et nommer ces entreprises, si bien que ces dernières recevront pour ainsi dire le sceau de la garantie de
l'Etat, donc auront un avantage concurrentiel par rapport aux autres acteurs de la branche. Si elles sont cotées en bourse, ces sociétés risquent de voir leurs actions baisser, car les
actionnaires peuvent à tout moment craindre une intervention de l'Etat. En leur imposant une structure juridique, donc en les mettant sous tutelle, la Confédération assumerait aussi la
responsabilité des éventuels échecs des entreprises concernées. Mais le plus grave est que les banques seraient limitées dans leur capacité de réagir rapidement aux changements
intervenant sur le marché [c'est moi qui souligne]".
Hans Kaufmann n'est pas non plus favorable à l'alignement des salaires sur ceux des entreprises fédérales : "Si un employeur ne peut pas garder des collaborateurs hautement profitables à cause de
restrictions salariales, il risque de les perdre - et avec eux les clients qui les suivront auprès de leurs nouveaux employeurs"(voir mon article Deux banque attitudes : UBS et Credit Suisse ).
Enfin Hans Kaufman ne voit pas d'un bon oeil "la présence de conseillers d'administration représentant la Confédération dans des entreprises où l'Etat est à la fois régulateur, autorité
concédante et autorité de surveillance" : "Siéger dans un conseil d'administration, c'est assumer des responsabilités au niveau de l'entreprise. Cela ne peut en aucun cas être l'affaire de la
Confédération, notamment en raison de la responsabilité civile qui en découle".
Pour les médias l'UDC a toujours tort. Quand elle parle habituellement d'une seule voix, elle n'est pas "une
maison de verre" (voir Le Temps du 17 février ici ). Quand elle ouvre le débat entre deux
conceptions, il lui est reproché de ne pas proposer "une solution claire et efficace" que les électeurs d'un parti politique sont en droit d'attendre (voir Le Matin du 17
février ici ). Laissons ces grincheux à leurs
grincheries...
Le débat lancé par l'UDC devant le pays est fondamental et peut se résumer au dilemme suivant : à une situation extraordinaire doit-on répondre par une solution extraordinaire, tournant
le dos au marché, ou faut-il revenir au plus vite au marché ? Inutile de préciser que c'est cette dernière voie qui a ma préférence.
Francis Richard
Yves Nidegger expose une manière de synthèse des deux conceptions de l'UDC :