Dans la constellation libérale, je suis un franc-tireur.
Des libéraux s'opposent au mariage gay - car c'est de cela qu'il s'agit, puisque le mariage pour tous n'est qu'une manipulation sémantique. Des libertariens soutiennent au contraire ce mariage entre personnes du même sexe, institué par l'Etat.
Un des auteurs de la quatrième partie de Libres, livre auquel j'ai consacré six articles cet hiver - un par partie -, est ainsi favorable à ce mariage pour tous. Ce quatrième article m'a donné l'occasion de préciser à l'époque:
"Ma position personnelle est quelque peu divergente: le mot de mariage est utilisé par l'Eglise dès le XIIe siècle pour désigner le sacrement légitimant l'union entre un homme et une femme. Le mariage civil en est une singerie, créée par une loi étatiste de 1792. A partir de là est née la confusion entre les différentes composantes d'une union entre être humains que sont l'amour, le contrat et le sacré. L'amour profane n'a besoin ni de contrat, ni de sacré. Le contrat se passe fort bien d'amour et de sacré: c'est pourquoi je suis favorable à la liberté contractuelle pour tous et hostile au mariage civil, et à son terme même, pour quiconque. Quant au sacré, par définition, il ne peut pas être laïc; il ne peut être que religieux. C'est pourquoi le mot de mariage devrait, selon moi, être utilisé dans sa seule acception originelle: tordre le sens profond d'un mot en effet n'est que forgerie..."
Le mariage civil pour tous n'est donc pour moi qu'une singerie de plus, d'origine étatiste.
Un de mes proches m'a fait remarquer que le philosophe Jacques Derrida, qui avait soutenu le mariage homosexuel célébré illégalement par Noël Mamère dans sa mairie de Bègles le 5 juin 2004, arrivait, par un autre raisonnement, à la même conclusion que moi. Dans un entretien accordé au Monde du 19 août 2004, il disait:
"Si j'étais législateur, je proposerais tout simplement la disparition du mot et du concept de "mariage" dans un code civil et laïque. Le "mariage", valeur religieuse, sacrale, hétérosexuelle - avec voeu de procréation, de fidélité éternelle, etc, -, c'est une concession [sic] de l'Etat laïque à l'Eglise chrétienne. [...] En supprimant le mot et le concept de "mariage", cette équivoque ou cette hypocrisie religieuse ou sacrale, qui n'a aucune place dans une constitution laïque, on les remplacerait par une "union civile" contractuelle, une sorte de pacs généralisé, amélioré, raffiné, souple et ajusté entre des partenaires de sexe ou de nombre non imposé."
Dans un récent coup de colère, intitulé M... au lobby gay, aux Editions Mordicus, Christian Vanneste écrit:
"L'échange matrimonial est fondé sur l'altérité, entre les sexes parce que son but est la procréation et entre des groupes l'interdiction de l'inceste, l'une des clefs du développement humain. Le mariage n'est pas la reconnaissance sociale d'un sentiment. La société n'a pas à se mêler de l'intimité des relations affectives. L'Etat s'intéresse au mariage dans la mesure où il institue la famille, si possible stable, qui transmet des valeurs et renouvelle les générations."
C'est dans ce seul sens, à défaut de mariage religieux, que le mariage civil peut être admis, parce qu'"il institue la famille", comme le rappelle fort justement Christian Vanneste.
Pour obtenir gain de cause (le mariage entre homosexuels), le lobby gay a réussi à faire admettre juridiquement que l'homosexualité était une orientation sexuelle, une donnée naturelle, alors qu'il s'agit d'un ensemble de comportements, et qu'il n'y avait pas de différence entre les sexes. Le masculin et le féminin ne seraient que des conventions... En clair, puisqu'il n'y aurait plus de différence, le mariage s'appliquerait aussi bien à un homme et une femme qu'à deux hommes ou à deux femmes. CQFD
Le but du lobby gay, qui a obtenu gain de cette cause du mariage gay, était d'aller au-delà. Le mariage n'était qu'une étape pour faire comme les couples d'hommes et de femmes, c'est-à-dire instituer une famille de tous les genres possibles, en d'autres termes avoir des enfants, par adoption, par portage ou par insémination.
Or ce but explicite peut bien sûr être atteint légalement maintenant, et même techniquement. Mais est-ce légitime du point de vue des enfants?
Toutes les personnes que j'ai rencontrées dans ma vie - je sais, elle est courte encore - et qui n'ont pas connu l'un ou l'autre de leurs parents, ou les deux, en ont souffert terriblement. Pour elles, c'était un malheur, dû aux aléas de la vie. C'est ce "malheur pour tous" que le "mariage pour tous" prépare aux enfants, sciemment, volontairement. C'est cette atteinte à la connaissance de ses origines qu'elle institutionnalise et, donc, fait apparaître comme légitime.
Dans les pays qui ont connu le totalitarisme, les totalitaires n'ont eu de cesse que d'enlever les enfants à leurs parents. Ils savaient que la famille, institution multi-millénaire, est par excellence la cellule de résistance à l'oppression. L'altérité des parents n'ouvre-t-elle pas l'esprit à la diversité et, donc, ne favorise-t-elle pas l'ouverture d'esprit tout court? Ne donne-t-elle pas l'exemple de la procréation naturelle, sans laquelle elle ne se renouvellerait pas? Les enfants à venir dans ces familles artificielles n'auront pas cette chance, que le sort seul a refusé à d'autres.
Des Français, de toutes conditions et de tous âges, ont compris l'importance de cet enjeu de société. C'est pourquoi ils ont manifesté en masse à Paris par trois fois, comme cela ne s'était pas fait depuis des décennies. A part quelques extrémistes, leur engagement phénoménal n'a jamais été dirigé contre des homosexuels ou des homosexuelles, mais contre la destruction de la famille, sur laquelle repose notre civilisation de liberté.
Dans la pièce éponyme de Sophocle, Antigone dit à Créon:
"Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts pour que toi, mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables des dieux."
Un jeune homme de 23 ans, Nicolas Bernard-Busse, en manifestant pacifiquement le 16 juin 2013 devant les studios de M6, alors que François Hollande était à l'antenne, aurait pu reprendre à son compte cette apostrophe, à ce moment-là, s'il lui avait été permis de s'adresser au Président de la République.
Après cette manifestation, Nicolas se rend aux Champs-Elysées et continue en ce lieu symbolique à défiler pacifiquement. Les forces de l'ordre chargent alors, sans sommation, les quelques dizaines de personnes de la Manif pour tous, dont il fait partie. Nicolas est poursuivi. Il n'a pourtant commis aucune infraction. Il se réfugie au premier étage de la Pizza Pino, où il est maîtrisé violemment (il porte des hématomes) et conduit au poste.
Nicolas n'est ni un héros ni un martyr, mais il a été condamné, trois jours plus tard, de manière disproportionnée, le 19 juin 2013 - quelle diligence! -, à quatre mois de prison, dont deux fermes, et 1'000 € d'amende pour "rébellion et fourniture d'identité imaginaire", sans être confronté aux pandores qui l'ont arrêté. En fait il a été condamné pour ses convictions... et, à la sortie du tribunal, a été immédiatement incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis.
Nicolas est-il un dangereux terroriste? Un délinquant? Un criminel? Que nenni. C'est un garçon de bonne famille, étudiant en troisième année de licence d'histoire à l'Institut catholique de Paris. A défaut d'être une justice classe, la justice française apparaît en l'occurrence comme une justice de classe, beaucoup plus clémente quand il s'agit de délinquants ou de criminels avérés, sans doute, pauvres victimes de la société...
Comme le dit l'évêque de Bayonne, Mgr Marc Aillet:
"Il s'agit manifestement d'une forme politique de répression policière et judiciaire qui marque un tournant dans le traitement arbitraire des opposants au mariage et à l'adoption par des couples de même sexe."
Francis Richard
La photo qui illustre cet article provient d'ici.
Il est possible de signer ici la pétition de soutien à Nicolas. A 21:25, ce jour, elle a déjà recueilli 57'992 signatures !
Il est possible aussi de signer ici la pétition demandant la libération immédiate de Nicolas Bernard-Busse, dont les premiers signataires sont:
Pierre ALBERTINI, député honoraire, ancien maire de Rouen, Charles BEIGBEDER, chef d’entreprise, secrétaire national de l'UMP, Jérôme BESNARD, essayiste, Véronique BESSE, député de Vendée, Gilles BOURDOULEIX, député-maire de Cholet, Béatrice BOURGE, Présidente du Collectif pour l'enfant, Christine BOUTIN, ancien ministre, Christophe BOUTIN, professeur des Universités, Xavier BRETON, député de l'Ain, Emmanuel Caldagues, adjoint au maire du Ier arrondissement de Paris, Matthieu COLOMBANI, délégué général du PCD, Alexandre CUIGNACHE, avocat, Général Bruno DARY, général de corps d'Armée (2S), Olivier DAZAT, scénariste et écrivain, Chantal DELSOL, philosophe, membre de l’Institut, Renaud DOZOUL, architecte et essayiste, Jérôme DUBUS, secrétaire national de l’UMP, Jean-Marie FAUGERE, général d’armée (2S), François-Marin FLEUTOT, historien, Falk van GAVER, essayiste, Philippe GOSSELIN, député de la Manche François GUILLAUME, ancien ministre, Jacques de GUILLEBON, essayiste, Michel HANNOUN, député honoraire, Joël HAUTEBERT, professeur des Universités, François LEBEL, maire du 8e arrondissement de Paris, Gérard LECLERC, journaliste et écrivain, Jean-François LEGARET, maire du 1er arrondissement de Paris, Geoffroy LE JEUNE, journaliste, Jean-Marie LE MENE, président de la Fondation Lejeune, Xavier LEMOINE, maire de Montfermeil Anne-Marie LE POURHIET, professeur des Universités, Jean-François MATTEI, philosophe, Olivier MAULIN, romancier, Charles MILLON, ancien ministre, Bruno NORTH, secrétaire général du CNIP, Jean-Frédéric POISSON, député des Yvelines, Frédéric ROUVILLOIS, professeur des Universités, Guillaume de THIEULLOY, historien, Denis TILLINAC, écrivain, Philippe de VILLIERS, ancien ministre, député européen, David-Xavier WEISS, secrétaire national de l’UMP.