Dans l'Union européenne on n'aime pas donner la parole aux peuples. Le référendum, voilà l'ennemi. Les élites politiques européennes décident à la place des peuples ce qui est bon pour eux. Elles construisent un monde chimérique, où elles s'offrent de belles prébendes, sans leur demander jamais leur avis, ou en n'en tenant pas compte.
Afin de préserver les privilèges que ces élites se sont octroyées en récompense de leurs prétendus bons et loyaux services - en détournant surtout l'objet de leurs mandats -, elles demandent aux peuples des sacrifices rendus nécessaires par leur impéritie et leur interventionnisme, qui a pour but inutile de les faire mousser à leurs yeux ...
D'ailleurs, c'est bien connu, les peuples ne comprennent rien à rien. Il ne faut surtout pas leur donner la parole. Ils pourraient mal voter. On connaît la formule attribuée à un personnage de Bertolt Brecht - dans quel texte ? je ne connais pas la référence :
"Le peuple a mal voté ? Changeons le peuple."
Le peuple danois en 1992 n'a-t-il pas d'abord refusé de ratifier le merveilleux Traité de Maastricht, dont les fameux critères, arbitraires et faux, pour justifier l'euro, ne sont respectés aujourd'hui par aucun des pays qui y avaient adhéré avec ferveur ?
Le peuple suisse, la même année, n'a-t-il pas refusé l'entrée du pays dans l'Espace économique européen qui devait l'empêcher de tomber dans la misère, à laquelle il a échappé on ne sait trop comment, la faute à trop de chance sans doute ?
Les peuples français et néerlandais en 2005 n'ont-il pas refusé de ratifier le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, que leurs parlements ont fini par accepter, dans leur dos, en leur donnant une particule - de Lisbonne - ce qui leur fait une belle jambe ?
Avec l'accord concocté la semaine dernière - voir mon article du 27 octobre 2011 : La Grèce évite le défaut: a-t-elle toutes les qualités pour s'en sortir ? - les marchés ont feint de croire que le risque d'un défaut de la Grèce était écarté, rejeté à ses calendes, alors qu'il était déjà reconnu en partie.
En organisant un référendum dans son pays, le premier ministre grec Georges Papandréou [dont la photo provient d'ici] a fait renaître l'incertitude, qu'un lâche soulagement semblait avoir conjurée. Et les marchés n'ont pas aimé être dérangés dans cette fausse tranquillité, à peine retrouvée. Ils ont tous baissé en choeur aujourd'hui.
Pourtant Papandréou a raison de donner la parole au peuple grec. C'est à ce dernier de prendre ses responsabilités puisqu'il est le premier intéressé par les sacrifices demandés. Papandréou a d'autant plus raison qu'il est préférable que le destin grec se décide dans les urnes plutôt que dans la rue.
Si le peuple grec refuse l'accord qui le met sous la triple tutelle renforcée de l'Union européenne, de la BCE et du FMI, la faillite ne sera juste prononcée qu'avant l'heure inéluctable. S'il l'accepte, ce sera en connaissance de cause, avec toutes les conséquences que cela comportera.
J'entends déjà les pourfendeurs patentés de la démocratie directe s'insurger contre cette parole donnée au peuple grec, tellement peu dans le goût européiste.
Je les entends dire que Papandréou aurait pu parler de ce recours au référendum avant que l'accord ne soit conclu au bout d'une nuit blanche passée à Bruxelles.
S'il l'avait fait avant, il n'aurait pas permis au peuple grec de juger sur pièces, jusque dans ses moindres détails, ce qu'implique sa sujétion accrue au pouvoir mondialiste, qui, en l'aidant sous la contrainte, essaie de lui faire oublier que le salut ne se trouve jamais dans le secours désintéressé des autres.
Francis Richard