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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 23:55
Noëlle Revaz, invitée de Tulalu!?, au Lausanne-Moudon

Ce soir, pour sa dernière rencontre du lundi soir de l'année 2015, l'association littéraire Tulalu!? reçoit Noëlle Revaz au Lausanne-Moudon.

 

Comment va-t-elle? Bien. A-t-elle bien soupé (un souper, comme d'habitude, a précédé la rencontre avec l'invitée)? Oui. Qu'a-t-elle pris? Un petit hachis Parmentier (c'est la madeleine de Proust d'un membre du Comité). Pourquoi? Parce que cela lui rappelle son enfance et que sa maman en faisait de temps en temps, ce qui était d'autant plus savoureux.

 

Toutes ces questions, posées d'entrée par l'animateur de l'association, Pierre Fankhauser, font l'effet produit par l'affiche que l'ancien cycliste André Pousse (1919-2005), devenu comédien, avait apposée sur la porte de son restaurant de Paris, Napoléon Chaix, et sur laquelle il braquait un flingue en direction du client, avec cette légende: "L'important, c'est l'accueil."

 

Sous une apparence frêle, Noëlle Revaz n'est cependant pas du genre à être désarçonnée par une telle rafale. Elle a de toute façon l'échappatoire, si l'on se fait trop pressant, de partir sur la lune où elle se sent très bien, au milieu de ses rêves, quitte à perdre le fil de la conversation ... Cette faculté d'évasion lui permet certainement d'échafauder les romans originaux dont elle a le secret.

 

Dans son premier roman, Rapport aux bêtes, elle parlait à la première personne. Elle employait les mots et les expressions du parler de son enfance valaisanne. C'était un roman très intérieur, chaotique, comme les pensées qui s'agitent d'ordinaire sous les crânes. Ecrivant des nouvelles pour la radio, elle l'avait déjà écrit avec ce souci de la musicalité des phrases, de la sonorité des mots, qui fait son style. 

 

Dans son deuxième roman, Efina, la troisième personne fait son apparition et, avec elle, la distance qui sied à l'écrivain. C'est une histoire d'amour alors qu'elle ne voulait surtout pas en écrire une, qui finit mal alors qu'elle voulait qu'elle finisse bien. La bobine s'est déroulée quand elle a tiré sur un fil et elle lui a échappé... Car, si elle a l'intuition d'une direction, quand elle écrit un roman, elle n'a pas de plan prédéfini et l'intrigue peut très bien lui échapper.

Noëlle Revaz, invitée de Tulalu!?, au Lausanne-Moudon

Ce roman, très XVIIIe par la tonalité, contient un échange épistolaire entre un homme, T, et une femme, Efina. La comédienne Sofia Verdon prête sa voix à cet échange et en souligne toutes les variations de sentiments. Il en ressort nettement que les deux correspondants se dissimulent leurs sentiments à eux-mêmes et à l'autre. Ce sont deux profondeurs qui ne communiquent que par leurs deux surfaces.

 

Ce thème de la superficialité est encore plus présent dans L'infini livre. En effet le thème de ce livre est que l'important dans un livre n'y est pas tant son contenu que son enveloppe. L'idée est venue à Noëlle Revaz quand elle s'est rendue chez un ami qui n'avait qu'un seul livre chez lui, en l'occurence le sien... Elle s'est en quelque sorte prise de pitié pour ce pauvre livre, bien seul, qui n'avait vraisemblablement pas été ouvert, et... pour tous ses semblables.

 

En écrivant L'infini livre, Noëlle Revaz a pensé aussi à 1984 de George Orwell et à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Ces deux livres lui ont inspiré un monde où le fond et la forme des livres n'intéressent plus et ne présentent d'ailleurs pas d'intérêt. De même a-t-elle pensé à tous ces journalistes qui se contentent de lire la quatrième de couverture des livres et de faire des comparaisons plus ou moins judicieuses...

 

Les deux extraits lus par Sofia Verdon ne font que renforcer le propos de Noëlle Revaz sur la superficialité, qui va bien au-delà du thème du livre. Car la superficialité caractérise le monde actuel, pour lequel seule compte l'image que l'on montre. L'un de ces deux extraits est hilarant et tient du gag. C'est celui où le mari d'une des deux héroïnes lui choisit une trentaine d'amis sur catalogue en guise de cadeau d'anniversaire...

 

Etait-ce mieux avant? Non pas. Noëlle Revaz critique autant ceux qui, aujourd'hui, ne s'intéressent pas au contenu des livres qu'à ceux qui naguère se donnaient de l'importance en ayant recours à force citations (en 1968, un graffiti sur les murs de Paris ne disait-il pas: "La culture, c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale."?). Ne sont-ce pas deux formes de la même superficialité?

 

En écrivant, Noëlle Revaz est en quête de son identité. Cette quête est sans fin. Mais veut-elle vraiment qu'elle aboutisse? Rien n'est moins sûr. Sa curiosité, en tout cas, n'a pas de limites...

 

Francis Richard

 

Efina Gallimard (2009)

L'infini livre Zoé (2014)

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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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