Alors que tout le monde dort - le sous-titre le dit - est un recueil de Poèmes lunatiques à fond mélancolique. Il comprend deux chapitres: Obscurité et Clarté. Qui, déjà, riment, tout en s'opposant et se répondant...
Les vers y sont libres, mais ils ont leur rythme et ils riment. Comme les chapitres qui les englobent. Et les sonorités de ces rimes créent à elles seules les notes personnelles d'une petite musique intérieure.
La plupart d'entre ces poèmes ne comportent que des vers à une seule ou deux rimes, trois tout au plus. Et ce ne sont pas seulement de simples bouts rimés, puisqu'ils chantent à l'oreille et taquinent volontiers l'esprit.
Dans Obscurité, le premier poème est comme une adresse au lecteur et il commence ainsi, donnant d'emblée l'obscure tonalité des poèmes qui le suivent:
Pardonne
Pardonne à mes vers l'habit noir
Ce deuil qu'ils portent tous les soirs
Puisqu'à leur réveil il va pleuvoir
[...]
Dans Clarté, le dernier des poèmes termine le recueil par ces vers dont la tonalité est cette fois franchement lumineuse, voire éblouissante:
Éveil
Remplis-moi
D'éclairs divins à faire fondre les songes
Sans rien dire, intrigue céleste et étrange
M'y voilà tel un phénix en feux qui change
Son plumage et renaît aux soins des anges
Dans l'intervalle, les autres poèmes font passer par bien des états d'âme, comme peut les favoriser l'alternance de sommeils et d'éveils...
Les titres des poèmes en témoignent: Anémie verbale, Défaillance, Déprime ou Douleurs dans le premier chapitre; Lumières, Création, Rêverie ou Éveil dans le second.
Plusieurs de ces poèmes sont de véritables chants: un de leurs vers se répète, comme une antienne; ou le début d'un de leurs vers, mis en écho, est prélude à variation sur un même thème, comme dans ce poème au titre évocateur:
Distance
Entre toi et moi il y a des angoisses étranges
[...]
Entre toi et moi il y a des buissons d'épines et des mensonges
[...]
Entre toi et moi il y a l'oubli, des silences qui dérangent
Dans ce recueil, une chose est sûre: Houda Bouacha y révèle son amour des mots, son habileté à les apprivoiser et son talent à les faire chanter, même si, parfois, elle le sait, ils peuvent rimer avec des maux... qu'elle saura sans doute soigner un jour...
Francis Richard
Alors que tout le monde dort, Houda Bouacha, 48 pages, Edilivre