Hier, la rencontre organisée à La Datcha par Tulalu!? avec Shemsi Makolli s'inscrivait dans le Printemps de la Poésie.
Dans son introduction, Miguel Moura, fondateur de l'association littéraire, souligne la richesse du mélange des cultures.
Shemsi Makolli, d'origine albanaise, se prête alors à un échange avec Sima Dakkus Rassoul, membre du comité, d'origine afghane.
Cet échange consiste à demander au poète ce que lui inspire un mot choisi par l'animatrice.
Après quoi, Shemsi Makolli fait une lecture d'un poème en français, tandis que Sabiha Berisha Makolli le lit en albanais, en arrière-fond sonore.
(ses poèmes en albanais ne sont pas une traduction de ses poèmes en français; ils sont une création parallèle, parce qu'il est impossible de traduire des poèmes...)
Les poèmes qu'il lit sont tirés de son recueil L'anatomie du rêve paru à l'automne 2017.
Voyage: ce n'est pas seulement un déplacement d'un point à un autre, mais l'occasion de rencontres qui ne sont pas dues au hasard. Ou alors il fait bien les choses...
Dans la forêt de mes pensées
Je rassemble mes os exténués
Pour un nouveau voyage
Mais cette fois je repartirai sans mon ombre
Sinon c'est elle
Qui partira sans moi
(quand Shemsi Makolli a quitté Pristina pour se rendre à Zurich il y a quelque trente ans, il était prêt à tout perdre, sauf ses cahiers de poésie, son bien le plus précieux)
Poésie: ce n'est pas un genre littéraire mystérieux réservé à une élite, mais un moyen de communiquer avec les autres grâce à l'harmonie et la musicalité des mots, un genre destiné au fond aux enfants honnêtes.
Tu t'arrêtes tu cherches
Tu voudrais découvrir
D'où tu viens où tu vas
Sans t'émerveiller ni te désespérer
Car c'est ainsi que tu seras poète
Et mon poète
Réalité: elle n'est parfois pas supportable, alors il faut s'efforcer de la changer pour qu'elle le devienne.
Tout ce que je peux partager avec vous
C'est une bouchée de pain
Que je laisse au coin de ma table
Pour l'enfant affamé
Rêve: personne n'est jamais capable d'expliquer un rêve, mais il est nécessaire pour vivre.
Toi qui m'est venu comme une brise
Comme une mélodie dans mon sommeil
Je te connaissais depuis des siècles
Sans savoir où te trouver
Ailleurs que dans mes rêves
Amour: c'est ce qu'il y a de plus important dans la vie; la haine conduit à l'autodestruction.
(le poète préfère dire enamourer plutôt que tomber amoureux...).
La mélodie de notre amour
Que cette terre la nourrisse
La renouvelle et l'apprenne par coeur
La rende légère et fluide
Tel le sang dans nos veines
Quand nous demeurons face à face sans parler.
Une des personnes de l'auditoire demande si Sabiha Berisha Makolli veut bien lire un poème en albanais. Elle lit Voyage dans cette langue musicale qui viendrait de l'étrusque. Et sa voix mélodieuse lui donne la profondeur d'un chant antique intemporel...
A l'automne prochain, paraîtra un nouveau recueil, intitulé L'élégie d'automne. On se réjouit de le lire après avoir entendu un poème, lu par le poète, qui en est extrait...
Francis Richard