Quels sont les droits de propriété sur lesquels s'accordent tous les libertariens (l'auteur est un avocat américain)?
- les droits envers les ressources tangibles
- les droits envers son propre corps (encore qu'ils ne soient pas unanimes sur son caractère aliénable)
Ils sont en désaccord sur la notion de propriété intellectuelle, qui sont des droits sur des choses intangibles.
Après avoir rappelé quels sont les types de propriété intellectuelle - le Droit d'Auteur, le Brevet, le Secret Commercial, La Marque Déposée - et parcouru le spectre des positions libertariennes, notamment favorables (jusnaturaliste et utilitariste), sur la question, l'auteur explique pourquoi il est Contre La Propriété Intellectuelle.
Pour cela il revient à l'origine des droits de propriété:
La fonction sociale et éthique fondamentale des droits de propriété est de prévenir les conflits interpersonnels envers les ressources rares.
Or, pour éviter les conflits, il faut que ces droits soient visibles, dans le sens d'observables ou perceptibles; et il faut qu'ils soient justes, dans le sens que le propriétaire doit être le premier occupant ou utilisateur d'une telle propriété.
Avec la propriété intellectuelle, il en va tout autrement:
Les idées ne sont pas rares naturellement. Cependant, en reconnaissant un droit sur un objet idéal, on crée une pénurie là où aucune n'existait auparavant.
Qui crée cette pénurie, temporaire ou permanente? L'État:
Les brevets et les droits d'auteur sont des monopoles injustifiables accordés par la législation étatique.
Ces droits sont injustifiables, parce qu'ils modifient le statu quo en redistribuant la propriété d'individus d'une catégorie (propriétaires de biens tangibles) aux individus d'une autre (auteurs et inventeurs).
L'auteur relève la confusion dans la justification des droits de propriété:
La création n'a de pertinence sur la question de la propriété d'une ressource rare "créée" donnée, telle qu'une statue, une épée ou une ferme, que dans la mesure où l'acte de création est un acte d'occupation ou sinon une preuve de première occupation.
Ce n'est pas parce qu'un auteur-inventeur "crée" quelque chose, qu'il serait en droit de la posséder. Il est en droit de la posséder s'il en est le premier occupant en vertu de la collecte de matières premières et de l'acte même de création:
Ce n'est pas la création en soi qui donne lieu à l'appropriation. Ce n'est pas non plus parce que le travail doit être récompensé.
Comme le souligne l'auteur:
En fait, il n'y a aucune raison pour que le simple fait d'innover donne à l'innovant le contrôle partiel de la propriété que les autres possèdent déjà.
La propriété intellectuelle est une règle arbitraire injustifiable qui permet à d'aucuns d'exercer un contrôle partiel sur les ressources tangibles de tous les autres:
La seule règle justifiable d'appropriation [est] la première occupation.
L'auteur montre que la résolution du droit de la propriété intellectuelle par des contrats est impossible parce que la limite de propriété qui en résulte pour les tiers est informe, invisible, mystique, apeurante, probablement inconnue et inconnaissable...
Les secrets commerciaux sont justifiables, à la différence des brevets ou des droits d'auteur: ils peuvent avoir été acquis indûment ou être divulgués en violation d'une obligation contractuelle.
De même est justifiable le droit des marques déposées, encore que, remarque l'auteur, ce sont les consommateurs dont les droits sont violés et non ceux du titulaire de la marque.
N. Stephan Kinsella conclut que le droit de la propriété intellectuelle, du moins sous la forme de brevet ou de droit d'auteur, exige la violation d'autres droits de propriété individuels, p. ex. ceux d'utiliser ses propres bien tangibles comme bon nous semble.
Il invite donc ceux qui s'intéressent à la liberté, à la vérité et aux droits à ne pas tenir la légitimité de la propriété intellectuelle pour acquise et à réaffirmer la primauté des droits individuels sur notre corps et sur les ressources rares que nous possédons.
Francis Richard
N.B.
Ce texte a été initialement publié dans le Journal of Libertarian Studies, Vol. 15, N°2 (printemps 2001), puis par le Mises Institute (07.28.2008).
Contre La Propriété Intellectuelle, N. Stephan Kinsella, 80 pages, Amazon (traduit par Stéphane Geyres et Daivy Merlijs)