Dans ces Hangars, José-Flore Tappy a rangé Limaille, Elémentaires et Gravier.
Limaille est ce qui reste d'un métal quand il a été limé. Ici c'est ce qui reste de
Toute une existence
réduite
à quelques mètres carrés
de cendres et de déchets
Semblablement
Sur l'abîme
la bâtisse penche
livrée au vide
ou
La table de fer
avec ses pieds rouillés
sous la pluie redevient
tôle
soudures
Elle s'en est allée, lui est resté et le poids de l'absence est
dans cette lame de poussière
qui nous déchire en deux
Elle est impuissante, en manque
toute ma maison
dans une piètre
valise
Elémentaires sont l'eau, la terre et le feu qui peuvent redonner espoir:
A force de rompre
l'équilibre
de frapper la terre
comme si le sol
d'un coup
pouvait s'ouvrir
une eau vive jaillira
du rocher
suspendue sur les gouffres
précipité d'écume !
[...]
Sous l'épaisseur du gel
travaille un feu
coriace
invisible à l'air libre
il brûle
contre la masse
ronge le silence
le dévore
Gravier est ce dont est fait le sentier des jours, lourd et rigoureux pour les déchaussés, les maladroits.
Le manque le dispute à l'oubli. Pourtant
on a tenu la terre
ce jour-là
comme un bras familier
Maintenant, dit elle,
Vivante
enveloppée par le soir
poussiéreux
je hante
les rues vides
mais les pas
ne savent plus
Pourquoi ?
Tenace
comme racine de thym
le chagrin
s'agrippe au sable
se tient
percute le vide
trompe la faim
Le salut est dans le vieux chemin qu'elle berce avec [ses] pieds:
Un chemin désuet
s'accroche
tout bas murmure
porte secours
L'équilibre de précaire devient ferme:
Alors sous les grands acacias
s'endort la peur
alors seulement
s'apaisent
les émeutes du vent.
Comme le dit Philippe Jaccottet dans son avant-propos, la poétesse, âprement, retourne la peur en combativité...
Francis Richard
Hangars, José-Flore Tappy, 112 pages, Zoé