On préférait que toute l'histoire passe pour une Affaire russe au lieu de ce en quoi elle consistait effectivement.
Le roman de Walter Vogt se conclut par l'Opération S comme Schizogorsk. Mais, pour en arriver là, il se passe dans la vie du narrateur bien des événements tout aussi contradictoires que le titre.
Ce dernier, radiologue devenu psychiatre, a un cabinet de consultation au rez-de-chaussée de sa maison, qu'il décrit par le menu, car, pour lui, chaque détail compte, psychologiquement parlant.
Tout commence par une séance avec un de ses patients, l'homme du mardi à cinq heures. Si le narrateur fume, il ne boit pas, sauf avec ce patient qui fournit le liquide, une bouteille de Black and White.
Peu après, le patient meurt. Suicide, accident ou meurtre? C'est ce que le commissaire Zwicky tente d'éclaircir en rendant visite au narrateur. Qui se souvient d'un détail, insignifiant à ce moment-là.
Le narrateur a disposé les verres sur un plateau. Il s'est absenté pour répondre à un appel téléphonique sans suite. Quand il revient, au lieu de prendre le verre à sa droite, il prend celui à sa gauche.
Or le narrateur est droitier et le patient, chimiste de la Confédération, gaucher. Il est probable qu'il y ait eu inversion des verres et que ce soit le patient qui ait voulu se débarrasser de son praticien.
Quand Zwicky le revisite, le psychiatre boit du lait avec lui. Mais cet ulcéreux ne s'en remet pas et trépasse à son tour. N'est-ce pas ce qu'il lui a dit: il a reconnu la voix qui lui a téléphoné le jour fatal?
Les faits tragiques s'enchaînent, ce qui n'est pas pour déplaire au narrateur. En effet il les collectionne en prévision d'un livre qu'il n'écrira peut-être pas mais qui serait consacré à la théologie du mal:
Nous vivons tous dans un zoo, nous avons tous des troubles du comportement. [...] Il s'agit d'un zoo plein de perfectionnements techniques, avec toutes sortes de chicanes sophistiquées, de miracles de communication, de drogues sataniques, etc. Personne ne s'en tire plus sans un petit pacte avec le diable.
Francis Richard
Schizogorsk, Walter Vogt, 240 pages, Bernard Campiche Editeur (traduit de l'allemand par François Conod)