On aurait pu se rencontrer différemment. Mais voilà, les normes sociales. En nous rencontrant, on portait déjà une étiquette. C'est comme ça, on ne peut pas se rebeller contre ça. Moi la journaliste, lui le comédien.
Ève Dambi, journaliste, se rend au 136, le théâtre où l'attend Yann Porsi, telle une sculpture au milieu du hall d'entrée. Le prix d'interprétation masculine au festival FFE vient de lui être décerné.
Le roman permet, ce que ne permet pas le théâtre, de se mettre dans la tête des personnages. C'est ainsi que l'auteure révèle au lecteur qu'Ève et Yann sont tout aussi empruntés l'un que l'autre.
Elle est stressée parce qu'il lui manque ce petit truc en plus qui rendrait tout plus paisible, lui parce qu'il vient de se rendre compte qu'il n'a plus de cigarettes et que, du coup, il est déjà en manque.
L'entretien se déroule pourtant bien. Yann adore ses questions. Ève trouve que l'interview n'était pas si désagréable que ça. Comme d'hab, elle attendra le dernier moment pour l'envoyer au journal.
Maria travaille comme femme de ménage, depuis quinze ans, au 136. Elle n'est pas originaire d'un pays de liberté. Elle n'a guère été récompensée pour sa soumission à ses deux maris successifs.
Pour être heureuse, Maria se raconte des histoires. Les bouts de papier qu'elle récupère au théâtre, et qui sont autant de bribes de vie, nourrissent son imaginaire, de même que leurs autres traces...
Jérôme Tascon est descendu à l'hôtel qui se trouve en face du 136. Il s'était réjoui trop vite d'avoir été embauché par la société L.B., car celle-ci a fait faillite aussitôt et son couple n'a pas résisté.
Lucie Barillon est descendue pour un rendez-vous médical au même hôtel que celui d'Ève, Jérôme et Yann. Elle y a rencontré ce dernier au bar, mais a surtout repéré un homme au fond de la salle...
Pendant la nuit, un malheur change la donne. les cartes sont redistribuées dans ce roman empreint d'une poésie douce, et se confirme le proverbe selon lequel à quelque chose malheur est bon.
Le mot de la fin revient cependant à Maria:
Être en mouvement.
Ne surtout pas devenir une carcasse.
Et rire. Il n'y a que ça de vrai.
C'est vrai, il est difficile de traverser la vie.
Mais tout ira bien.
Francis Richard
Je ne suis que ça, Madeleine Bongard (illustré par Claire Finotti), 212 pages, Les Editions Romann