Depuis qu'Emmanuel Macron a été élu, plusieurs crises se sont succédé et ont été résolues de la même manière, qui peut se résumer à quatre expressions: en même temps, quoi qu'il en coûte, nous sommes en guerre, emmerder. La première signifie faire diversion pour passer d'une crise à l'autre. La deuxième, utiliser l'argent magique pour parvenir à ses fins. La troisième, faire peur pour mieux soumettre. La quatrième, diviser pour avoir à l'usure ou pousser à bout.
FAIRE DIVERSION
Faire diversion, c'est saisir toutes les opportunités qui se présentent pour passer entre les gouttes d'un orage:
. La crise des Gilets jaunes, après le grand débat national, a été définitivement enterrée avec le confinement pour prétendument lutter contre la Covid-19.
. Le bilan désastreux du premier quinquennat a été escamoté par la guerre en Ukraine.
. Le risque de ne pas être réélu a été écarté en fabriquant un repoussoir: d'abord Eric Zemmour, puis Marine Le Pen.
. La réforme des retraites a été adoptée légalement (mais une loi peut être contraire au droit): le Conseil constitutionnel aura le dernier mot le 14 avril 2023. En attendant, la vie continue, alors pourquoi ne pas parler d'autre chose: école, santé, écologie, réindustrialisation, ordre républicain etc. ?
L'ARGENT MAGIQUE
Utiliser l'argent magique a permis:
. De calmer les ardeurs des Gilets jaunes.
. D'atténuer les rigueurs d'un confinement, non seulement inutile mais néfaste.
. De faire croire que les Français n'auraient pas à en régler la note si le Président était reconduit.
. De renvoyer l'ascenseur aux Cabinets de conseil qui avaient permis son élection.
FAIRE PEUR
Faire peur aux bourgeois, petits et grands, a été ou est le leitmotiv pour:
. Discréditer les Gilets jaunes en laissant faire ceux qui, à l'extrême-gauche, ont instrumentalisé le mouvement et commis des exactions.
. Discréditer ceux qui ramenaient à de justes proportions la pandémie de Covid-19 ou qui mettaient en doute, en connaissance de cause, que les vaccins soient la panacée ou les seuls remèdes.
. Discréditer, en les considérant comme des trouble-fête, ceux qui, réalistes, contestent l'avenir radieux promis par le ministre de l'économie: baisse du chômage, croissance retrouvée1.
. Discréditer ceux qui s'opposent à la réforme des retraites en mettant l'accent sur les violences perpétrées par des extrémistes de gauche, qui sont des alliés objectifs.
DIVISER
Diviser pour régner est une vieille recette qui marche pour avoir les récalcitrants à l'usure ou les pousser à bout:
. Diviser les Gilets jaunes entre eux et les isoler du reste de la population.
. Diviser les soignants entre eux après les avoir fait tous applaudir.
. Diviser les Français entre ceux qui profitent de l'État-providence (en accroissant son périmètre) et les autres, c'est-à-dire entre ceux qui sont assistés et ceux qui prennent des risques.
. Diviser les syndicats entre ceux qui sont réformistes et ceux qui sont jusqu'au-boutistes.
. Diviser les élus entre ceux qui sont les gentils et ceux qui sont les méchants, puis en inversant leurs rôles.
LA FIN DE LA MÉTHODE ?
La méthode Macron lui a permis jusqu'à présent de garder le pouvoir, ce qui est, semble-t-il, l'essentiel pour lui, car il ne se préoccupe guère du sort des autres, l'intérêt général étant pour lui une abstraction commode.
De faire diversion, de dilapider l'argent public, de faire peur et de diviser lui ont jusque-là réussi:
Chacun entend assez qu'il est fort louable à un prince de maintenir sa foi et vivre en intégrité, non pas avec ruses et tromperies. Néanmoins on voit par expérience de notre temps que ces princes se sont faits grands qui n'ont pas tenu grand compte de leur foi, et qui ont su par ruse circonvenir l'esprit des hommes, et à la fin ils ont surpassé ceux qui se sont fondés sur la loyauté.
( Machiavel, Le Prince, Livre de Poche classique, 1969)
Certes. Mais, comme il est dit dans La Cité de la peur (1994), le film d'Alain Berbérian : On peut tromper une personne mille fois. On peut tromper mille personnes une fois. Mais on ne peut pas tromper mille personnes mille fois...
Francis Richard
1 - Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire. Alfred Sauvy
Publication commune avec LesObservateurs.ch