Le mot Filiations est pris dans plusieurs acceptions. Le pluriel est donc de mise. Il l'est d'autant plus qu'à l'ouvrage ont participé des étudiants de l'Université de Lausanne et des seniors de Connaissance 3, sans parler de quatre écrivains1 que les lecteurs de ce blog reconnaîtront: Arthur Brügger, Fanny Desarzens, Douna Loup et Catherine Safonoff.
Le terme d'intergénérationnel convient donc pour qualifier ce collectif de vingt-cinq textes, rédigés en atelier d'écriture. En les lisant, les points de vue sur la filiation sont de toute façon révélateurs de la génération de leurs auteurs. S'il en était besoin, d'ailleurs, l'introduction confirme quelles générations ont abordé les deux premiers thèmes de ce volume.
Les textes sont en effet regroupés en quatre thèmes, définis dans l'introduction coécrite par Alain Ausoni, Arthur Brügger et Anne-Lise Delacrétaz:
- Transmissions: Comment faire avec ce dont on hérite, ce qui nous est transmis, notre désir de nous inscrire dans une filiation ou de léguer quelque chose de significatif? Cette partie comprend sept textes de: Ami Lou Parsons, Steva Rios, Justine Roh, Douna Loup, Sophie Batori, Anaïs Gasser et Arthur Brügger, qui tous sont de la jeune génération.
- Restitutions: Dans quelles circonstances ressent-on le besoin de faire le point sur les vies de celles et de ceux qui nous ont précédé.e.s et qu'apprend-on de soi-même en cours de route? Cette partie comprend huit textes de: Karien Zevenhuisen, Maurice Meillard, Martine Haemmerli, François Münger, Didier Senn, Anne Rogivue, Werner Haefliger et Catherine Safonoff, qui tous sont de l'ancienne génération.
- Enquêtes: Comment faire la lumière sur la forêt d'événements et d'émotions qui se cache derrière notre arbre généalogique? Cette partie comprend cinq textes de: Alex Pérez, Paul Helfer, Alicia Schmid, Laure Rohr et Luc Wintsch.
- Mythologies: Et pourquoi ne pas faire comme si: considérer les rapports entre générations grâce aux filtres des pouvoirs d'évocation de la fiction? Cette partie comprend cinq textes de: Fabian Marques dos Santos, Arno Baccheta, David Page2, Lou Sicovier et Fanny Desarzens.
Un proverbe dit: Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. Il ne faut pas croire qu'il ne s'applique qu'à la jeune génération. Il est intergénérationnel. Ce collectif en est l'illustration. S'il en était besoin, celui-ci permet de comprendre que, qu'elle soit heureuse ou pas, qu'elle soit naturelle ou adoptive, une filiation est déterminante de la personnalité.
Ces textes montrent qu'il est toutefois possible de s'en affranchir. Mais, pour ce faire, il faut connaître ses filiations, en faire son miel, les confronter avec celles des autres, et développer par ailleurs son esprit critique, c'est-à-dire en lisant et en écrivant, en dépassant ses émotions et en écoutant la voix de la raison. Dans L'enracinement, Simone Weil écrivait:
L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous.
Francis Richard
1 - Étant donné que je fais partie des boomers, c'est-à-dire d'une génération qui a appris la langue française et à l'aimer autrement, comme Boualem Sansal, le lecteur me pardonnera de ne pas me soumettre à l'écriture inclusive, qui, à mon humble avis, porte mal son nom et ne durera que ce que vivent les roses, l'espace d'un matin, comme aurait dit Malherbe et dont Molière aurait su démonter la préciosité.
2 - Avis aux amateurs: son texte est surtout dans la langue de Shakespeare...
Filiations, Collectif, 346 pages, Éditions Encre Fraîche